I - CONSTRUCTION
A – Contrat d’entreprise
Marché d’entreprise – travaux supplémentaires – acceptation expresse du maître d’ouvrage Cass.civ 3ème, 18 janvier 2024, n°22-14.705 : la preuve du consentement au prix ne peut résulter du seul silence gardé à réception d'une facture ni du paiement partiel de travaux dont la facturation litigieuse ne constitue pas la suite nécessaire.
La Cour de cassation a rendu cet arrêt au visa de l’article 1353 du Code civil aux termes duquel celui qui réclame le paiement de travaux doit prouver le consentement de l’autre partie à l’exécution de ceux-ci au prix demandé.
Cet arrêt est à rapprocher d’un autre arrêt rendu par la même chambre de la Cour de cassation le 8 juin 2023 (n°22-10.393) aux termes duquel la Haute juridiction rappelait déjà que :
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Dans le cadre d’un marché à forfait, les travaux supplémentaires sont compris dans le prix forfaitaire, sauf si le maître d’ouvrage les a préalablement acceptés par écrit et selon un prix convenu, ou s’ils ont été acceptés après avoir été réalisés.
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Le silence gardé par le maître d’ouvrage à la réception du projet de décompte ne vaut pas acceptation expresse et non équivoque des travaux supplémentaires.
Cet arrêt est l’occasion de rappeler quelques principes juridiques fondamentaux en matière de travaux supplémentaires dans le cadre d’un marché à forfait: Le marché à forfait est défini par l’article 1793 du Code civil comme suit « Lorsqu'un architecte ou un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, d'après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l'augmentation de la main-d'oeuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d'augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire ».
Dans le cadre d’un marché à forfait, le principe est donc que l’entrepreneur ne peut solliciter auprès du maitre d’ouvrage le paiement de travaux supplémentaires qu’il n’aurait pas au préalable accepté par écrits.
Attention, il convient de distinguer les travaux supplémentaires des travaux complémentaires qui ne suivent pas le même régime.
Les travaux supplémentaires sont ceux qui n’étaient pas inclus dans le marché, qui modifient l’objet à construire et qui émanent d’une demande du maitre d’ouvrage.
Les travaux complémentaires sont des travaux que l’entrepreneur n’a pas prévu à son marché mais qui sont nécessaires pour la réalisation de son ouvrage.
Ces travaux complémentaires ne sont pas des travaux supplémentaires et ne peuvent donc pas donner lieu à paiement dans la mesure où l’entrepreneur aurait dû les inclure dès le début dans son marché.
Pour que l’entrepreneur puisse prétendre au paiement de travaux supplémentaires, il faut qu’il obtienne au préalable l’accord écrit du maître d’ouvrage.
Il convient donc d’obtenir un devis signé du maître d’ouvrage.
Attention, seul le maître d’ouvrage ou la personne à qui ce dernier à donner mandat pour régulariser les travaux supplémentaires peuvent accepter les travaux supplémentaires.
Autrement dit, toute commande de travaux supplémentaires passée par l'architecte n'engage pas le maître d'ouvrage, sauf justification d'un mandat exprès qui aurait été confié à l'architecte pour commander de tels travaux.
À ces principes, la jurisprudence a apporté un tempérament lié à la ratification expresse ou tacite des travaux supplémentaires réalisés.
La ratification expresse répond à l'hypothèse dans laquelle le Maître d'ouvrage accepte, par écrit et postérieurement à leur réalisation, les travaux.
De manière plus restrictive, la jurisprudence admet le principe d'une ratification tacite des travaux supplémentaires, qui suppose la démonstration d'une acceptation non équivoque du maître de l'ouvrage, qui doit être caractérisée par le juge du fond, sous le contrôle de la Cour de cassation.
L’absence de réaction, le silence du maître d’ouvrage, le paiement partiel de travaux supplémentaires ne vaut pas ratification tacite des travaux supplémentaires.
Attention toutefois car aux termes d’un arrêt du 11 mai 2023, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a considéré que la notification par le maître d’ouvrage des décomptes définitifs à l’entreprise, incluant le coût de certains travaux supplémentaires, était sans équivoque et valait ainsi acceptation expresse et non équivoque desdits travaux, réalisés hors forfait.
