Contrat et faute dolosive
Cour de cassation - Chambre commerciale
- N° de pourvoi : 24-10.050
- ECLI:FR:CCASS:2025:CO00368
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mercredi 02 juillet 2025
Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, du 07 novembre 2023
Président
M. Vigneau (président)
Avocat(s)
SARL Corlay, SARL Le Prado - Gilbert, SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Piwnica et Molinié
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
HM
COUR DE CASSATION
______________________
Arrêt du 2 juillet 2025
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 368 F-D
Pourvoi n° V 24-10.050
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 JUILLET 2025
La société Generali IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 24-10.050 contre l'arrêt rendu le 7 novembre 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Sea-Invest [Localité 6], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société Mediaco Aquitaine, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],
3°/ à la société Worms services maritimes, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],
4°/ à la société C-P Chipolbrok, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 5] (Chine),
défenderesses à la cassation.
La sociétés Sea Invest [Localité 6] et Worms services maritimes ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Les demanderesses au pourvoi incident invoquent chacune, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Generali IARD, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Mediaco Aquitaine, de la SARL Corlay, avocat de la société Worms services maritimes, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Sea-Invest Bordeaux, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, et Mme Sezer, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Desistement partiel
1. Il est donné acte à la société Generali IARD du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Mediaco Aquitaine et C-P Chilpolbrok et à la société Sea-Invest [Localité 6] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société C-P Chipolbrok.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué ( Bordeaux, 7 novembre 2023), la société Chantier naval Couach a confié à la société Worms services maritimes (la société Worms) l'organisation du transport de quatre vedettes depuis son site de production Gujan-Mestras vers le port de [Localité 7] (Arabie Saoudite) où elles devaient être livrées à leur acquéreur, le ministère de l'Intérieur d'Arabie Saoudite.
3. En vue de leur transport, les vedettes ont été assurées par la société Couach auprès de la société Generali IARD (la société Generali).
4. La société Worms a confié à la société Sea-Invest [Localité 6] (la société Sea Invest) les opérations de déchargement des quatre vedettes depuis les camions dans le port du [Localité 8] et leur chargement sur le navire « Chipolbrok Star », la société de droit chinois C-P Chipolbrok étant chargée de la partie maritime du transport.
5. La société Sea Invest a fait appel à la société Mediaco Aquitaine (la société Mediaco) pour les opérations de déchargement des quatre vedettes depuis les camions jusqu'au quai, puis, alors qu'elle devait procéder elle-même au chargement des vedettes sur le navire, constatant que le matériel du navire serait insuffisant, elle a sollicité en urgence la société Mediaco le prêt à usage des écarteurs nécessaires.
6. Au cours de ces dernières opérations, la dernière vedette a chuté sur le quai et a été déclarée ensuite en perte totale.
7. Le 9 août 2018, subrogée dans les droits de son assurée, la société Generali a assigné les sociétés Worms, Sea Invest, Chipolbrok et Mediaco en indemnisation des préjudices subis. La société Worms a appelé en garantie les sociétés Sea Invest et Chipolbrok. La société Sea Invest a appelé en garantie la société Mediaco.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et les deuxième et troisième branches du second moyen du pourvoi principal
8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen du pourvoi incident formé par la société Worms, qui est préalable
Enoncé du moyen
9. La société Worms fait grief à l'arrêt attaqué de la condamner à payer à la société Generali la somme de 127 500 euros en réparation du dommage occasionné par ses fautes personnelles, alors:
«1°/ qu' il n'entre pas dans les obligations du commissionnaire de transport de superviser le chargement et le déchargement, ni de contrôler le manutentionnaire dans ses opérations de manutention; qu'ainsi le fait pour le commissionnaire de ne pas avoir surveillé l'opération de chargement/déchargement et de ne pas s'être assuré du choix de l'écarteur opéré par le chargeur, ne peut en aucun cas constituer une faute personnelle de sa part ; qu'en considérant qu'était fautif à titre personnel le fait pour le commissionnaire de n'avoir pas surveillé les opérations de chargement et en particulier de n'avoir pas vérifié quelles étaient "les incidences éventuelles sur le chargement des vedettes" de la "la modification du plan de chargement du navire, le commissionnaire (n'ayant) pris aucune initiative pour vérifier", la cour d'appel a violé les articles 1103 et 1231-1 du code civil ensemble l'article 5-1 du contrat type de transport résultant du décret nº 2013-293 du 5 avril 2013 ;
2°/ que le commissionnaire de transport n'engage sa responsabilité de son fait personnel que si celui-ci est à l'origine des avaries ou des pertes de marchandises ; qu'en l'espèce, il est constant que l'origine du dommage résulte de l'utilisation par le manutentionnaire, la société Sea Invest, d'un écarteur incompatible avec le levage des vedettes par une grue de 50t ; que la cour d'appel a constaté que les deux premières vedettes avaient été soulevées par la grue n°3 de 320 tonnes du bord, qui était adaptée, ce qui ne pouvait être le cas pour les troisième et quatrième vedettes "du fait de leur positionnement en bout de quai"; qu'il s'en évinçait que la faute reprochée au commissionnaire, la société Worms, à savoir "l'interprétation erronée des termes de la booking note (par la société Worms) conclue avec la société Chipolbrok, en considérant que le bord disposait de tout le matériel nécessaire, alors qu'en réalité la partie maillage de la grue (élingues et écarteurs) n'était pas reprise dans les échanges par courriels entre les sociétés Worms et Chipolbrok" n'avait eu aucune incidence sur le dommage qui n'était dû qu'au mauvais positionnement des dernières vedettes, pour lesquelles n'avait pu être utilisée la grue n° 3 de 320 tonnes du bord ; qu'en considérant néanmoins que la responsabilité du commissionnaire pour faute personnelle devait être retenue, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles 1231-1 du code civil ensemble l'article 5-1 du contrat type de transport résultant du décret nº 2013-293 du 5 avril 2013 ;
3°/ que le commissionnaire de transport n'engage sa responsabilité pour son fait personnel que lorsque celui-ci est à l'origine des avaries ou pertes de marchandises ; qu'en l'espèce, il est constant que l'origine du dommage résulte de l'utilisation par le manutentionnaire, la société Sea Invest, d'un écarteur incompatible avec le levage des vedettes par une grue de 50t "du fait de leur positionnement en bout de quai" ; que la cour d'appel a constaté que la société Sea Invest avait utilisé, pour le déchargement des deux dernières vedettes, les écarteurs qu'elle avait choisi d'utiliser pour leur chargement, hors toute pression extérieure : " M. [S] (responsable d'exploitation de la société Sea Invest Bordeaux) a alors téléphoné le 16 aout 2017 vers 17 h 30 à sa marraine Mme [I], secrétaire administrative chez Mediaco, en lui signalant "qu'il était dans la mouise et avait besoin des écarteurs ayant servi au levage précédent" (déclarations de Mme [I] devant l'expert ; qu'ainsi que la société Sea Invest l'indique dans ses conclusions, un de ses salariés s'est alors rendu dans les entrepôts de la société Mediaco, et y a récupéré le matériel qui avait été utilisé lors de la phase de mise à quai."; qu'ainsi, dès le chargement, la société Sea Invest avait opté pour des écarteurs non adaptés aux vedettes ; qu'en considérant néanmoins que la faute du commissionnaire, consistant à avoir fait une "interprétation erronée des termes de la booking note (par la société Worms) conclue avec la société Chipolbrok, en considérant que le bord disposait de tout le matériel nécessaire, alors qu'en réalité la partie maillage de la grue (élingues et écarteurs) n'était pas reprise dans les échanges par courriels entre les sociétés Worms et Chipolbrok", était à l'origine du dommage, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles 1231-1 du code civil ensemble l'article 5-1 du contrat type de transport résultant du décret nº 2013-293 du 5 avril 2013.»
