Précipitation imprudente du maitre d'ouvrage et absence de faute du sous-traitant

 

Cour de cassation - Chambre civile 3

  • N° de pourvoi : 23-23.407
  • ECLI:FR:CCASS:2025:C300443
  • Non publié au bulletin
  • Solution : Rejet

Audience publique du jeudi 09 octobre 2025

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, du 06 septembre 2023

Président

M. Boyer (conseiller doyen faisant fonction de président)

Avocat(s)

SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Richard

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CC



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 9 octobre 2025




Rejet


M. BOYER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 443 F-D

Pourvoi n° T 23-23.407




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 OCTOBRE 2025

La société O participation, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Omega, a formé le pourvoi n° T 23-23.407 contre l'arrêt rendu le 6 septembre 2023 par la cour d'appel de Rouen (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société MAAF assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6],

2°/ à M. [G] [U], domicilié [Adresse 7],

3°/ à la Mutuelle des architectes français, société d'assurance mutuelle à cotisations variables, dont le siège est [Adresse 3],

4°/ à la société ARM, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

5°/ à la société Bureau Veritas construction, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5],

6°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Foucher-Gros, conseillère, les observations de la SCP Richard, avocat de la société O participation, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Bureau Veritas construction, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, après débats en l'audience publique du 8 juillet 2025 où étaient présents M. Boyer, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Foucher-Gros, conseillère rapporteure, Mme Abgrall, conseillère faisant fonction de doyenne, et Mme Letourneur , greffière de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillères précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société O participation du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société MAAF assurances, la société ARM, la Mutuelle des architectes français et M. [U].

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 6 septembre 2023) et les productions, la société Omega a fait construire un immeuble résidentiel.

3. Sont intervenus à l'opération :

- M. [U], en qualité de maître d'oeuvre,

- la société Bureau Veritas construction, contrôleur technique et coordinateur sécurité et protecteur de la santé (SPS) (le contrôleur technique), assurée auprès de la société Axa France IARD,

- la société Bureau général ingenierie, bureau d'études exécution des fondations (le sous-traitant), assuré auprès de la société Axa France IARD, en qualité de sous-traitant de l'entreprise de gros oeuvre.

4. Après résiliation du marché de l'entreprise de gros oeuvre, le nouveau titulaire du lot a préconisé la reprise des fondations.

5. La société Omega, aux droits de laquelle vient la société O participation (le maître de l'ouvrage), a assigné, notamment, le sous-traitant et le contrôleur technique en paiement de diverses indemnités.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

7. Le maître de l'ouvrage fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir condamner la société Axa France IARD, assureur du sous-traitant, in solidum avec le contrôleur technique, à lui payer certaines sommes aux titres des travaux de reprise, des pénalités de retard et de la surprime d'assurance tous risques chantiers, alors :
« 1°/ qu'il appartient au juge, dès lors qu'il estime que le rapport de l'expert judiciaire ne lui permet pas de se déterminer, d'interroger celui-ci ou d'ordonner en tant que de besoin un complément ou une nouvelle expertise ; qu'en décidant qu'il n'était pas établi que la société BGI avait commis une faute de calcul de la descente de charges à l'origine du surcoût des travaux, motif pris que l'expert judiciaire n'avait pas fait recalculer cette descente de charges par un sapiteur, bien qu'elle ait été tenue d'interroger l'expert ou de prescrire un complément ou une nouvelle expertise, dès lors qu'elle estimait que son rapport ne lui permettait pas de déterminer quel était le calcul exact de la descente de charges, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 245 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en se bornant à énoncer, pour décider que la société BGI n'avait pas commis de faute de calcul de la descente de charges à l'origine du surcoût des travaux, que le plan d'implantation des pieux qu'elle avait émis le 14 juin 2014 était un document préparatoire, établi en l'absence d'un certain nombre de documents qui lui auraient permis de le finaliser, sans rechercher si les calculs de descente de charges et le plan d'implantation des pieux que la société BGI avait établis étaient d'ores et déjà erronés sur la base des éléments en sa possession, de sorte qu'elle avait commis une faute en les remettant à l'entreprise en charge du lot « terrassement » et sur la base desquels les travaux avaient démarré, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

8. Ayant relevé que, malgré ses demandes et ses alertes, le sous-traitant n'avait pas été mis en mesure de finaliser les plans avant le début des travaux de fondation qui avait été précipité par le maître de l'ouvrage sans consultation du maître d'oeuvre ni du bureau d'études, et sans attendre les notes de calcul définitives, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu en déduire que la preuve d'une faute du sous-traitant n'était pas établie.

9. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

10. Le maître de l'ouvrage fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir condamner le contrôleur technique, in solidum avec la société Axa France IARD, assureur du sous-traitant, à lui payer certaines sommes aux titres des travaux de reprise, des pénalités de retard et de la surprime d'assurance tous risques chantiers, alors :

« 1°/ que la portée de la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance ; que la cassation à intervenir sur le deuxième moyen de cassation, du chef de l'arrêt attaqué ayant débouté la société O participation de sa demande tendant à voir juger que la société BGI avait commis une faute en procédant à des calculs de descente de charges erronés, entraînera, par voie de conséquence, l'annulation du chef du dispositif de l'arrêt ayant écarté une faute de la société Bureau Veritas, motif pris qu'il ne pouvait lui être reprochée d'avoir donné un avis favorable malgré les erreurs de calcul commises par la société BGI, dès lors que ces erreurs n'étaient pas établies, et ce en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°/ qu'il est de l'office du juge d'interpréter un acte qui n'est ni clair, ni précis ; qu'en énonçant que la société Bureau Veritas n'avait pas commis de faute en émettant un avis favorable à l'implantation des pieux, cet avis indiquant clairement qu'il ne constituait pas un « avis ferme » sur lequel la société Omega pouvait se fonder, bien que cet avis ait été entaché d'ambiguïté et d'imprécision, puisque s'il faisait effectivement référence à un avis définitif ultérieur, il indiquait néanmoins qu'il avait pour objet de donner un « Avis sur l'ouvrage décrit [?] Favorable », la cour d'appel, qui a retenu à tort que cet avis était de nature à informer pleinement la société Omega, afin d'exclure tout manquement de la société Bureau Veritas à ses obligations de conseil et d'information, a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

11. En premier lieu, le deuxième moyen étant rejeté, le moyen, en ce qu'il est pris d'une cassation par voie de conséquence, est devenu sans portée.

12. En second lieu, la cour d'appel ayant souverainement retenu que l'avis n° 1 émis le 17 juin 2014 par le contrôleur technique, expliquant que son avis définitif serait émis sur les pieux après transmission de la note de calcul et sollicitant la transmission des plans de ferraillage, était clair quant au fait qu'il n'était pas ferme, le moyen, pris en sa seconde branche, manque en fait.

13. Le moyen n'est donc pas fondé

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société O participation aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le neuf octobre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300443

Publié par ALBERT CASTON à 09:52  

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