L'instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une provision n'est pas une instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur

 

Cour de cassation - Chambre commerciale

  • N° de pourvoi : 24-17.279
  • ECLI:FR:CCASS:2025:CO00384
  • Non publié au bulletin
  • Solution : Cassation sans renvoi

Audience publique du mercredi 02 juillet 2025

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, du 30 avril 2024

Président

M. Vigneau (président)

Avocat(s)

SAS Buk Lament-Robillot

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

LC



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 2 juillet 2025




Cassation sans renvoi


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 384 F-D

Pourvoi n° C 24-17.279




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 JUILLET 2025

1°/ la société Aera, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ la société BDRL associés, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], représentée par M. [C] [O], agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Aera,

3°/ la société CBF associés, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], représentée par M. [F] [D], agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société Aera,

ont formé le pourvoi n° C 24-17.279 contre l'arrêt rendu le 30 avril 2024 par la cour d'appel de Toulouse (3e chambre), dans le litige les opposant à la société Aquatechnique, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Buquant, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Aera, de la société BDRL associés, ès qualités, et de la société CBF associés, ès qualités, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Buquant, conseiller référendaire rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, et Mme Sezer, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 30 avril 2024), le 30 janvier 2023, la société Aquatechnique a assigné en référé la société Aera en paiement d'une provision.

2. Au cours de l'instance d'appel contre l'ordonnance ayant accueilli cette demande, la société Aera a été mise en redressement judiciaire.

3. La société BDRL associés, désignée mandataire judiciaire de la société Aera, et la société CBF associés, désignée administrateur judiciaire de celle-ci, sont intervenues volontairement à l'instance d'appel.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La société Aera, son administrateur judiciaire et son mandataire judiciaire font grief à l'arrêt de la condamner au paiement d'une provision, alors « que l'instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une provision n'est pas une instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur, au sens de l'article L. 622-22 du code de commerce, de sorte qu'une cour d'appel, statuant sur l'appel formé par ce dernier contre l'ordonnance l'ayant condamné au paiement d'une provision, doit infirmer cette ordonnance et dire n'y avoir lieu à référé, au besoin d'office, la demande en paiement étant devenue irrecevable en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictées par l'article L. 622-21 du code de commerce ; qu'en confirmant l'ordonnance entreprise ayant condamné la société Aera à payer à titre de provision la somme totale de 72 965,79 euros, au titre de factures en date des 16 février, 20 avril, 21 juillet, 22 juillet, 31 août et 15 septembre 2022, après avoir constaté que la société Aera avait été placée en redressement judiciaire au cours de l'instance d'appel par un jugement du tribunal de commerce de Foix en date du 6 novembre 2023, sans relever, au besoin d'office, l'irrecevabilité de la demande en paiement de la provision et sans constater qu'il revenait au seul juge-commissaire de se prononcer sur la déclaration de créance, ce qui la privait du pouvoir de statuer sur la créance, la cour d'appel a violé les articles L. 622-21 et L. 622-22 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 622-21 et L. 622-22 du code de commerce ;

5. L'instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une provision n'est pas une instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur, au sens du second de ces textes, de sorte qu'une cour d'appel, statuant sur l'appel formé par ce dernier contre l'ordonnance l'ayant condamné au paiement d'une provision, doit infirmer cette ordonnance et dire n'y avoir lieu à référé, la demande en paiement étant devenue irrecevable en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictée par le premier texte susvisé.

6. L'arrêt, après avoir constaté que la société Aera a été mise en redressement judiciaire, confirme sa condamnation au paiement d'une provision.

7. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de relever, au besoin d'office, l'irrecevabilité de la demande, la cour d'appel, qui n'avait pas le pouvoir de statuer sur la créance, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

8. Tel que suggéré par le demandeur au pourvoi, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 avril 2024, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Infirme l'ordonnance rendue le 15 mai 2023, par le président du tribunal de commerce de Foix ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de la société Aquatechnique ;

Condamne la société Aquatechnique aux dépens, en ce compris ceux exposés devant le juge des référés et la cour d'appel ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Aera ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le deux juillet deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:CO00384

Publié par ALBERT CASTON à 12:13  

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