CONSEILS POUR LES ENTREPRISES : En cas de travaux supplémentaires, veillez à établir avant toute intervention un devis et à le faire signer par le Maître d’ouvrage.
A défaut, vous vous exposez à ce que ces travaux soient considérés comme inclus dans le forfait
B – Ouvrage
Notion d’ouvrage au sens de l’article 1792 du Code civil
Est un ouvrage :
CA de RENNES, 14 décembre 2023, RG n°22/03482 : La chape en ciment réalisée par le constructeur, dotée d’une armature, apportant de nouveaux matériaux de structure sur la dalle préexistante dont elle ne peut être dissociée, constitue la réalisation d’un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code civil ;
CA de RENNES, 21 septembre 2023 n°22/01835 : les gardes corps sont un ouvrage au sens de l’article 1792 du code civil si leur réfection :
Ne s’est pas limitée à un simple rafraîchissement, mais a consisté en une rénovation lourde ;
A transformé l’existant et a nécessité l’apport de matériaux de construction.
N’est pas un ouvrage :
CA de PARIS, 22 décembre 2023, RG n°21/09536 : Enduit sans fonction d’imperméabilisation
Faute de fonction d’étanchéité et/ou d’imperméabilisation, les travaux d’enduits de façade ne constituent pas un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code civil, de sorte que les désordres constatés n’engagent pas la responsabilité décennale des entreprises intervenues, quelles que soient l’étendue des désordres et les qualités architecturales du bâtiment affecté.
C- La réception
Réception – désordre apparent ou non – évolution prévisible
Cass.civ 3ème du 18 janvier 2024, n°22-22.480 : cet arrêt revient sur les effets de la réception sans réserve qui a un effet de purge c’est-à-dire que les défauts de conformité et vices de construction apparents sont couverts par une réception sans réserve.
Le caractère apparent du vice s’apprécie :
En fonction de la qualité du maître d’ouvrage (voir en ce sens : cass.civ 3ème du 29 juin 2022, n°21-18.304) ;
En fonction de son évolution : il est de jurisprudence constante qu’un défaut est considéré comme apparent s’il était apparent pour le maître d’ouvrage à la réception dans toute son ampleur et ses conséquences (voir en ce sens : cass.civ 3ème, 16 février 2022, n°21-12.828)
Le désordre affectant le fond mobile de la piscine n’est pas apparent à la réception dès lors:
Qu’il est apparu à la mise en service de la piscine qui est intervenue postérieurement à la réception des travaux ;
Que le défaut de positionnement de l’armature ne permettait pas au maître d’ouvrage d’appréhender ce désordre dans toutes ces conséquences sur les parois de la piscine (évolution non prévisible pour un maître d’ouvrage profane)
Réception tacite – caractérisation – prise de possession et paiement intégral du prix :
Cass.civ 3ème, 21 décembre 2023, n°22-15.655 : La prise de possession des maisons par les maîtres de l’ouvrage accompagnée du paiement du solde de la facture du locateur d’ouvrage, en ce compris la retenue de garantie de 5%, permettent de caractériser une réception tacite des travaux
Voir également en ce sens :
CA de Versailles, 29 janvier 2024, RG n°21/06547
Cass.civ 3ème du 15 juin 2022, n°21-22.770 Réception tacite : paiement de la totalité du prix à la date de la prise de possession de l’ouvrage par le maitre de l’ouvrage
Cass.civ 3ème du 29 juin 2022, n°21-17.997 : La réception tacite est présumée lorsqu’il y a prise de possession de l’ouvrage et paiement des travaux
Cass.civ 3ème du 15 juin 2022, n°21-15.023 Réception tacite : prise de possession + paiement d’une partie substantielle du coût des travaux = réception même si une partie des travaux de finition ne sont pas achevés
D – RESPONSABILITE DECENNALE
Responsabilité décennale – Présomption de responsabilité – lien d’imputabilité
CA d’Orléans, 23 janvier 2024, RG n°21/00814 : La présomption de responsabilité de l’article 1792 du Code civil suppose que soit établi un lien d’imputabilité entre le dommage constaté et l’activité du locateur d’ouvrage, sauf la faculté pour celui-ci de s’en exonérer en établissant la preuve d’une cause étrangère.
