Vous savez que votre bien a été préempté. Toutefois, aucune décision ne vous a été notifiée ou bien la décision n'indique pas les délais de recours. Surtout, même si la décision ne se concrétise pas immédiatement, n'attendez pas pour exercer un recours au risque de ne plus pouvoir le faire ! C’est ce que rappelle le Conseil d’Etat dans son arrêt du 16 décembre 2019, n°419220.
En principe, un recours contre une décision de préemption ne peut être exercé que dans un délai de 2 mois à compter de la notification de la décision (article R.421-1 du CJA).
Si vous n’exercez pas votre recours dans ce délai, il sera automatiquement rejeté. Peu importe que la décision soit illégale sur le fond.
Si vous avez tardé à agir, il peut être encore temps, mais pas indéfiniment...
D'une part, l’administration doit démontrer la date à laquelle elle vous a notifié la décision (CE, 14 mai 1976, n°76196).
Cette preuve se fait habituellement par la présentation de l’accusé de réception de la lettre recommandée. Le délai de recours commence alors à courir à partir de la date de réception de votre recommandé (sauf si vous n’allez pas rechercher votre recommandé, le point de départ sera alors la date de présentation du recommandé).
En l’absence d’une telle preuve, le délai ne commence à courir qu’à la date où il est certain que vous avez eu connaissance de la décision.
Par exemple, dans l’arrêt commenté, la décision n’avait pas été notifiée. L’administration ne pouvait donc pas rapporter la preuve de sa notification.
Néanmoins, les requérants avaient envoyé un courrier à la Mairie pour contester la décision de préemption. Un courrier qui contenait par ailleurs une copie de la décision. Les requérants avaient donc nécessairement connaissance de la décision au plus tard à la date à laquelle ils avaient envoyé le courrier. Le juge a pu donc considéré que le délai recours contentieux avait commencé à courir à cette date.
D'autre part, le délai de deux mois n’est pas applicable s’il n’est pas indiqué dans la décison qui vous a été notifiée.
Le but est d’éviter de priver d’effet le droit d’exercer un recours aux personnes qui ne sont pas des habitués de la procédure administrative.
Cependant, pour éviter que la décision puisse être contestée indéfiniment, le juge a limité, dans cette hypothèse, le délai de recours à un an (CE, 13 juillet 2016, req. n° 387763).
Dans l’arrêt commenté, les requérants avaient exercé un recours plusieurs années après avoir eu connaissance de la décision de préemption. Leur recours a donc logiquement été rejeté.
Anne Migault
Avocate à la Cour
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