Les délibérations des CSE portant désignation d'un expert comptable ou d'un expert habilité pour assister les CSE dans tous les domaines où ils sont informés et consultés donnent lieu à un contentieux récurrent, à l'iniative de l'employeur.
Les règles de désignation sont fixées par les articles L. 2315-78 du Code du travail, depuis l'ordonnance du 22 septembre 2017.
L'article L. 2315-86 fixe les règles de contestation du recours à l'expertise.
L'employeur peut saisir le juge judiciaire, dans un délai de 10 jours, de :
1° La délibération du comité social et économique décidant le recours à l'expertise s'il entend contester la nécessité de l'expertise ;
2° La désignation de l'expert par le comité social et économique s'il entend contester le choix de l'expert ;
3° La notification à l'employeur du cahier des charges et des informations prévues à l'article L. 2315-81-1 s'il entend contester le coût prévisionnel, l'étendue ou la durée de l'expertise ;
4° La notification à l'employeur du coût final de l'expertise s'il entend contester ce coût ;
Le juge statue, dans les cas 1° à 3°, suivant la procédure accélérée au fond dans les dix jours suivant sa saisine. Cette saisine suspend l'exécution de la décision du comité, ainsi que les délais dans lesquels il est consulté en application de l'article L. 2312-15, jusqu'à la notification du jugement. Cette décision n'est pas susceptible d'appel.
Les motifs de la contestation soulevée par l'employeur sont parfois fondés, parfois fantaisistes.
L'employeur peut tenter de faire croire que la délibération du CSE doit obéir à un formalisme rigide ou suivre une procédure particulière pour être valablement adoptée.
Il y a parfois, venant de l'employeur, une stratégie consistant à contester systématiquement toutes désignations d'expert, pour tenter de faire reculer le CSE et ainsi s'éviter de supporter les couts liés à l'exprtiste votée.
Dans ce contexte, il est donc utile de rappeler quelles sont les règles de validité de la délibération du CSE portant désignation d'un expert.
Les modalités de désignation des experts habilités, sur le fondement de l’article L. 2315-94 du Code du travail sont identiques à celles prévues pour l’expert-comptable du CSE.
La décision de recourir à un expert se concrétise par une délibération du CSE, organe souverain.
Les conditions de régularité de cette délibération sont précisées par la loi et la jurisprudence.
L’article L. 2315-94 du Code du travail, comme les textes qui organisent le recours du CSE à un expert-comptable, ne prévoit aucune condition préalable.
Le CSE qui désire désigner un expert n’a aucune « demande » à faire à l’employeur.
Ainsi, la Cour d’appel de Lyon a-t-elle pu retenir, pour écarter la demande de nullité diriger contre les délibérations d’un comité d’entreprise ayant voté le recours à un expert-comptable pour l’examen des comptes annuels et la désignation :
« Attendu que l’article L2325-35 du code du travail permet au comité d’entreprise de se faire assister d’un expert-comptable de son choix en vue de l’examen annuel des comptes;
Que l’article L2325-36 du même code précise que la mission de l’expert-comptable porte sur tous les éléments d’ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes ou à l’appréciation de la situation de l’entreprise ;
Que ces dispositions n’imposent pas au préalable le constat d’un désaccord ou d’un manque de transparence dans la communication des informations par l’employeur ;
Qu’il en résulte que le droit du comité d’entreprise de se faire assister d’un expert n’est subordonné à aucune condition préalable, si ce n’est, évidemment, la présentation des comptes et que la régularité à cet égard des décisions du comité d’entreprise de la CPAM DE L’AIN, des 23 septembre et 17 octobre 2011 ne peut être valablement contestée ; »
Le CSE est pleinement souverain dans sa décision : il use de la faculté de se faire assister par un expert dès lors qu’il l’estime nécessaire.
Ce sont les termes retenus par la Chambre sociale de la Cour de cassation, dans son arrêt rejetant le pourvoi dirigé contre l’arrêt précité de la Cour d’appel de Lyon :
« Mais attendu, d’abord, qu’il résulte des dispositions combinées des articles L. 2321-1, L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail, que le comité d’entreprise d’une CPAM a, peu important les spécificités de la comptabilité de cet organisme, la faculté de se faire assister par un expert-comptable pour l’examen des comptes annuels de la caisse dès lors qu’il l’estime nécessaire ; »
Cette jurisprudence établie à l’époque des comités d’entreprise reste pertinente et applicable aux dispositions qui fixent les cas de recours à expertise par le comité social et économique (CSE).