Voir également en ce sens :
Cass.civ 3ème du 30 mars 2023, n°22-10.299 : la présomption de responsabilité civile décennale implique la preuve par le maître d’ouvrage d’un lien d’imputabilité entre le dommage d’une part et les travaux réalisés par le constructeur qu’il met en cause, d’autre part.
Désordre de nature décennale – risque pour la sécurité des personnes – Le risque suffit
CA de PARIS, 22 décembre 2023, RG n°22/01365 : Perte du degré coupe-feu d’un vitrage
L’impropriété à destination ne suppose pas, lorsqu’elle découle d’un risque, que celui-ci se soit réalisé, de sorte que le risque avéré pour la sécurité des personnes découlant de la perte du degré coupe-feu rend le vitrage impropre à sa destination au sens de l’article 1792 du Code civil.
Cet arrêt de la Cour d’appel de Paris est une application de la jurisprudence issues de l’arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 14 septembre 2023, n°22-13.858.
Aux termes de cet arrêt largement publié, la Haute juridiction a considéré que la Cour d’Appel a relevé, par motifs propres et adaptés, que la longueur des tuyauteries d’eau chaude sanitaire entre les gaines palières et les points de puisage était supérieure à 10 mètres, et que cette non-conformité aux règles sanitaires en vigueur, en augmentant la quantité d’eau contenue dans ces tuyauteries, favorisait le risque de développement de légionnelles.
Autrement dit, le risque sanitaire auquel se sont trouvés exposés les habitants de l’immeuble pendant le délai d’épreuve rendait à lui seul l’ouvrage impropre à sa destination, quand bien même la présence de légionnelles n’avait pas été démontrée au cours de cette période, de sorte que le désordre relevait de la garantie décennale des constructeurs.
Le risque sanitaire doit survenir pendant le délai décennal, peu importe que ce risque ne se réalise pas dans ce délai.
Responsabilité décennale – Clause limitative de responsabilité pour les préjudices immatériels – validité -non
Cass.civ 3ème, 7 décembre 2023, n°22-20.699 : en application des dispositions de l’article 1792-5 du Code civil, toute clause d'un contrat ayant pour objet d'exclure ou de limiter les responsabilités légales et les garanties prévues aux articles 1792 et suivants du code civil, est réputée non écrite
Cet arrêt est l’occasion de rappeler une distinction fondamentale entre la responsabilité décennale et la garantie décennale : il n’y a pas de superposition
En matière de responsabilité décennale, le constructeur dont la responsabilité est engagée au visa de l’article 1792 du Code civil est obligé de réparer non seulement les dommages matériels à l’ouvrage mais également les dommages matériels et immatériels consécutifs.
L’étendue des condamnations est-elle couverte par l’assureur décennal : pas sûre !!!
L’assurance de responsabilité civile décennale couvre son assuré au titre de la reprise de l’ouvrage ainsi que tous les frais nécessaires à la reprise de l’ouvrage (déménagement/relogement/bâtiment tampon).
En revanche, l’assurance de responsabilité civile décennale obligatoire ne couvre pas l’assuré au titre des préjudices immatériels lesquels relèvent d’une assurance facultative.
Voir en ce sens :
CA de Montpellier, 20 avril 2023, RG n°18/04424 : l’assurance construction obligatoire couvre la réparation des seuls désordres matériels de nature décennale au sens de l’article 1792 du Code civil à l’exclusion des dommages immatériels consécutifs qui ne relèvent pas du champ de l’assurance obligatoire
E – LES CONSTRUCTEURS
Obligation de l’architecte/maître d’oeuvre – obligation de résultat à l’égard du maître d’ouvrage:
CA de PARIS du 26 janvier 2024, RG n°21/10334 : L’architecte qui est investi d’une mission complète de maîtrise d’oeuvre, est débiteur envers le maître d’ouvrage d’une obligation de résultat et répond des fautes d’exécution des entrepreneurs dont il est chargé de surveiller la bonne exécution des travaux
Voir jurisprudence en ce sens :
Cass.civ 3ème du 16 mars 2023, n°21-18.022 : étendue de la mission de l’architecte chargé d’une mission complète : il ne peut s’exonérer de sa responsabilité qu’en cas de cause étrangère.
CA de CHAMBERY, chambre civile première section, 11 avril 2023, RG n°21/00080 : le maître d’oeuvre, réputé constructeur au sens de l’article 1792-1 du Code civil, est responsable de plein droit des désordres de nature décennale et la clause qui limite sa responsabilité au montant des honoraires est abusive.
