Clause prévoyant le paiement d'une somme forfaitaire minimale à titre de dommages et intérêts en cas d'inexécution par le débiteur de son obligation

 

Cour de cassation - Chambre commerciale

  • N° de pourvoi : 24-14.675
  • ECLI:FR:CCASS:2025:CO00361
  • Non publié au bulletin
  • Solution : Rejet

Audience publique du mercredi 25 juin 2025

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 17 janvier 2024

Président

M. Vigneau (président)

Avocat(s)

SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, SCP Duhamel

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

MB



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 25 juin 2025




Rejet


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 361 F-D

Pourvoi n° X 24-14.675









R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 JUIN 2025

La société Change by Fidso, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 24-14.675 contre l'arrêt rendu le 17 janvier 2024 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l'opposant à la société Comptoir national de l'or, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bellino, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société Change by Fidso, de la SCP Duhamel, avocat de la société Comptoir national de l'or, après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bellino, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 janvier 2024), la société Comptoir national de l'or (la société CNDO), qui vient aux droits de la société Comptoir de l'or, gère un réseau de concessionnaires spécialisés dans l'achat et la vente d'or auprès des particuliers.

2. M. [I], président de la société Change by Fidso, créée en septembre 2012 et anciennement dénommée Fidso Investor puis Fidso Forex Trading, a, pour les besoins de son intégration au réseau de la société CNDO, constitué directement ou indirectement cinq sociétés qui ont conclu avec la société Comptoir de l'or entre 2010 et 2012 des contrats de concession dits « contrats boutique » pour une durée de cinq ans, afin d'exploiter six agences.

3. Par avenant à ces contrats du 23 septembre 2013, auquel est intervenue la société Change by Fidso alors dénommée Fidso Investor, la société CNDO s'est substituée à la société Comptoir de l'or. L'article 16 de chacun des « contrats boutique », tel que modifié par ce même avenant, prévoit, à la charge de la société Fidso Investor et de ses filiales concessionnaires, une obligation de non-concurrence et d'exclusivité dont la violation est sanctionnée par le paiement d'une somme minimale de 200 000 euros.

4. Au terme de chacun des « contrats boutique », les relations se sont poursuivies, parallèlement à des négociations sur certaines conditions contractuelles.

5. Par lettre du 8 septembre 2017, la société Change by Fidso a notifié à la société CNDO la rupture des relations commerciales avec ses filiales concessionnaires à compter du 1er janvier 2018.

6. En réponse, par lettre du 19 septembre 2017, réitérée le 11 octobre 2017, la société CNDO a mis en demeure les filiales Fidso concessionnaires de cesser toute vente, achat ou transaction portant sur des métaux précieux sous une autre enseigne et de communiquer des éléments financiers en application du « contrat boutique ».

7. Le 31 décembre 2018, la société Change by Fidso a absorbé les filiales Fidso concessionnaires par transmission universelle de patrimoine.

8. Le 18 juillet 2019, la société CNDO a assigné la société Change by Fidso en paiement d'une somme au titre de la violation de la clause de non-concurrence et d'exclusivité.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième, huitième, neuvième et dixième branches

9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

10. La société Change by Fidso fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société CNDO la somme de 1 200 000 euros au titre de la violation de la clause de non-concurrence, alors :

