L'introduction d'un pourvoi en cassation contre l'ordonnance d'expropriation ne saurait suspendre ou interrompre le délai de deux mois dont dispose l'exproprié pour faire constater par le juge de l'expropriation le défaut de base légale du transfert de propriété.
Intervenue pour mettre fin à une anomalie juridique que de nombreux auteurs dénonçaient (V. not. D. Maillot, D. 1971, Chron. 103), la loi « Barnier » n° 95-101 du 2 février 1995 (AJDI 1995. 299, obs. C. Morel Document InterRevues) a modifié l'article L. 12-5 du code de l'expropriation pour offrir aux expropriés, en cas d'annulation définitive par le juge administratif de la déclaration d'utilité publique ou de l'arrêté de cessibilité, une voie permettant de faire constater par le juge de l'expropriation le défaut de base légale de l'ordonnance portant transfert de propriété.
Dix ans plus tard intervenait le décret d'application (Décr. n° 2005-467, 13 mai 2005, S. Traoré, Dr. adm. 2005, n° 139) qui prévoit que l'exproprié qui entend faire constater le manque de base légale de l'ordonnance portant transfert de propriété doit transmettre « au greffe de la juridiction qui a prononcé l'expropriation » un dossier comprenant divers documents dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision du juge administratif (C. expr. art. R. 12-5-1). Ce délai a été considéré par le Conseil d'État comme n'étant pas « d'une brièveté telle qu'il entraverait l'exercice du droit au recours » (CE 3 sept. 2007, Assoc. de sauvegarde du droit de propriété, req. n° 282488, Lebon Document InterRevues ; Dalloz actualité, 17 sept. 2007, obs. J.-M. Pastor ; AJDI 2007. 849, note D. Musso Document InterRevues ; RFDA 2007. 1175, note R. Hostiou Document InterRevues). Ainsi saisi, le juge constate l'absence de base légale du transfert de propriété et en précise les conséquences de droit (C. expr. art. R. 12-5-4), par un jugement susceptible d'appel (C. expr. art. R. 12-5-6).
La Cour de cassation a, elle, précisé que le délai de l'article R. 12-5-1 « est un délai pour agir dont le non-respect est sanctionné par la forclusion de l'action qu'il concerne » (Civ. 3e, 17 mars 2010, n° 09-13.241, Dalloz actualité, 2 avr. 2010, obs. G. Forest ; AJDI 2010. 651, obs. A. Lévy Document InterRevues ; ibid. 2011. 111, Chron. S. Gilbert Document InterRevues ; RDI 2010. 262, obs. R. Hostiou Document InterRevues). Appliquant cette jurisprudence, la cour d'appel dont l'arrêt était contesté en l'espèce avait jugé irrecevable une demande fondée sur le second alinéa de l'article L. 12-5. En effet, les requérantes avaient vu leurs parcelles expropriées mais le tribunal administratif avait, par une décision devenue définitive, annulé la déclaration d'utilité publique (DUP) et l'arrêté de cessibilité sur lesquels était fondée l'expropriation. Elles avaient alors formé un pourvoi en cassation contre l'ordonnance portant transfert de propriété avant de former une demande, au-delà du délai de deux mois prévu à l'article R. 12-5-1, fondée sur les dispositions du second alinéa de l'article L. 12-5. Il a, en effet, été jugé que la faculté offerte par cet alinéa ne privait pas l'exproprié de former par anticipation un pourvoi contre l'ordonnance portant transfert propriété, avant même l'annulation définitive de la DUP et de l'arrêté de cessibilité par le juge administratif, afin d'en demander l'annulation par voie de conséquence (Civ. 3e, 12 oct. 2005, n° 99-70.214, AJDI 2006. 292 Document InterRevues, obs. R. Hostiou Document InterRevues), annulation obtenue par les requérantes en l'espèce.
La cour d'appel avait refusé de voir ce pourvoi comme interruptif ou suspensif du délai prévu à l'article R. 12-5-1 et n'avait pas retenu l'argument des requérantes tiré de ce que leur action devait s'analyser comme une demande en restitution et en indemnisation, présentée sur le fondement de l'article R. 12-5-4, non soumise au délai de l'article R. 12-5-1 dans la mesure où elles avaient déjà obtenu l'annulation de l'ordonnance d'expropriation. La Cour de cassation confirme le raisonnement d'appel en considérant que le pourvoi en cassation formé contre l'ordonnance d'expropriation n'a eu pour effet ni de suspendre ni d'interrompre le délai prévu à l'article R. 12-5-1. Par conséquent, la demande en restitution et en indemnisation des requérantes est jugée irrecevable.
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