CA de PARIS, 6 octobre 2023, RG n°21/00984 : L’architecte a une obligation générale permanente et continue, de renseignement et de conseil, un devoir d’assistance du maître d’ouvrage dans les limites de sa mission.
CA de RENNES, 9 mars 2023, RG n°21/06774 : L’architecte bénéficiaire d’une mission complète de maitrise d’oeuvre est tenu envers le maître d’ouvrage d’une présomption de responsabilité dont il ne peut s’exonérer que par la preuve d’une cause étrangère.
Obligation du maître d’oeuvre en présence d’un sous-traitant
Cass.civ 3ème du 18 janvier 2024, n°22-18.244 : responsabilité délictuelle du maître d’oeuvre à l’égard du sous-traitant non présenté au maître d’ouvrage et non agréé
Un maître d’oeuvre, chargé d’une mission de surveillance des travaux à pour obligation non seulement d’informer le maître d’ouvrage de la présence d’un sous-traitant, mais aussi de lui conseiller de se le faire présenter, et, le cas échéant, de l’agréer et de définir les modalités de règlement de ses situations.
A défaut, le maître d’oeuvre manque à ses obligations contractuelles et engage ainsi sa responsabilité délictuelle à l’égard du sous-traitant.
Le maître d’oeuvre ne peut se retrancher derrière :
La faute de l’entreprise principale qui a failli à son obligation de présenter le sous-traitant au maître d’ouvrage ;
L’imprudence du sous-traitant qui intervient sur le chantier sans s’assurer de son agrément par le maître d’ouvrage.
Voir jurisprudence en ce sens :
Cass.civ 3ème du 11 mai 2023, n°22-11.509 :si le maître d’oeuvre est investi d’une mission de suivi de chantier et qu’il a connaissance de la présence d’un sous-traitant, il doit, au titre de son devoir d’alerte, prévenir le maître d’ouvrage de sa présence et vérifier qu’il a bien été agréé.
Responsabilité de l’entrepreneur principal à l’égard des sous-traitants pour les fautes commises par ses sous-traitants (non)
Cass.civ 3ème, 18 janvier 2024, n°22-20.995 : vis-à-vis de ses sous-traitants, l’entreprise générale n’est pas responsable des fautes commises par l’un d’entre eux.
Si l’entrepreneur est responsable à l’égard du maître d’ouvrage des manquements de son sous-traitant commis dans l’exécution des prestations sous-traitées, sans qu’il soit besoin de démontrer sa propre
faute, il n’a pas à répondre, sauf stipulation contraire, des manquements de ce sous-traitant à l’égard de ses propres sous-traitants.
CCMI – garant de livraison – franchise contractuelle – reprise des réserves à réception et des non-conformités
Cass.civ 3ème, 21 décembre 2023, n°22-14.740 :
Plusieurs problématiques étaient posées à la Cour de cassation : 1/ Quel est le terme des pénalités de retard : les pénalités de retard sont dues jusqu'à la livraison du bien, laquelle s'entend de la mise à disposition d'une maison en état d'être habitée.
En l’espèce, la Cour de cassation valide le raisonnement suivi par les juges d’appel qui ont considéré que les maisons ne pouvaient pas être considérées comme habitables avant le 13 mai 2013, date de leur raccordement, et fixer, en conséquence, la somme due au titre des pénalités de retard au regard de cette date.
LIVRAISON=HABITABLE=RACCORDEMENT
2/ La franchise contractuelle de 5% est-elle applicable pour les travaux de reprise des réserves à réception ou pour la reprise des non-conformités contractuelles ? OUI
La motivation retenue par la Cour de cassation est particulièrement pédagogue.
Elle rappelle tout d’abord que la franchise contractuelle de 5% ne peut être stipulée, conformément à l’article L.231-6 alinéa 2 du Code de la construction et de l’habitation que pour le dépassement du prix convenu, et non s'agissant du supplément de prix.
