La clause d’indexation ne jouant qu’à la hausse est nulle et doit être réputée non écrite.

La question de la licéité d’une clause d’échelle mobile excluant la réciprocité de la variation a été longtemps débattue en doctrine avant de diviser la jurisprudence, les cours d’appel ne parvenant pas à trouver un consensus sur le sujet.

Par un arrêt du 14 janvier 2016 , la Cour de cassation a clairement posé le principe de la nullité de ces clauses et de la nécessité de les voir réputer non écrites.

Au commencement, il y avait la clause d’indexation

La clause « d’indexation » ou « d’échelle mobile » est une mesure contractuelle, légale ou réglementaire qui prévoit la prise en compte d’une variation automatique de la valeur d’une prestation en fonction de l’évolution d’une ou de plusieurs données économiques. L’intégration contractuelle de ce type de clause permet de tenir compte des changements de contexte économique en les répercutant sur le prix des prestations convenues entre les parties.

En pratique, pour éviter d’avoir à supporter les conséquences d’une variation de l’indice à la baisse, les rédacteurs de contrats ont imaginé limiter le jeu de la clause aux évolutions de l’indice à la hausse. Ainsi était-il régulièrement stipulé, dans les contrats de baux commerciaux notamment, que le loyer serait réajusté « à la hausse uniquement » annuellement en fonction de la variation de l’indice trimestriel du coût de la construction publié par l’INSEE ou de l’indice du coût des loyers commerciaux. Plus subtilement, il pouvait être indiqué que « la clause d’échelle mobile ne saurait avoir pour effet de ramener le loyer révisé à un montant inférieur au loyer de base précédant la révision ».

La question de la licéité de ces clauses s’est alors posée, non seulement parce que les rédactions susvisées aboutissaient à détourner l’indexation de son essence - prendre en compte toutes les variations, à la baisse comme à la hausse - mais également parce que leur conformité à certaines dispositions du Code monétaire et financier faisait débat.

Génèse 1.2 : la clause était informe et les cours d’appels se mouvaient au-dessus des eaux

En premier lieu, il a été considéré que la limitation du jeu de la clause de variation était contraire à l’essence même de l’indexation.

Il était en effet soutenu que l’article L. 145-39 du Code de commerce imposait à la clause d’échelle mobile, pour être valable, de s’appliquer à chaque variation, à la hausse comme à la baisse.

En second lieu, les juges ont estimé, notamment aux termes d’un arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 12 juin 2013, que les clauses d’indexation ne jouant qu’à la hausse n’étaient pas valides dans la mesure où elles contrevenaient aux dispositions de l’article L.112-1, alinéa 2, du Code monétaire et financier qui précise : « Est réputée non écrite toute clause d’un contrat à exécution successive, et notamment des baux et locations de toute nature, prévoyant la prise en compte d’une période de variation de l’indice supérieure à la durée s’écoulant entre chaque révision ».

Le raisonnement était le suivant :

  • Il ressort de cet article que l’organisation contractuelle d’une distorsion entre la période de variation de l’indice et la durée écoulée entre chaque révision du loyer est prohibée,
  • Une clause d’indexation impliquant la seule prise en compte d’une variation à la hausse impose de recourir, en cas de baisse durant une année des indices de référence, à une période de variation supérieure à la durée écoulée entre chaque révision,
  • La clause d’indexation ne jouant qu’à la hausse organise donc une distorsion prohibée dans la mesure où, en cas de baisse de l’indice, le loyer demeure de facto indexé sur l’indice de l’année précédente et non plus sur le dernier indice publié au jour de l’indexation,
  • Il en résulte que les clauses d’indexation ne jouant qu’à la hausse contreviennent aux dispositions du deuxième alinéa de l’article L.112-1 du Code monétaire et financier et doivent être réputées non écrites.

A contrario, les cours d’appel de Douai et d’Aix-en-Provence avaient, de manière plus ou moins indirectes, admis la validité de clauses d’échelle mobile ne jouant qu’à la hausse.

Aux termes d’un arrêt du 10 mars 2015, la Cour d’appel de Versailles a estimé que la clause d’échelle mobile ne jouant qu’à la hausse n’était pas valable mais les juges ont refusé d’annuler la clause en totalité, considérant que la stipulation ne devait être réputée non écrite qu’en ce qu’elle interdisait la variation à la baisse, de sorte qu’il convenait d’opérer une régularisation de la situation en recalculant le loyer, non pas à compter de l’origine du bail, mais à compter du jour où le loyer aurait dû baisser.