« 1°/ que la qualification de clause pénale, qui dispense le juge de constater l'existence et l'étendue du préjudice du créancier de l'obligation, suppose que la pénalité qui y est fixée le soit de manière forfaitaire ; qu'en qualifiant la clause litigieuse, stipulée à l'article 9 de l'avenant du 23 septembre 2013 et modifiant l'article 16 des contrats boutique, de clause pénale, pour se dispenser de la démonstration par la société CNDO de la réalité et de l'étendue de son préjudice, après avoir pourtant constaté que la clause litigieuse ne fixait qu'un montant minimal et non un montant forfaitaire et alors que le lien entre le préjudice dont pourrait souffrir la société CNDO et l'indemnisation prévue par avance était explicitement stipulé, ce qui supposait une évaluation concrète du préjudice, et à tout le moins la preuve de son existence, la cour d'appel a violé les articles 1231-2 et 1231-5 du code civil ainsi que les articles 1149, 1152, 1226 et 1231 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et que la clause pénale ne peut sanctionner que le manquement à un engagement valable et faisant l'objet d'une contrepartie lorsqu'il s'agit d'une obligation de non-concurrence ; que la cour d'appel a constaté que la société Change by Fidso s'était engagée à ne pas poursuivre une activité concurrente, "au même titre que les sociétés qu'elle absorbera" ; qu'elle a également relevé que, par son article 16, l'avenant du 23 septembre 2013 précise in fine que "toute violation par le concessionnaire [des stipulations relatives à la non-concurrence entre les parties], donnera lieu au paiement immédiat et de plein droit d'une indemnité au bénéfice du Concédant qui ne saurait être inférieure à deux cent mille (200.000) euros" ; qu'il s'en évince que l'obligation de non-concurrence à laquelle se serait soumise la société Change by Fidso personnellement à l'égard de la société CNDO ne pouvait prendre effet qu'à compter de l'absorption de ses filiales, laquelle absorption pouvait par ailleurs seule lui conférer la qualité de concessionnaire, condition exigée contractuellement pour être débiteur de la clause pénale ; que dès lors en affirmant que la société Change by Fidso avait violé à titre personnel son obligation de non-concurrence à l'égard de la société CNDO, pour la condamner à verser la somme totale de 1 200 000 euros, sans constater qu'à la date des violations alléguées la société Change by Fidso aurait absorbé les sociétés concessionnaires ou aurait elle-même bénéficié de la qualité de concessionnaire de la société CNDO, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1103, 1231-2 et 1231-5 du code civil ainsi que des articles 1134, 1149, 1152, 1226 et 1231 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

11. En premier lieu, il résulte de l'article 1152 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, que la clause prévoyant le paiement d'une somme forfaitaire minimale à titre de dommages et intérêts en cas d'inexécution par le débiteur de son obligation est une clause pénale, qui s'applique sans que le créancier de l'obligation ait à rapporter la preuve de son préjudice, sauf à ce qu'il demande des dommages et intérêts supplémentaires si son préjudice excède cette somme.

12. Après avoir énoncé qu'au sens de l'article 1152 précité, une clause pénale est une stipulation qui prévoit par avance le montant de la somme allouée à titre de sanction de l'inexécution de l'une de ses obligations par une partie et que, destinée à assurer l'exécution d'une convention, elle est l'évaluation conventionnelle anticipée des dommages et intérêts réparant le préjudice causé par un manquement contractuel quelconque, éventuel au jour de sa fixation, et réprimant le comportement du débiteur défaillant, l'arrêt relève que l'article 16 des « contrats boutique », tel que modifié par l'avenant du 23 septembre 2013, prévoit que « toute violation par le Concessionnaire [des stipulations relatives à la non-concurrence entre les parties], donnera lieu au paiement immédiat et de plein droit d'une indemnité au bénéfice du Concédant qui ne saurait être inférieure à deux cent mille (200 000) euros ». Il retient que cette clause sanctionne ainsi une faute contractuelle par l'allocation d'une indemnisation déterminée préalablement et que le fait que son montant soit minimal et sujet à majoration est indifférent dès lors que le montant déterminé est un plancher, qui exclut toute variation à la baisse, et non un plafond.

13. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, dont il résulte que la clause litigieuse évaluait d'avance l'indemnité minimale due en cas de non-respect de l'obligation d'exclusivité et de non- concurrence, la cour d'appel a exactement retenu que cette clause devait être qualifiée de clause pénale et que la société CNDO n'avait pas à démontrer la réalité et l'étendue de son préjudice, mais uniquement la violation de leur obligation par les concessionnaires.

14. En second lieu, après avoir relevé que, dans l'avenant du 23 septembre 2013, la société Fidso Investor, devenue Change by Fidso, s'était expressément engagée, au même titre que ses filiales, qu'elle a ensuite absorbées, à ne pas poursuivre une activité concurrente et à régler le montant de la clause pénale en cas de violation de cette obligation, l'arrêt retient que cet engagement était cohérent avec la nature de son activité de négoce d'or et les liens qu'elle avait noués dès son immatriculation avec la société CNDO. Il en déduit que, ayant accepté personnellement une clause pénale d'un montant de 200 000 euros, la société Change by Fidso peut être condamnée en sa qualité de société absorbante mais également à titre personnel.

15. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer la recherche invoquée à la deuxième branche, que ses constatations relatives à l'engagement de la société Change by Fidso à titre personnel rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision.

16. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Change by Fidso aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Change by Fidso et la condamne à payer à la société Comptoir national de l'or la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le vingt-cinq juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:CO00361

Publié par ALBERT CASTON à 12:55  

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