Elle précise ensuite, jurisprudence à l’appui, ce que l’on doit entendre par « dépassement du prix convenu »:
Le dépassement de prix, objet de la garantie, est constitué par la différence entre le coût total réel de la construction et le prix global stipulé au contrat (cass.civ 3ème, 20 janvier 1993, pourvoi n° 91-11.905 – cass.civ 3ème, 7 octobre 2008, pourvoi n° 07-17.623)
La franchise contractuelle s’applique donc au coût de réparation des malfaçons, en cas d'exécution défectueuse du marché (cass.civ 3ème, 19 juin 1996, pourvoi n° 94-14.996 ) et au coût de la levée de réserves (cass.civ 3ème, 30 mars 2023, pourvoi n° 21-21.453 ), lesquels constituent des dépassements de prix et non des suppléments de prix au sens du texte susvisé.
II - ASSURANCES
A – Généralités
Clause d’exclusion de garantie – validité – « lorsque » - formelle et limitée (non)
Cass.civ 2ème, 25 janvier 2024, n°22-14.739 : La clause d’exclusion de garantie du contrat d’assurance qui utilise la conjonction de subordination « lorsque », nécessitant une interprétation, est ambigüe, de sorte qu’elle n’est pas formelle et limitée au sens de l’article L.113-1 du Code des assurances.
Voir pour d’autres illustrations jurisprudentielles :
Cass.civ 3ème, 14 septembre 2023, n°21-23.673 : la clause du contrat d’assurance de responsabilité civile qui stipule que « sont exclus des garanties les dépenses engagées pour la réalisation ou la finition de l’objet du marché de l’assuré » est formelle et limitée.
Cass. 3ème civ., 16 mars 2022, n° 20-23520 : En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la clause de la police excluant «les frais exposés pour le remplacement, la remise en état ou le remboursement des biens que vous avez fournis et/ou pour la reprise des travaux exécutés par vos soins, cause ou origine du dommage, ainsi que les frais de dépose et repose et les dommages immatériels qui en découlent » était formelle et limitée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision
Cet arrêt est l’occasion de faire un petit rappel utile sur la charge de la preuve en matière d’assurance :
La charge de la preuve de l’existence du contrat d’assurance et des garanties souscrites pèse sur l’assuré.
La charge de la preuve de l’exclusion de garantie pèse sur l’assureur.
Condition de recevabilité du recours en garantie – mise en cause de l’assuré (non)
Cass.civ 3ème du 01/02/2024 n°22-21.025 : L’appel en garantie ou l’action directe contre l’assureur ne nécessite pas la mise en cause de l’assureur
Assurances – direction de procédure – conséquence Cass.civ 3ème, 21 décembre 2023, n°22-18.141 : En application de l’article L. 113-17 du Code des assurances au visa duquel la décision est rendue, l’assureur qui prend la direction du procès est censé renoncer à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu’il a pris la direction du procès.
L'assureur avait pris la direction du procès en faisant défendre son assuré, en toute connaissance de la faute de celui-ci, par un de ses avocats, de sorte qu'il était censé avoir renoncé à l'exception prise du défaut d'aléa.
B – Assurances construction
Assurances construction – activité déclarée – appréciation stricte – l’activité de terrassement ne comprend pas celle d’enrochement
Cass.civ 3ème du 18 janvier 2024, n°22-22.781 : les travaux d’enrochement ne relèvent pas de l’activité de terrassement.
Aux termes de l’article L.242-1 et suivants du Code des assurances, si le contrat d’assurance de responsabilité obligatoire que doit souscrire tout constructeur ne peut comporter des clauses et exclusions autres que celles prévues par l’annexe I à l’article A.243-1 du Code des assurances, la garantie de l’assureur ne concerne que le secteur d’activité professionnelle déclaré par le constructeur.
Les assureurs peuvent donc opposer un refus de garantie si les travaux pour lesquels la responsabilité de leur assurée est recherchée ne relèvent pas de l’activité déclarée aux conditions particulières de la police.
La haute juridiction fait une interprétation très stricte de l’activité déclarée.
Voir pour des illustrations :
Cass.civ 3ème du 30 mars 2023 n°22-12.320 : l’étanchéité d’une toiture-terrasse ne relève pas de l’activité de couverture-zinguerie
Cass. 3ème civ., 11 mai 2022, n° 21-15018 : la mission de maîtrise d’oeuvre complète ne relève pas de l’activité de bureau d’études technique ou ingénieur conseil
Cass.civ 2ème du 2 mars 2022, n°21-12.096 : l’activité de constructeur de maison individuelle n’est pas la somme des activités réellement exercées
Assurance dommages-ouvrage : recevabilité du recours contre l’assureur DO et respect de la procédure contractuelle
Cass.civ 3ème, 7 décembre 2023, n°22-19.463 : L’assuré ne peut saisir une juridiction aux fins de désignation d’un expert avant l’expiration du délai de soixante jours prévu à l’article L.242-1 du Code des assurances.