Réponse de la Cour
10. L'arrêt relève que, selon l'expert judiciaire, le facteur déclenchant dans le processus ayant conduit à la chute de la vedette est la rupture d'une cadène, ou patte d'élingage, de l'écarteur arrière en raison de son sous-dimensionnement par rapport à la charge à manutentionner et à une contrainte excessive. Il ajoute que l'expert a relevé qu'il n'avait été procédé à aucun calcul de répartition des charges, tant pour la mise à quai que pour l'embarquement à bord du navire, alors que les caractéristiques des vedettes étaient connues et que le manque de coordination quant à la vérification de l'adéquation du matériel à sa mise en oeuvre ainsi que l'absence de calcul pour déterminer les contraintes exercées ont généré une intervention dans l'urgence. L'arrêt retient que la société Worms, chargée notamment d'assurer la coordination entre la société de manutention Sea Invest et la société Chipolbrok dans la phase délicate de chargement des vedettes à bord depuis le quai, n'a pas suffisamment préparé les opérations de mises à bord et a fait une interprétation erronée des termes de la booking note conclue avec la société Chipolbrok en considérant que le bord disposait de tout le matériel nécessaire, alors qu'en réalité, la partie maillage de la grue (élingues et écarteurs) n'étaient pas repris dans les échanges par courriels entre ces deux sociétés et que les écarteurs dont disposait le navire étaient d'un poids unitaire de 18,5 tonnes incompatibles avec le levage des vedettes par une grue de 50 tonnes. Il en déduit que la société Worms n'a pas discerné la contradiction pourtant apparente existant entre l'offre de service de Sea Invest, qui portait sur un navire «bigué», le matériel de levage devant donc être fourni par le bord, alors que le contrat de réservation du fret précisait que les outils de levage, écarteurs/poutres/élingues/manilles spéciaux certifiés si nécessaires étaient à fournir par l'affréteur au chargement/déchargement. Il ajoute qu'une fois informé par le bord de la modification du plan de chargement du navire, le commissionnaire n'a pris aucune initiative pour vérifier les incidences éventuelles sur le chargement des vedettes. L'arrêt retient enfin que, du fait de leur positionnement en bout de quai, qui n'était pas justifié par un risque de surcharge, les 3ème et 4ème vedettes n'ont pu être chargées comme les deux premières par la grue de bord et qu'il a été nécessaire de recourir à la grue de 50 tonnes qui ne pouvait être utilisée avec les écarteurs du navire, ce qui a obligé à une prise de décision précipitée et hâtive pour trouver une solution alternative afin d'éviter les frais de recrutement d'une nouvelle équipe de dockers, sur la tranche horaire dépassant 0H00 et les frais d'immobilisation du navire.
11. De ces constatations et appréciations souveraines des éléments de preuve qui lui étaient fournis, la cour d'appel a pu déduire que la société Worms commissionnaire de transport, par une insuffisance de préparation et de coordination d'un transport inhabituel nécessitant des précautions particulières, avait commis une faute personnelle en lien avec le dommage.
12. Le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches.
Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche
La société Generali fait grief à l'arrêt de condamner la société Worms services maritimes à lui payer la seule contre-valeur en euros de 50 000 DTS au titre du dommage occasionné par le fait de son substitué, la société Sea invest, alors «que la faute lourde ou dolosive consiste dans l'emploi volontaire de moyens inappropriés avec la conscience qu'un dommage en résultera nécessairement ; que la cour d'appel a relevé que la société Sea invest, chargée de la manutention des vedettes, avait utilisé pour leur chargement des écarteurs inappropriés, en ce qu'ils avaient une contrainte maximale d'utilisation (CMU) de seulement 12 tonnes au lieu de 15, et en outre défectueux, et que ces défauts étaient apparents, les écarteurs étant en outre dépourvus de certification, tandis que des "contraintes anormales" allaient être exercées, "génératrices d'un risque élevé de casse " ; qu'elle a également constaté que "le risque de rupture brutale de cet écarteur pouvait donc être prévu" tandis que les opérations de chargement avaient débuté sans aucune coordination ni prise de contact utile avec le bord, et avaient été effectuées sans calcul de répartition des charges et dans la précipitation, la société Sea invest s'étant en outre munie de sangles trop courtes ; qu'en se bornant cependant à affirmer, pour faire application des limites d'indemnisation prévues à l'article L. 5422-13 du code des transports, que la société Generali ne démontrait pas que la société Sea invest ait commis une faute dolosive, après avoir pourtant relevé l'emploi par celle-ci de matériels inappropriés dont le défaut était "apparent", et qu'elle s'était procurés sans en vérifier les caractéristiques ni l'état, ce qui générait "un risque élevé de casse" la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a violé le texte susvisé.»
Réponse de la Cour
13. L'arrêt retient que la société Sea Invest n'a pas vérifié l'offre de service de la société Mediaco pour les opérations de déchargement des vedettes depuis le camion sur le quai, ce qui ne lui pas permis de constater que la CMU réelle des écarteurs était de 12 tonnes et non de 15 tonnes, que les écarteurs étaient dépourvus de certification, et que des contraintes anormales, génératrices d'un risque élevé de casse, allaient être exercées sur l'écarteur arrière dès lors que le centre de gravité de chaque vedette était déplacé vers l'arrière. Il retient encore qu'elle n'a pas davantage procédé à cette vérification dans les locaux de Mediaco lorsqu'il a été nécessaire d'utiliser de nouveau ces écarteurs en fin de journée, pour le levage des deux dernières vedettes avec la grue de 50 tonnes et que les opérations ont débuté alors qu'aucune coordination ni prise de contact utile n'avait été faite avec le bord en amont, à compter de l'accostage du navire à 11 heures, de sorte que sont apparues tardivement des difficultés à régler avec l'équipage, concernant tant la conduite de la grue par le personnel de bord que l'impossibilité d'utiliser la grue n°3 du bord pour toutes les vedettes, et l'utilisation impossible des écarteurs du bord. Il retient enfin que les opérations de levage ont été effectuées sans calcul de répartition des charges sur les écarteurs, et dans la précipitation, compte tenu du temps perdu, notamment pour le maillage des sangles en tête d'alouette par la société Sea Invest, les sangles neuves de 12 mètres dont elle s'était munie s'étant révélées trop courtes.
