Responsabilité décennale et notion d'ouvrage à usage professionnel
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 23-22.955
- ECLI:FR:CCASS:2025:C300468
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 25 septembre 2025
Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, du 03 octobre 2023
Président
M. Boyer (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s)
Me Bouthors, SARL Cabinet Munier-Apaire, SCP L. Poulet-Odent, SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Duhamel, SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CL
COUR DE CASSATION
______________________
Arrêt du 25 septembre 2025
Cassation partielle
M. BOYER, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 468 FS-B
Pourvoi n° B 23-22.955
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 SEPTEMBRE 2025
La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° B 23-22.955 contre l'arrêt rendu le 3 octobre 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Guérin et associés, société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], prise en sa qualité de mandataire liquidateur de la société TCE Solar,
2°/ à la société BN solaire, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
3°/ à la société Santerne Méditerranée, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6],
4°/ à la société SMA, dont le siège est [Adresse 7], venant aux droits de la société Sagena,
5°/ à la société Aig Europe, dont le siège est [Adresse 5], venant aux droits de la société Aig Europe Limited, elle-même venant aux droits de la société Aid Europe Nederland NV, société de droit étranger, prise en la personne de sa succursale néerlandaise, dont le siège se situe [Adresse 10] (Pays-Bas), prise en sa qualité d'assureur de la société Scheuten Solar Holding BV,
6°/ à la société Allianz Benelux NV, dont le siège est [Adresse 8] (Pays-Bas), venant aux droits de la société de droit néerlandais Allianz Nederland and corporate NV,
7°/ à la société Allianz, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
8°/ à la société TÜV Rheinland LGA Products Gmbh, dont le siège est [Adresse 11] (Allemagne),
9°/ à la société HDI Global SE, dont le siège est [Adresse 9] (Allemagne),
défenderesses à la cassation.
La société Aig Europe a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, quatre moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseillère référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, de Me Bouthors, avocat de la société BN solaire, de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Allianz Benelux NV, de la SCP Duhamel, avocat de la société Allianz, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat des sociétés TÜV Rheinland LGA Products Gmbh et HDI Global SE, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Aig Europe, et l'avis écrit de Mme Vassallo, première avocate générale, après débats en l'audience publique du 9 juillet 2025 où étaient présents M. Boyer, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Vernimmen, conseillère référendaire rapporteure, Mme Abgrall, conseillère faisant fonction de doyenne, MM. Pety, Brillet, Mmes Foucher-Gros, Guillaudier, conseillers, M. Zedda, Mmes Rat, Bironneau, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Maréville, greffière de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 3 octobre 2023), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 21 septembre 2022, pourvoi n° 21-20.433), la société BN solaire a confié à la société TCE Solar, désormais en liquidation judiciaire, assurée auprès de la société Axa France IARD (la société Axa), l'installation, en toiture d'un bâtiment dont la couverture existante avait été déposée, d'une unité de production d'énergie solaire comportant des panneaux photovoltaïques fabriqués par la société Scheuten Holding, assurée auprès de la société AIG Europe Limited, aux droits de laquelle vient la société AIG Europe, équipés de boîtiers de connexion, fournis par une entreprise assurée auprès de la société Allianz Benelux NV (la société Allianz) et certifiés par la société Tüv Rheinland LGA Products GMBH (la société Tüv Rheinland), assurée auprès de la société HDI Global SE.
2. La société TCE Solar a sous-traité à la société Santerne Méditerranée, assurée auprès de la société Sagena, aux droits de laquelle vient la société SMA, le câblage de l'installation.
3. La réception des travaux est intervenue le 19 janvier 2011.
4. Divers incidents de production étant survenus avant la mise en arrêt total de l'installation, le 27 janvier 2012, provoqués par un défaut sériel affectant les boîtiers de connexion, la société BN solaire a, après expertise, assigné la société TCE Solar, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, et la société Axa en réparation.
5. La société Axa a assigné en garantie les sociétés Santerne Méditerranée, Sagena, Allianz France IARD, recherchée en sa qualité d'assureur de l'entreprise ayant fourni les boîtiers, et AIG Europe Limited, laquelle a appelé en garantie les sociétés Allianz,Tüv Rheinland et HDI Global SE.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
6. La société Axa fait grief à l'arrêt de la condamner sur le fondement de la responsabilité décennale à payer à la société BN solaire diverses sommes au titre du remplacement de la totalité des panneaux solaires et des pertes de production d'électricité et de rejeter sa demande en remboursement d'une certaine somme au titre des dommages secondaires de l'installation photovoltaïque, alors « que ne sont pas considérés comme des éléments d'équipement d'un ouvrage au sens des articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 1792-4 les éléments d'équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage : qu'en affirmant qu'il résultait de l'intégration en toiture des panneaux photovoltaïques par le procédé 3I SIT et du descriptif produit en pièce 22 que le système de montage fournit l'étanchéité de la toiture et « que l'installation photovoltaïque ainsi intégrée dans la toiture constitue dans son ensemble un ouvrage de construction ayant pour fonction la production d'électricité mais également le clos et le couvert de l'immeuble, relevant ainsi de l'obligation d'assurance », sans rechercher, comme elle y était invitée, si les panneaux photovoltaïques équipés de boîtiers défectueux, quoiqu'intégrés dans la toiture en raison de leur fixation par les platines, n'étaient qu'un élément d'équipement dont la fonction exclusive était de permettre l'exercice de l'activité professionnelle de la société BN Solaire, i.e la production et la revente d'électricité, dès lors que seuls les bacs aciers sur lesquels ils reposaient assuraient le clos, le couvert et l'étanchéité du bâtiment, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792-7 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1792-7 du code civil :
7. Aux termes de ce texte, ne sont pas considérés comme des éléments d'équipement d'un ouvrage au sens des articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 1792-4 les éléments d'équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage.
8. Pour retenir la garantie de l'assureur décennal du constructeur, l'arrêt retient que l'installation photovoltaïque, intégrée dans la toiture par un système d'assemblage et de fixation des bacs en acier sur la charpente, constituait dans son ensemble un ouvrage de construction ayant pour fonction la production d'électricité mais également le clos et le couvert de l'immeuble.
9. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les modules photovoltaïques équipés des boîtiers de connexion défectueux, bien qu'intégrés à la nouvelle toiture composée de bacs en acier, ne constituaient pas des éléments d'équipement dépourvus de fonction de clos ou de couvert permettant exclusivement l'exercice d'une activité professionnelle de production et de vente d'énergie, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois principal et incident, la Cour :
CASSE ET ANNULE sauf en ce qu'il déclare les conclusions de toutes les parties recevables et met hors de cause la société AIG Europe, venant aux droits de la société AIG Europe Limited, prise en la personne de sa succursale française, l'arrêt rendu le 3 octobre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;
Condamne la société BN solaire aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-cinq septembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300468
Analyse
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Titrages et résumés
Publié par ALBERT CASTON à 12:28
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Libellés : article 1792-7 du code civil , ouvrage , responsabilité décennale , usage professionnel
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