Prescription de l'action en responsabilité civile contre l'agent immobilier

 

Cour de cassation - Chambre civile 3

  • N° de pourvoi : 24-12.596
  • ECLI:FR:CCASS:2025:C300465
  • Non publié au bulletin
  • Solution : Cassation

Audience publique du jeudi 25 septembre 2025

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, du 09 janvier 2024

Président

M. Boyer (conseiller doyen faisant fonction de président)

Avocat(s)

SARL Le Prado - Gilbert, SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, SCP Alain Bénabent, SCP Boutet et Hourdeaux

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CL



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 25 septembre 2025




Cassation


M. BOYER, conseiller doyen faisant fonction de président



Arrêt n° 465 F-D

Pourvoi n° N 24-12.596




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 SEPTEMBRE 2025

1°/ M. [W] [L],

2°/ Mme [I] [C],

tous deux domiciliés [Adresse 5],

ont formé le pourvoi n° N 24-12.596 contre l'arrêt rendu le 9 janvier 2024 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Agence téméraire immobilier, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6],

2°/ à la société L'Auxiliaire, société d'assurance mutuelle, dont le siège est [Adresse 2],

3°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

4°/ à la société Loic Guinchard diagnostic immobilier, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],

5°/ à la société Etablissements Tonnaire, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Cassou de Saint-Mathurin, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [L] et de Mme [C], de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Etablissements Tonnaire, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat des sociétés Axa France IARD et Loic Guinchard diagnostic immobilier, de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société Agence téméraire immobilier, après débats en l'audience publique du 9 juillet 2025 où étaient présents M. Boyer, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseiller référendaire rapporteur, Mme Abgrall, conseillère faisant fonction de doyenne, et Mme Maréville, greffière de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 9 janvier 2024), par acte du 2 septembre 2014, conclu par l'intermédiaire de la société Agence téméraire immobilier (l'agent immobilier), mandatée par le vendeur, M. [L] et Mme [C] (les acquéreurs) ont acquis un chalet à usage d'habitation.

2. Invoquant des défauts d'étanchéité thermique, corroborés par un rapport de diagnostic thermique établi par la société Flir le 25 janvier 2018, les acquéreurs ont obtenu, en référé, suivant ordonnance du 30 avril 2019, la désignation d'un expert judiciaire, au contradictoire de la société Loïc Guinchard diagnostic immobilier (la société LGDI), qui avait réalisé le diagnostic de performance énergétique du 25 septembre 2008, la société Axa France IARD, assureur de la société LGDI, la société Etablissements Tonnaire, constructeur du chalet, et la société L'Auxiliaire, assureur du constructeur.

3. Par ordonnance du 18 novembre 2020, les opérations d'expertise ont été étendues à l'agent immobilier.

4. Après dépôt du rapport d'expertise, le 5 janvier 2022, les acquéreurs ont, par actes des 21 mai, 3 et 7 juin 2022, assigné la société LGDI, la société Axa France IARD, la société Etablissements Tonnaire, la société L'Auxiliaire et l'agent immobilier en réparation de leurs préjudices.

5. L'agent immobilier leur a opposé une fin de non-recevoir tirée de la prescription.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Les acquéreurs font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable, comme prescrite, leur action contre l'agent immobilier, alors « que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, de sorte que les juges du fond ne peuvent fixer le point de départ de la prescription sans rechercher à quelle date le dommage imputable au défendeur et fondant l'action s'est révélé au demandeur ; qu'en l'espèce, les consorts [L], totalement profanes en matière de construction, faisaient valoir en cause d'appel qu'ils n'avaient découvert le défaut d'étanchéité du chalet qu'avec le rapport de la société Flir en date du 25 janvier 2018 et qu'ils n'avaient appris que l'agence immobilière avait transmis un diagnostic de performances énergétiques non-fiable et trompeur que grâce au pré-rapport de l'expert judiciaire du 17 octobre 2019, informations sans lesquelles n'étaient connus d'eux ni le manquement de l'agent immobilier à ses obligations d'information et de conseil, ni les faits et dommage fondant leur action en responsabilité à son encontre ; qu'en jugeant, pour déclarer l'action prescrite, que « M. [W] [L] et Mme [I] [C] ont eu connaissance des défauts d'isolation thermiques affectant leur habitation dès le premier hiver de son acquisition, soit l'hiver 2014/2015. Ils disposaient donc, à cette période, de tous les éléments pour exercer leur droit à l'encontre de la SARL Agence téméraire immobilier, et ce jusqu'au 19 mars 2020, le dernier jour de l'hiver 2014/2015 étant le 19 mars 2015. Ainsi, en agissant à l'encontre de la SARL Agence téméraire immobilier d'abord le 16 avril 2020 en référé expertise puis le 7 juin 2022 au fond, M. [W] [L] et Mme [I] [C] se trouvent prescrits en leur action », sans rechercher à quelle date le manquement de l'agent immobilier à ses devoirs d'information et de conseil était apparu aux exposants, la cour d'appel, qui s'est contentée d'une motivation inopérante relative à la découverte d'un dommage distinct de celui fondant leur action contre l'Agence immobilière téméraire immobilier et ne caractérisant donc pas la date à laquelle les consorts [L] ont eu connaissance du dommage et des faits imputés à cette dernière et fondant leur action à son encontre, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2224 du code civil :

7. Aux termes de ce texte, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

8. Il s'en déduit que le délai de prescription de l'action en responsabilité civile court à compter du jour où celui qui se prétend victime a connu ou aurait dû connaître le dommage, le fait générateur de responsabilité et son auteur ainsi que le lien de causalité entre le dommage et le fait générateur (Ch. mixte, 19 juillet 2024, pourvois n° 22-18.729 et 20-23.527).

9. Pour déclarer irrecevable, comme prescrite, l'action en responsabilité civile de droit commun des acquéreurs contre l'agent immobilier, l'arrêt retient que les acquéreurs ont eu connaissance des défauts d'isolation thermique affectant leur habitation dès le premier hiver suivant la vente, soit l'hiver 2014/2015, de sorte que, disposant, au plus tard le 19 mars 2015, dernier jour de l'hiver en cause, de tous les éléments pour exercer leur droit à l'encontre de l'agent immobilier, c'est tardivement qu'ils ont agi en référé-expertise le 16 avril 2020, puis au fond le 7 juin 2022.

10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, la date à laquelle les acquéreurs avaient eu ou auraient dû avoir connaissance du caractère erroné du diagnostic de performance énergétique qui leur avait été remis par l'agent immobilier lors de la vente, dont ils se prévalaient au soutien de leur action contre celui-ci au titre d'un défaut d'information et de conseil, fait générateur de sa responsabilité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 janvier 2024, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon, autrement composée ;

Condamne la société Agence téméraire immobilier aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Loïc Guinchard diagnostic immobilier et la société Axa France IARD, ainsi que par la société Agence téméraire immobilier et condamne cette dernière à payer à M. [L] et Mme [C] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-cinq septembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300465

Publié par ALBERT CASTON à 11:13  

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