C – L’assurance responsabilité civile
Etendu du recours subrogatoire de l’assureur Multirisque habitation
Cass.civ 2ème, 25 janvier 2024, n°22-16.053 : Les juges du fond, qui ont limité le recours subrogatoire de l’assureur, contractuellement tenu de garantir le sinistre incendie, aux seules sommes effectivement employées par les maîtres d’ouvrage à la reconstruction de leur immeuble, ont ajouté à l’article L.121-12 du Code des assurances une condition qu’il ne prévoit pas.
Voir en ce sens :
Cass.civ 3ème du 11 mai 2023, n°22-13.634 : L’assureur de responsabilité qui a indemnité le tiers lésé est subrogé dans les droits et actions de ce tiers et peut exercer l’action directe ; il est en effet subrogé dès lors que l’indemnité a été payée.
Petit rappel :
Article L.121-12 du Code des assurances : subrogation légale. L’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et action de l’assuré contre les tiers.
La subrogation légale ne peut jouer que s’il y a eu paiement de l’indemnité d’assurance.
La subrogation conventionnelle suppose le paiement et une quittance par laquelle l’assuré indemnisé subroge l’assureur dans ses droits et actions.
III - VENTE IMMOBILIERE
Le vendeur professionnel est présumé irréfragablement connaitre le vice – exclusion de la clause de non garantie des vices cachés
Cass. civ. 3, 7 décembre 2023, n° 22-20.093 : le vendeur qui réalise des travaux s’est comporté comme un professionnel de la construction et doit donc être considéré, de façon irréfragable, comme ayant connaissance des vices de la chose vendue. Le vendeur qui réalise ou fait réaliser des travaux avant la vente de sa maison est présumé constructeur et donc débiteur à l’égard de son acquéreur de toutes les garanties légales. Il n’y a pas superposition entre les notions de vendeur-constructeur et vendeur professionnel présumé en tant que tel connaitre les vices et ne pouvoir invoquer la clause d’exclusion de garantie des vices cachés. Est professionnel, le vendeur qui réalise lui-même les travaux. Autrement dit, le vendeur qui a fait effectuer des travaux par des constructeurs n’est pas réputé professionnel et est donc protégé par la clause de non garantie des vices cachés.
Agent immobilier – Obligation de conseil - étendue
Cass.civ 3ème, 21 décembre 2023, n°22-20.045 : Le devoir de conseil auquel est tenu l’agent immobilier lui impose d’informer l’acquéreur de l’immeuble, vendu par son entremise, de l’existence des désordres apparents affectant celui-ci, qu’en sa qualité de professionnel de l’immobilier, il ne peut ignorer.
La Cour de cassation, sans remettre en cause l’obligation de l’acquéreur d’être particulièrement attentif sur l’état du bien visité et de s’enquérir de toutes les informations utiles, retient que si le mauvais état des menuiseries de façades et la mauvaise étanchéité de la toiture-terrasse étaient parfaitement visibles par l’acquéreur et donc connu de lui au moment de la signature de la vente, ces défauts étaient aussi nécessairement connu de l’agent immobilier, qui en sa qualité de professionnel de l’immobilier, ne pouvait les ignorer. La Cour de cassation considère qu’il appartenait à l’agent immobilier d’attirer l’attention de son client sur ces malfaçons.
La Cour de cassation a confirmé l’arrêt déféré en ce qu’il avait prononcé la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés et condamnés l’agent immobilier à indemniser l’acquéreur.
Béatrice BOBET
Avocat associé KASTEL Avocats (AARPI)
Spécialiste en droit immobilier
Qualification spécifique en droit de la construction
Avocat titulaire d'un certificat de spécialisation en Droit immobilier
Compétences : Droit immobilier, Construction, Baux d'habitation, Copropriété, Droit des assurances, Droit du crédit et de la consommation
Barreau : Rennes
Adresse : 32 rue Tronjolly 35000 RENNES
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