Cette solution aboutissait en réalité à substituer à la clause illicite une nouvelle clause d’échelle mobile respectant les critères légaux. Le raisonnement consistant à prétendre qu’en présence d’une clause illicite, les juges devraient lui substituer, de force et en l’absence de consentement des parties, une clause licite nous paraît particulièrement contestable. Il apparaît au contraire plus opportun de considérer que la clause d’indexation est réputée non écrite en son entier et d’en déduire qu’aucune indexation n’est due et n’a jamais été due, de sorte qu’il convient de revenir simplement au loyer d’origine.

La doctrine avait d’ailleurs eu l’occasion de préciser que la réfaction du contrat dans une telle hypothèse n’était pas envisageable dans la mesure où la situation locative dans laquelle se trouvait le preneur impliquait une faculté de négociation à laquelle il ne pouvait être fait obstacle. En présence de telles incertitudes, tant sur la validité de la clause d’indexation ne jouant qu’à la hausse, que sur la sanction à mettre en œuvre si l’on estime la clause illicite, il devenait urgent que la Cour de cassation statue clairement sur le sujet.

Génèse 1.3 : la Cour de cassation dit : que la lumière soit ! et la lumière fut.

Dans son arrêt du 14 janvier 2016 publié au Bulletin, la Cour de cassation a précisé :

-* "Mais attendu, d’une part, qu’est nulle une clause d’indexation qui exclut la réciprocité de la variation et stipule que le loyer ne peut être révisé qu’à la hausse ; qu’ayant relevé, par motifs adoptés, que la clause excluait, en cas de baisse de l’indice, l’ajustement du loyer prévu pour chaque période annuelle en fonction de la variation de l’indice publié dans le même temps, la cour d’appel, qui a exactement retenu que le propre d’une clause d’échelle mobile était de faire varier à la hausse et à la baisse et que la clause figurant au bail, écar-tant toute réciprocité de variation, faussait le jeu normal de l’indexation, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

  • Attendu, d’autre part, que, sans dénaturer la convention, la cour d’appel, qui a apprécié souverainement le caractère essentiel de l’exclusion d’un ajustement à la baisse du loyer à la soumission du loyer à l’indexation, a pu en déduire que la clause devait être, en son en-tier, réputée non écrite ;"

En résumé, la Cour de cassation considère qu’une clause d’échelle mobile ne jouant qu’à la hausse est nulle et doit être réputée non écrite. Si cette décision a le mérite de la clarté, on ne peut s’empêcher de relever qu’elle est plus dogmatique qu’analytique, la Cour de cassation se bornant à affirmer que « le propre d’une clause d’échelle mobile est de faire varier à la hausse et à la baisse » sans plus d’explication.

Se référant à l’essence de la clause, la Cour de cassation en interdit une rédaction destinée à en limiter l’effet et à en modifier la raison d’être initiale.

Dont acte.

S’agissant de la sanction, la Haute Juridiction précise que, si l’exclusion d’un ajustement à la baisse revêt un caractère essentiel de la clause d’indexation, cette dernière doit être réputée non écrite en son entier. La porte n’est donc pas tout à fait fermée à une régularisation de la situation en recalculant le loyer à compter du jour où il aurait dû baisser, sous réserve toutefois de démontrer que l’exclusion de la variation à la baisse ne revêt pas un caractère déterminant de la clause d’indexation.

En clair :

  • Si l’exclusion de la variation à la baisse est essentielle à la soumission du loyer à l’indexation : la cause est réputée non écrite en son entier et le loyer est recalculé à compter de l’origine du bail ; on considère qu’il n’y a jamais eu d’indexation,
  • Si l’exclusion de la variation à la baisse est accessoire à la soumission du loyer à l’indexation : la cause est réputée non écrite seulement en ce qu’elle interdit la variation à la baisse et le loyer est recalculé à compter du jour où il aurait dû baisser ; l’indexation est maintenue.

En présence d’une clause litigieuse, il appartiendra donc au juge du fond d’apprécier si l’exclusion de la variation à la baisse est essentielle ou accessoire à la clause d’échelle mobile pour décider s’il convient de recalculer le loyer à compter de l’origine du bail ou à compter du jour où le loyer aurait dû baisser.

Ce débat est essentiel dans la mesure où le fait de réputer la clause non écrite en son entier implique de revenir au loyer d’origine sans indexation et suppose donc la restitution par le bailleur de tous les loyers perçus en vertu de l’indexation - sous réserve des règles de prescription applicables - tandis que le maintien de l’indexation n’aura aucun impact financier si l’indice a systématiquement joué à la hausse durant les dernières années.

Nul doute que les bailleurs redoubleront d’ingéniosité pour nier à l’exclusion de la variation à la baisse son caractère essentiel de la clause d’indexation et échapper ainsi au jeu des restitutions.