Il suffit au CSE de procéder à cette désignation au cours d’une délibération en séance ordinaire ou extraordinaire, lors d’un vote, comme pour toutes les décisions.
L’employeur ne peut pas alléguer que l’assistance de l’expert est inutile au motif que le CSE aurait reçu toutes les informations nécessaires.
C’est là une question d’opportunité qui relève de la seule appréciation du CSE.
En pratique, la décision de désigner un expert-comptable est prise par un vote à la majorité.
Mais ce n’est pas indispensable.
Il en résulte que le principe du recours à un expert-comptable n’a pas à figurer expressément à l’ordre du jour de la réunion au cours de laquelle la question est discutée.
En cas d’absence de cette question à l’ordre du jour, il suffit qu’il existe un lien entre l’ordre du jour proprement dit et la désignation de l’expert au jour de la réunion.
Cela a notamment été jugé à propos d’un ordre du jour qui mentionnait « le rapport annuel d’ensemble » :
« Le moyen soulevé par la société RTE relatif à l’ordre du jour de la réunion du comité d’établissement du 16 mai 2012 est inopérant dans la mesure où si le recours à l’assistance d’un expert-comptable n’est pas formellement indiqué, en revanche l’ordre du jour mentionne « le rapport annuel d’ensemble de TEO année 2011 » et que c’est à l’issue de cet examen que les résolutions critiquées ont été adoptées à savoir : lors de la séance du comité d’établissement de TEO Ouest la question du rapport annuel d’ensemble 2011 de l’unité TE Ouest a été posée et a fait l’objet de nombreux échanges et questionnements des élus du comité d’établissement. Afin de formaliser leur demande, certains élus ont proposé de soumettre au vote de l’organisme quatre résolutions tout en considérant le dossier présenté comme non conforme et ne répondant pas aux exigences de la loi et qu’en raison de l’insuffisance des informations présentées par la direction, les élus ont estimé nécessaire de se faire assister d’un expert-comptable.
Le recours à un expert-comptable n’a pas à figurer sur l’ordre du jour et il suffit qu’un lien existe entre l’ordre du jour proprement dit et la désignation de l’expert-comptable ce qui est le cas en l’espèce. »
Il résulte de cette absence de formalisme que si la question n’a pas pu être inscrite à l’ordre du jour, tout membre du CSE, même minoritaire peut, au cours d’une séance, par exemple lors de la discussion des « questions diverses », demander un vote sur l’assistance légale du CSE par un expert :
« En pratique la décision de désigner un expert-comptable est prise par un vote, après que la question ait été inscrite à l'ordre du jour par accord entre le secrétaire et le président du comité d'entreprise.
Mais cela n'est pas indispensable, l'article 434-6 du code de travail ne subordonnant pas la désignation de l'expert-comptable à un vote préalable du comité d'entreprise et un tel vote ne s'avérant nécessaire qu'en cas de désaccord entre les membres de ce comité.
Il résulte de cette absence de formalisme que si la question n'a pu être inscrite à l'ordre du jour, tout membre du comité, même minoritaire, peut, au cours d'une séance par exemple lors de la discussion des questions diverses, demandé un vote sur l'assistance légale du comité par un expert-comptable.
Dès lors la désignation de la société COEXCO intervenue le 28 janvier 1998 à la suite d'un vote favorable de tous les membres titulaires élus ne saurait prêter à contestation pas plus que la mission confiée au cabinet COEXCO et produite aux débats qui est conforme à l'article 434-6 alinéas 2 et 3 du code du travail. »
(CA Douai)
Il en résulte également que le CSE n’a pas à viser, dans sa délibération, le texte sur le fondement duquel il décide de recourir à un expert.
L’analyse de la jurisprudence récente enseigne que l’erreur de visa est sans conséquence.
Le CSE choisit librement son expert, sans aucune limitation géographique ou autre.
Et rien n’oblige le CSE à préciser, dans sa délibération, la mission qu’il entend confier à l’expert ni à apporter une justification du recours à l’expertise.
Encore une fois, le CSE est souverain dans la décision d’exercer un droit qui lui appartient à lui et à lui seul.
Tout cela résulte d’une jurisprudence constante.
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