Le manquement d'un conseiller en gestion en patrimoine à son obligation d'information

 

Cour de cassation - Chambre commerciale

  • N° de pourvoi : 24-13.258
  • ECLI:FR:CCASS:2025:CO00373
  • Non publié au bulletin
  • Solution : Cassation

Audience publique du mercredi 02 juillet 2025

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, du 30 janvier 2024

Président

M. Vigneau (président)

Avocat(s)

SARL Le Prado - Gilbert, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

JB



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 2 juillet 2025




Cassation


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 373 F-D

Pourvoi n° H 24-13.258




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 JUILLET 2025

La société Haut-Doubs créer bâtir, société par actions simplifiée à associé unique, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 24-13.258 contre l'arrêt rendu le 30 janvier 2024 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant à la société Fipad conseil, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Chazalette, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Haut-Doubs créer bâtir, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Fipad conseil, après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Chazalette, conseiller rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, et Mme Sezer, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 30 janvier 2024), le 9 décembre 2016, sur les conseils de la société Fipad conseil (la société Fipad), la société Haut-Doubs créer bâtir (HDCB) a investi une certaine somme dans des obligations émises par la société Maranatha, à échéance du 8 juillet 2018.

2. La société Maranatha a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire par jugement du 27 septembre 2017, convertie en liquidation judiciaire le 27 mars 2019.

3. Reprochant à la société Fipad un manquement à son obligation de conseil et soutenant ne pas avoir perçu les gains promis ni la restitution du capital investi à l'échéance, la société HDCB l'a assignée en responsabilité, en paiement d'une provision et en demandant qu'il soit sursis à statuer sur la liquidation de son préjudice jusqu'à la clôture de la procédure de liquidation judiciaire.

Examen des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. La société HDCB fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnisation et de sursis à statuer, alors « que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure ; qu'en retenant que si la société Fipad conseil avait commis une faute en proposant à la société Haut Doubs créer bâtir un investissement, sous la forme de souscription d'obligations émises par la société Maranatha, ne correspondant pas au profil de risque contractualisé entre les parties, le préjudice invoqué en résultant, lié à la perte du capital investi, était hypothétique en l'état de la poursuite des opérations de liquidation judiciaire de la société Marathana, sans rechercher, comme elle en était requise, si la date de remboursement du capital investi n'était pas acquise depuis 2018, de sorte que l'absence de remboursement à échéance rendait certain le préjudice en son principe, constitué a minima par la perte des fruits du capital investi, depuis cette date, et que seul son montant restait à déterminer dans l'attente de la clôture des opérations de liquidation de la société Maranatha, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1231-1 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1231-1 du code civil :

5. Le manquement d'un conseiller en gestion en patrimoine à son obligation d'information sur le risque de perte en capital et la valorisation du produit financier prive cet investisseur d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé, la réalisation de ce risque supposant que l'investisseur ait subi des pertes ou des gains manqués.

6. Pour juger que le préjudice invoqué par la société HDCB n'était pas établi, l'arrêt, après avoir que retenu que la société Fipad avait commis une faute en conseillant à sa cliente un investissement ne correspondant pas à son profil de risque, ajoute que le préjudice subi par la société HDCB ne peut consister qu'en une perte de chance de ne pas choisir l'investissement retenu et de ne pas perdre le capital investi. Il constate que les opérations de liquidation judiciaire se poursuivent et en déduit que le préjudice invoqué par la société HDCB, lié à la perte du capital investi, est hypothétique tant en son principe qu'en son montant, car aucun élément ne permet d'apprécier avec certitude si le montant de la créance qu'elle a déclaré lui sera réglé en tout ou partie.

6. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la date de remboursement du capital investi n'était pas acquise depuis 2018, de sorte que l'absence de remboursement à échéance rendait certain le préjudice en son principe, constitué a minima par la perte des fruits du capital investi, depuis cette date, et que seul son montant restait à déterminer dans l'attente de la clôture des opérations de liquidation de la société Maranatha, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 janvier 2024, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;

Condamne la société Fipad conseil aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Fipad conseil et la condamne à payer à la société Haut-Doubs créer bâtir la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le deux juillet deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:CO00373

Publié par ALBERT CASTON à 16:44  

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