Fréquemment, lorsqu’un dirigeant social est en recherche d’une solution de financement externe pour un projet social, celui-ci va s’orienter vers un prêt professionnel.

À ce titre, l’établissement de crédit va, avant de lui octroyer son concours, rechercher à garantir le remboursement de ses deniers.

D’une première part, en s’assurant de la capacité de remboursement de la société débitrice.

D’une seconde part, en garantissant le remboursement de son crédit dans l’hypothèse d’une défaillance de l’emprunteur.

L’une des garanties privilégiées est l’acte de cautionnement du représentant légal.

Il s’agit d’apporter en garantie le patrimoine d’un tiers afin de s’assurer du paiement de sa créance.

Lorsque la caution personne physique est actionnée en garantie, elle dispose de nombreux moyens de défense dont celui de solliciter l’inopposabilité de son acte de cautionnement du fait de sa disproportion manifeste à ses biens et revenus.

 

I - Le principe

L'article L. 341-4 devenu L. 332-1 du code de la consommation prévoit :

« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »

Il résulte de cette disposition légale que si un acte de cautionnement est manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution personne physique, il lui sera alors inopposable.

À ce sujet, la jurisprudence rappelle que la disproportion n’est pas qu’une simple disproportion mais qu’elle doit être manifeste.

Par exemple, la disproportion n’est pas manifeste lorsque le montant de l’acte de cautionnement est pratiquement du montant de celui du patrimoine de la caution personne physique, alors même que ses revenus mensuels étaient grevés du remboursement de prêts.

En effet, au sens de l'article L. 341-4, devenu L. 332-1 et L. 343-4 du code de la consommation, la disproportion manifeste du cautionnement aux biens et revenus de la caution au jour où il a été souscrit suppose que la caution soit à cette date dans l'impossibilité manifeste de faire face à un tel engagement avec ses biens et revenus. En conséquence, se détermine par des motifs impropres à caractériser une telle disproportion manifeste, la cour d'appel qui relève que l'engagement de la caution était pratiquement du montant de son patrimoine et que ses revenus mensuels étaient grevés du remboursement de prêts : en ce sens Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 28 février 2018, 16-24.841, Publié au bulletin.

 

II - La charge de la preuve

  • Au jour de la conclusion du contrat

À cette date, il s’agit d’apprécier la limite stipulée dans l’acte de cautionnement et le patrimoine de la caution personne physique au jour de la conclusion de l’acte de cautionnement.

L'article L. 341-4, devenu L. 332-1 et L. 343-3, du code de la consommation n'impose pas au créancier professionnel de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement, laquelle supporte, lorsqu'elle l'invoque, la charge de la preuve de démontrer que son engagement de caution était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus : en ce sens l’arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 13 septembre 2017, 15-20.294, Publié au bulletin.

Il résulte de ce qui précède que conformément à l’article 9 du code de procédure civile et à l’article L. 341-4 devenu L. 332-1 du code de la consommation, il appartient à la caution personne physique de démontrer qu’à la date de la conclusion de son acte de cautionnement, que celui-ci était manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

Ainsi, il est nécessaire pour la caution personne physique de faire un travail de recherche de documents afférents à sa situation patrimoniale, au jour de la conclusion du contrat, afin qu’elle puisse les produire contradictoirement aux débats pour démontrer la disproportion manifeste de son engagement à ses biens et revenus.

À défaut, la caution personne physique sera probablement jugée défaillante dans l’administration de la charge de la preuve et sa demande d’inopposabilité de l’acte de cautionnement sera rejetée.

Malgré le fait que la charge de la preuve incombe, à la date de la conclusion du contrat, à la caution personne physique, le créancier lui, a pris pour habitude de faire renseigner par la caution personne physique une fiche d’informations patrimoniales.

Cette fiche d’information patrimoniale est une déclaration de la caution personne physique sur l’étendue de son patrimoine s’agissant de son actif comme de son passif.

Lorsque le créancier actionnera la caution personne physique en paiement, il prendra soin de produire contradictoirement aux débats cette fiche d’information patrimoniale afin de contrecarrer tout moyen de défense liée à une prétendue disproportion manifeste.

Toutefois, l'engagement de caution conclu par une personne physique au profit d'un créancier professionnel ne doit pas être manifestement disproportionné aux biens et revenus déclarés par la caution, dont le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier l'exactitude : en ce sens Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 14 décembre 2010, 09-69.807, Publié au bulletin.

Il résulte de cette décision que la fiche d’informations patrimoniales est opposable à la caution personne physique dans la mesure où celle-ci est considérée de bonne foi lorsqu’elle l’a renseignée et qu’à défaut, elle ne pourra pas se prévaloir de sa propre turpitude.

Néanmoins, il est possible à la caution personne physique de faire juger de l’inopposabilité de sa fiche d’informations patrimoniales en démontrant que celle-ci comporte des anomalies apparentes.

L’appréciation des anomalies apparentes relève du pouvoir souverain des juges du fond.

Par exemple, il serait curieux qu’une caution personne physique indique qu’elle est locataire mais qu’elle n’indique pas le montant de son loyer dans la rubrique des charges.

 

  • Au jour de l’appel en garantie

À cette date, il s’agit d’apprécier le montant sollicité par le créancier et le patrimoine de la caution personne physique au jour de son appel en garantie.

Si par extraordinaire, la caution personne physique prospère à démontrer qu’au jour de la conclusion de l’acte de cautionnement, celui-ci est manifestement disproportionné à ses biens et revenus, il appartiendra au créancier de démontrer conformément à l’article 9 du code de procédure civile et à l’article L. 341-4 devenu L. 332-1 du code de la consommation, que par la suite sa situation patrimoniale s’est améliorée.

À cette fin, il est nécessaire que la caution personne physique soit vigilante lorsqu’elle produit des pièces aux débats notamment pour solliciter les plus larges délais de paiement au titre de l’article 1343-5 du code civil.

En effet, le créancier afin de démontrer qu’au jour de l’appel en garantie, l’acte de cautionnement n’est pas disproportionné aux biens et revenus de la caution personne physique va mobiliser la fiche d’informations patrimoniales en démontrant que les éventuels crédits ont depuis lors été amorti, mais, il va aussi mobiliser les informations produites par la caution personne physique elle-même !

Dès lors, il serait préjudiciable à la caution personne physique qu’elle produise des éléments sur sa situation patrimoniale actuelle qui pourraient lui être défavorables.

 

III - La sanction

L'article L. 341-4 devenu L. 332-1 du code de la consommation prévoit l’inopposabilité de l’acte comme sanction d’un cautionnement manifestement disproportionné aux biens et revenus à la date de conclusion du contrat et à la date de l’appel en garantie.

Dans ces conditions, l'article L. 341-4 devenu L. 332-1 du code de la consommation ne prévoit ni la nullité de l’acte de cautionnement ni l’allocation de dommages et intérêts.

Si la caution personne physique sollicite la nullité de l’acte de cautionnement ou l’indemnisation d’un préjudice subi, il lui appartiendra conformément à l’article 9 du code de procédure civile de démontrer ses prétentions en visant d’autres fondements juridiques.

Je reste bien entendu à votre disposition afin de répondre à vos éventuelles questions.

 

Maître Alexis BANDOSZ

Avocat inscrit au Barreau de GRENOBLE

Titulaire d'un Master 2 en droit des affaires mention Droit de la banque et des opérations patrimoniales