Une société civile immobilière (SCI) agit en qualité de professionnel lorsqu'elle souscrit des prêts immobiliers pour financer l'acquisition d'immeubles conformément à son objet

 

9 juillet 2025
Cour de cassation
Pourvoi n° 23-23.066

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

 

ECLI:FR:CCASS:2025:C100508

Texte de la décision

Entête

CIV. 1

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 9 juillet 2025




Rejet


Mme CHAMPALAUNE, présidente



Arrêt n° 508 F-D

Pourvoi n° X 23-23.066




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2025


La société Le Moulin, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 23-23.066 contre l'arrêt rendu le 23 novembre 2023 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige l'opposant à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) des Savoie, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Tréard, conseillère, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de la société civile immobilière Le Moulin, de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) des Savoie, après débats en l'audience publique du 27 mai 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, présidente, Mme Tréard, conseillère rapporteure, Mme Guihal, conseillère doyenne, et Mme Vignes, greffière de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée de la présidente et des conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
 

Exposé du litige

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 23 novembre 2023), les 16 novembre 2009 et 18 mai 2010, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie (la banque) a consenti à la société civile immobilière Le Moulin (l'emprunteur), trois prêts immobiliers libellés en francs suisses, remboursables dans la même devise, destinés à l'acquisition d'une maison ancienne à usage d'habitation située en France et à la réalisation de travaux.

2. Le 17 février 2017, l'emprunteur a assigné la banque en annulation des clauses de remboursement en devises suisses, considérée comme abusives, et dommages et intérêts pour manquement à ses devoirs d'information et de mise en garde.
 

Moyens

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Motivation


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Moyens


Sur le premier moyen, pris en ses deuxième à quatrième branches, et le second moyen, réunis

Enoncé du moyen

4. Par son premier moyen, l'emprunteur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à juger abusives les clauses des prêts n° 237583, 237584 et 293532 relatives au risque de change et de rejeter ses demandes de dommages et intérêts pour manquement de la banque à son obligation d'information et de mise en garde, alors :

« 2°/ que, subsidiairement, la conclusion d'un prêt en devise, remboursable dans cette devise, par un résident français percevant ses revenus dans cette devise, mais destinant les fonds à financer un bien en euros, est susceptible, pendant toute la durée du prêt, d'engendrer un risque de change tant à raison de ce que la contre valeur du bien financé est en euros que de la possible modification de la devise de perception des revenus de l'emprunteur ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que le risque de change était inexistant à la date du prêt à raison de ce que les associés de la société emprunteuse percevaient leurs revenus en francs suisses, de sorte qu'ils n'avaient pas besoin d'acquérir de devises pour procéder au remboursement des prêts, ce qui était inefficace à écarter l'existence d'un risque de change pendant toute la durée du prêt, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation ;

3°/ que l'appréciation de la clarté des clauses se fait à l'aune du standard abstrait du consommateur moyen, c'est-à-dire un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, et non au regard des compétences ou connaissances de l'emprunteur concerné ; qu'en se fondant, pour dire claires et compréhensibles les clauses du prêt, sur la circonstance inopérante que les associés de la société emprunteuse étaient des travailleurs frontaliers qui auraient une « parfaite connaissance » des incidences de la fluctuation du taux de change, de sorte que l'emprunteuse serait « notoirement avertie » de l'évolution dans le temps de la parité euros/francs suisses et de l'ampleur et de la portée des clauses des prêts quant au risque de change, la cour d'appel, qui n'a pas apprécié la transparence des clauses pour le consommateur moyen, a violé l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation ;

4°/ que, en tout état de cause, lorsqu'elle consent un prêt libellé et remboursable en devises à un résident français qui destine les fonds au financement d'une acquisition en euros, et ayant pour effet de faire peser le risque de change sur l'emprunteur, la banque est tenue de fournir à celui-ci des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat, notamment en cas de dépréciation importante de l'euro ; qu'en se bornant à énoncer, après avoir relaté les clauses litigieuses, qu'elles étaient parfaitement intelligibles quant aux conséquences économiques relatives au risque de change, sans rechercher si la banque avait fourni à l'emprunteuse des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée du contrat, dans l'hypothèse d'une dépréciation importante de l'euro, monnaie dans lequel le bien était acquis, ou d'une modification de la devise dans laquelle ses associés percevaient leurs revenus, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation. »

5. Par son second moyen, l'emprunteur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à juger abusives les clauses des prêts n° 237583 et 293532 relatives aux taux d'intérêt révisables et de rejeter ses demandes de dommages et intérêts pour manquement de la banque à son obligation d'information et de mise en garde, alors « qu'aux fins de respecter l'exigence de transparence d'une clause contractuelle fixant un taux d'intérêt variable, dans le cadre d'un contrat de prêt, cette clause doit permettre qu'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, soit mis en mesure de comprendre le fonctionnement concret du mode de calcul de ce taux et d'évaluer ainsi, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières ; qu'en se bornant à relever, pour écarter leur caractère abusif de la clause fixant les conditions de variation du taux d'intérêt, que les documents des prêts étaient d'une parfaite clarté et permettaient à la société Le Moulin de comprendre les modalités de variation du taux d'intérêt, lesquelles dépendaient d'un indice objectif, indépendant de l'activité du prêteur, et susceptible de varier à la hausse comme à la baisse, au détriment comme à l'avantage de l'emprunteur, sans rechercher si la clause litigieuse avait mis en mesure l'emprunteuse de comprendre le fonctionnement concret du mode de calcul de ce taux et d'évaluer ainsi, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation. »
 

Motivation

Réponse de la Cour

6. En application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

7. Une société civile immobilière (SCI) agit en qualité de professionnel lorsqu'elle souscrit des prêts immobiliers pour financer l'acquisition d'immeubles conformément à son objet.

8. L'arrêt constate que la SCI a souscrit les trois emprunts immobiliers pour l'acquisition d'une maison ancienne à usage d'habitation et la réalisation de travaux.

9. Il en résulte qu'étant réputée agir conformément à son objet, la SCI a agi à des fins professionnelles et ne pouvait donc invoquer à son bénéfice les dispositions du code de la consommation relatives au caractère abusif de certaines clauses des contrats de prêt.

10. Par ce motif de pur droit, en ce qu'il ne se fonde sur aucune constatation qui ne résulterait de l'arrêt, suggéré par la défense, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié.
 

Dispositif

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les moyens du pourvoi, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société civile immobilière Le Moulin aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile immobilière Le Moulin et la condamne à payer à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) des Savoie la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le neuf juillet deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Publié par ALBERT CASTON à 17:01  

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