14. De ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a énoncé à bon droit que la faute dolosive ne pouvait résulter que d'un emploi volontaire de moyens totalement inappropriés pour réaliser les opérations de manutention avec la conscience qu'un dommage en résulterait nécessairement, a pu déduire que la société Sea Invest n'avait pas commis une faute de cette nature.
15. Le moyen n'est donc pas fondé.
Et sur le moyen du pourvoi incident formé par la société Sea Invest
Enoncé du moyen
La société Sea Invest fait grief à l'arrêt de rejeter son recours contre la société Mediaco, alors «qu'aux termes de l'article 1891 du code civil, lorsque la chose prêtée a des défauts tels qu'elle puisse causer un préjudice à celui qui s'en sert, le prêteur est responsable, s'il connaissait les défauts et n'en a pas averti l'emprunteur ; que le prêteur professionnel est présumé avoir connaissance du défaut de la chose prêtée ; que la cour d'appel a elle-même relevé que la société Mediaco Aquitaine requise par la société Sea Invest Bordeaux "pour qu'elle l'aide à réaliser les opérations de déchargement des quatre vedettes (?) et pour lui fournir les écarteurs nécessaires au chargement", lui avait fourni des écarteurs qui ne présentaient pas la charge maximale d'utilisation annoncée, l'écarteur arrière fourni étant en outre dépourvu de certificat de conformité, éléments constitutifs d'un "manquement" de sa part, "pour avoir utilisé des écarteurs qui ne présentaient pas la CMU annoncée" ; qu'en décidant cependant que ce manquement, commis "lors de l'exécution du contrat de location", ne pouvait lui être reproché "à l'occasion du contrat distinct de commodat du 16 août 2017, au terme duquel elle s'est bornée à mettre de nouveau à disposition les écarteurs que réclamait en urgence la société Sea-Invest", au prétexte que cette dernière, emprunteuse, pouvait déceler le défaut de la chose prêtée, après avoir pourtant relevé que la "mise à disposition" des écarteurs intervenait "dans le cadre de bonnes relations commerciales " et que les écarteurs prêtés ne présentaient pas la CMU annoncée lors du contrat de location, ce dont il se déduisait que le prêt revêtait un caractère professionnel, et que le prêteur, professionnel, était présumé avoir connaissance du défaut de la chose prêtée, et devait donc répondre du sinistre, fût-ce partiellement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé la disposition susvisée.»
Réponse de la Cour
L'arrêt retient que la société Sea Invest, spécialiste de la manutention portuaire, était en mesure de constater que la CMU des écarteurs n'était pas de quinze tonnes, mais de douze tonnes, ce qui ressortait de l'examen des poinçons figurant sur les écarteurs, qu'elle était pareillement en mesure de constater qu'il manquait les certificats d'épreuve et que l'un des écarteurs présentait des traces d'usure et une très forte déformation plastique, de sorte que la société Sea Invest connaissait le risque de rupture brutale de cet écarteur, et ce d'autant plus qu'elle avait eu connaissance du plan de la vedette et aurait dû réaliser un calcul de répartition des charges en fonction du centre de gravité. Il relève que ce manquement, qui aurait pu être imputé à la société Mediaco lors de l'exécution du contrat de déchargement des navires, ne peut plus lui être reproché à l'occasion du commodat du 16 août 2017, aux termes duquel elle s'est bornée à mettre de nouveau à disposition les écarteurs que réclamaient d'urgence la société Sea invest, sans avoir l'initiative ni le contrôle des opérations de levage qui allaient suivre pour lesquelles intervenait un spécialiste.
16. De ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire que la société Sea Invest ne pouvait se prévaloir d'un manquement contractuel de la société Mediaco à son égard.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société Generali IARD aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Generali IARD et la condamne à payer à la société Worms services maritimes, à la société Sea Invest [Localité 6] chacune la somme de 3 000 euros et condamne la société Sea Invest [Localité 6] à payer à la société Mediaco Aquitaine la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le deux juillet deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:CO00368
Publié par ALBERT CASTON à 17:07
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