Nos moulins et ouvrages hydroélectriques sont en danger. Ils sont dans le collimateur de l'administration française.
Le combat des défenseurs des barrages du sud-Manche, dont la destruction a été programmée par l'État, est sous le feu des projecteurs depuis quelques mois. Celui des petits propriétaires de moulins l'est moins. Pourtant, là aussi il y a danger.
Sous prétexte de vouloir restaurer la qualité des rivières, l'administration française s'attaque à ces ouvrages implantés depuis des siècles sur les cours d'eau. En interdisant ou en bloquant certaines reprises d'activités mais aussi en obligeant les propriétaires à faire réaliser à leurs frais des dispositifs permettant la circulation des poissons migrateurs. Obligations tellement onéreuses que très peu peuvent assumer.
Le parcours du combattant
“Nous risquons de nous trouver avec un patrimoine dont une grande partie pourrait être détruite, l'autre partie étant figée dans l'état où il se trouve, pratiquement sans possibilité d'entretien”, indique Annie Bouchard, présidente pour le Calvados de l'association régionale des Amis des moulins (Aram). Aujourd'hui, remettre en fonction un ouvrage hydraulique, fondé en titre ou réglementé, dont tous les organes sont fonctionnels, est devenu un véritable parcours du combattant. C'est le cas du moulin de Tracy, près de Vire. Son propriétaire, qui l'a acheté il y a plus d'un an, voudrait relancer une petite centrale hydroélectrique en utilisant la turbine d'origine, une Neyrpic, modèle Kaplan, installée en 1956. La production, qu'il vendrait à EDF, pourrait atteindre 180 000 kW/h/an, l'équivalent de 60 installations solaires photovoltaïques. Mais l'administration bloque. “On m'a fait faire le relevé topographique, nettoyer l'entrée et la sortie de la chambre d'eau, mais on me refuse l'autorisation. Je ne pensais pas que j'aurais autant de difficultés”. Pourtant, le moulin figure sur la carte de Cassini et dispose d'un droit inaliénable. Son propriétaire a donc décidé de porter l'affaire devant le tribunal administratif.
A Vire, après un véritable marathon, Serge Poisson a quant à lui réussi à obtenir gain de cause, à force d'obstination. En 2011, cet ancien agent d'EDF s'est lancé dans la reconstruction d'un ancien moulin situé en coeur de ville - qui fut autrefois la première station de production d'énergie électrique.
“Totalement schizophrène”
“Je me suis rendu compte qu'il était possible de réhabiliter le site et me suis lancé dans la réalisation d'une micro-centrale hydroélectrique. Aujourd'hui, je peux produire jusqu'à 500 000 kW/h/an et alimenter localement 160 foyers, hors chauffage.” Mais Serge Poisson n'oublie pas le combat qu'il lui a fallu mener avec l'administration. “J'ai eu l'autorisation, mais ça a été très difficile. Ca m'a pris deux ans. Il y a une omerta anti-moulins. On nous reproche tous les maux de la terre. Pourtant, on n'a jamais détérioré la qualité des rivières. Mieux, on produit une énergie propre. D'un côté, l'État veut favoriser les énergies renouvelables, de l'autre, il freine. C'est totalement schizophrène”.
À Coulonces, d'autres propriétaires se sont battus pendant dix ans. Les exemples sont nombreux. Au-delà de la menace qui pèse sur ces ouvrages patrimoniaux de la région, c'est la source d'énergie hydroélectrique qui est en péril actuellement. Un mal qui découle de la directive-cadre européenne (DCE) du 23 octobre 2000 et de l'obligation, pour les États, d'obtenir un bon état des eaux en 2015. “Cette directive a seulement fixé un résultat. À chaque pays de mettre en oeuvre les moyens nécessaires. Elle n'a rien dit d'autre”, précise Annie Bouchard. “Face à une administration autoritaire, nous sommes aujourd'hui très angoissés.”
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