Résumé :
Dans un arrêt du 14 janvier 2016, la troisième chambre civile de la cour de cassation considère qu’une clause d’indexation qui stipule que le loyer ne peut être révisé qu’à la hausse doit être sanctionnée.
Si le principe de cette sanction paraît désormais difficilement contestable, le débat pourra porter sur l’ampleur de la sanction, déterminée par le caractère accessoire ou essentiel de l’exclusion de la variation à la baisse.
Dans son arrêt en date du 14 janvier 2016, la troisième chambre civile de la cour de cassation a indiqué :
« Mais attendu, d’une part, qu’est nulle une clause d’indexation qui exclut la réciprocité de la variation et stipule que le loyer ne peut être révisé qu’à la hausse ; qu’ayant relevé, par motifs adoptés, que la clause excluait, en cas de baisse de l’indice, l’ajustement du loyer prévu pour chaque période annuelle en fonction de la variation de l’indice publié dans le même temps, la cour d’appel, qui a exactement retenu que le propre d’une clause d’échelle mobile était de faire varier à la hausse et à la baisse et que la clause figurant au bail, écartant toute réciprocité de variation, faussait le jeu normal de l’indexation, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
Attendu, d’autre part, que, sans dénaturer la convention, la cour d’appel, qui a apprécié souverainement le caractère essentiel de l’exclusion d’un ajustement à la baisse du loyer à la soumission du loyer à l’indexation, a pu en déduire que la clause devait être, en son entier, réputée non écrite ; »
Cet arrêt a remis en cause la jurisprudence de plusieurs cours d’appel, qui avaient considéré qu’une clause d’échelle mobile d’un bail commercial était valable alors même qu’elle ne présentait pas de réciprocité (par exemple CA PARIS, 3 avril 2013, n° 11/14299, a relevé qu’aucune disposition légale ou contractuelle n’interdit une clause d’indexation ne jouant qu’à la hausse – CA AIX-EN-PROVENCE, 15 mars 2013, n° 11/06632, a admis la validité d’une clause du bail par laquelle le preneur renonce au mécanisme de révision du loyer à la baisse).
Le Cour de cassation considère donc désormais qu’une clause d’indexation qui stipule que le loyer ne peut être révisé qu’à la hausse doit être sanctionnée.
Il convient néanmoins de s’attarder sur la nature de cette sanction.
A la lecture de la décision rendue, il apparaît en effet que :
• Si l’exclusion d’un ajustement à la baisse est essentielle à la soumission du loyer à l’indexation, la clause doit être réputée non écrite en son entier.
Le loyer doit alors être recalculé à compter de l’origine du bail, dans les limites du délai de prescription.
• Si l’exclusion d’un ajustement à la baisse est accessoire à la soumission du loyer à l’indexation, la clause doit alors être réputée non écrite seulement en ce qu’elle interdit la variation à la baisse.
L’indexation est alors maintenue, et le loyer doit être recalculé à compter du jour où il aurait dû baisser.
Il appartient donc au Juge saisi d’apprécier, en fonction notamment de la rédaction de la clause litigieuse et du contexte, si l’exclusion de la variation à la baisse est essentielle ou accessoire à la clause d’échelle mobile.
Plusieurs décisions récemment rendues viennent renforcer cette analyse.
Ainsi, dans un arrêt rendu le 19 avril 2017, la Cour d’appel de PARIS retient le caractère indivisible de la clause d’indexation, mais uniquement après avoir relevé, dans un paragraphe d’ailleurs intitulé « caractère déterminant », que :
« Le sous-locataire reconnaît d’autre part, expressément, que la clause d’indexation à la hausse constitue une condition essentielle et déterminante du présent contrat de sous location en raison de la constance de l’usage en matière de Centres Commerciaux. » (CA Paris, pôle 5 - ch. 3, 19 avril 2017, n° 15/09296).
L’exclusion d’un ajustement à la baisse ayant, en l’espèce, été reconnue comme revêtant un caractère essentiel, la clause devait être réputée non écrite en son entier.
En application de la même règle, plusieurs cours d’appel se sont prononcées sur le caractère divisible de clauses d’échelle mobile.
Ainsi la cour d’appel de PARIS, dans un arrêt rendu le 31 mai 2017, a jugé que :
« Dans ces conditions, le propre d’une clause d’échelle mobile étant de faire varier à la hausse et à la baisse, la présente clause écartant toute réciprocité de la variation en ce qu’elle fixe un plancher à la baisse, fausse le jeu normal de l’indexation.
Cependant, la commune intention des parties ayant été d’assortir le bail d’une clause d’échelle mobile, seule la clause prévoyant un plancher rédigée de la façon suivante : « l’application de la présente clause d’indexation ne doit en aucun cas entraîner un montant de loyer inférieur à celui de base précisé à l’article précédent » sera réputée non écrite, en ce qu’elle contrevient à l’article L.112-1 alinéa 2. La clause doit en conséquence recevoir application pour le surplus. » (CA Paris, pôle 5 - ch. 3, 31 mai 2017, n° 15/04336).
Dans un autre arrêt rendu le 13 juin 2017, la Cour d’appel de VERSAILLES a jugé dans le
même sens que :
« Infirmant sur ce point le jugement entrepris, la cour dira non écrite, non pas la clause d’indexation en son entier, comme le demande la société GO SPORT FRANCE, mais seulement la partie qui contrevient aux dispositions de l’article L. 112-1 du code monétaire et financier, à savoir : Dans le cas où la variation de l’indice serait négative, le loyer de l’année précédente serait maintenue pour l’année à courir ». (CA Versailles, 12e chambre, 13 juin 2017, n° 15/03929)
Il appartient donc, aux bailleurs comme aux preneurs de prêter une attention toute particulière à la rédaction de ces clauses d’indexation.
Le preneur qui détecterait, dans son bail commercial, une clause d’indexation stipulant que le loyer ne peut être révisé qu’à la hausse, pourra légitimement réclamer que cette clause soit sanctionnée. Tout le débat portera alors sur l’ampleur de cette sanction.
Alexandre de Lorgeril
Avocat au Barreau de Nantes
https://www.lorgeril-avocat.com/
Pas de contribution, soyez le premier