Partager ses biens ce n’est pas seulement un problème entre les personnes, c’est aussi un coût qu’il ne faut pas oublier et qu’il faut nécessairement prévoir pour éviter de voir voler en éclat des accords que la survenue d’un montant non envisagé rend impossible.
Lorsque l’on vient voir un avocat pour divorcer trop souvent il balaye d’un geste la liquidation en indiquant : "vous n’aurez qu’à voir ça après avec le notaire". Il faut dire que la liquidation des régimes matrimoniaux est chose complexe et que nombre de non- spécialistes préfèrent ne pas s’y frotter.
Toutefois, une telle approche, outre qu’elle n’est plus en adéquation avec les modifications récentes qui prévoient cette liquidation dans le cadre du divorce, pose aussi de nombreux problèmes pratiques pour le divorce lui-même.
Le plus caché, parfois très problématique même lorsque les époux sont d’accord sur le partage concerne les frais inhérents au-dit partage.
En effet, que les époux soient mariés sous un régime matrimonial ou un autre, s’ils divorcent, ils doivent liquider leur régime matrimonial. S’ils ont des biens immobiliers communs au moment du divorce, alors ils devront nécessairement faire cette liquidation chez un notaire.
S’ils n’ont pas de bien immobilier à partager, cette liquidation peut être faite sous seing privé, par acte d’avocat ou encore dans le cadre du divorce lui-même. Elle peut même être verbale mais attention à la preuve en cas de litige.
S’ils ne sont pas d’accord sur le partage, ce sera le juge qui tranchera.
Lorsque les époux envisagent le partage, notamment lorsqu’ils en discutent amiablement, ils font les comptes et souvent le montant de ce que chacun va recevoir est calculé en tenant compte des besoins des uns et des autres pour son relogement ou la prise en charge de tels ou tels frais familiaux.
Lorsque l’un des époux va se voir attribuer la pleine propriété de l’un des biens, il devra, si un crédit grève le bien, obtenir de la banque un nouveau contrat de prêt afin de libérer son ex-conjoint de toute obligation vis à vis de la banque concernant ce bien.
La question du coût est donc absolument fondamentale.
Et pourtant, ils ignorent le plus souvent qu’ils vont devoir s’acquitter d’un droit d’enregistrement à hauteur de 2,5% de la masse nette à partager, ce qui est vite considérable lorsqu’il s’agit de biens immobiliers. De plus, quand ils apprennent qu’il leur faut en outre prévoir les honoraires et frais de notaire, qui sont calculés pour partie en proportion de la masse à partager et que la totalité de la somme à envisager est d’environ 4% [1] de ladite masse à partager, somme qu’ils doivent ensemble, chacun pour moitié sauf meilleur accord entre eux, la mauvaise surprise est alors totale.
Ainsi, encore récemment, une cliente est venue me consulter car elle avait reçu un courrier de l’avocate de son époux lui indiquant qu’il désire divorcer, volonté qu’elle ne comprend pas car ils sont séparés depuis déjà longtemps et que les modalités de leurs vies séparées sont bien en place. Comprenant qu’elle n’a pas le choix et devra, à terme, accepter le divorce, nous discutons donc de celui-ci et elle envisage d’accepter le divorce à l’amiable puisque son époux est prêt à lui laisser le domicile familial en totalité.
Je fais donc le point avec elle du patrimoine à partager, placement, comptes bancaires, biens immobiliers... et lui annonce qu’outre le divorce lui-même, ils devront payer des frais pour la liquidation du régime matrimonial. Surprise de la brave dame, qui ne comprend pas pourquoi elle aurait à payer puisque c’est un bien commun et que son mari le lui laisse. Elle ne partage pas, elle ne vend pas, elle conserve ce bien (dans lequel elle habite depuis des lustres).
Je lui explique et tenant compte des éléments en ma possession, je lui indique qu’elle et son époux devront prévoir environ 50.000€ entre le droit d’enregistrement et les frais et honoraires du notaire.
Stupéfaction de la cliente, catastrophée, qui me dit alors que son époux (avec lequel elle a des contacts réguliers), ne lui a pas du tout parlé de frais et ne doit pas être au courant...
Je lui conseille donc d’appeler son mari et s’il doute de sa parole, de se rendre ensemble chez le notaire qui leur donnera le montant précis des frais à envisager.
Quelques temps plus tard, cette charmante dame m’a rappelé pour m’informer qu’au vu des frais dont il n’avait aucune idée, son mari avait décidé de ne pas divorcer...
Par chance, ce couple s’entend bien, la vie séparée ne pose guère de problème, ils n’ont plus d’enfants en bas âge et n’ont guère de soucis financiers. De la sorte, l’absence d’information préalable donnée à Monsieur n’a guère de conséquence et a été vite rattrapée.
Mais c’est rarement aussi simple et lorsque les époux commencent à discuter sérieusement du partage, qu’ils font des comptes, ensemble et avec leurs avocats, s’ils ne prennent pas dès le départ en compte les frais inhérents au partage, cela peut avoir des conséquences dramatiques. En effet si l’équilibre financier difficilement atteint est détruit par cette dépense imprévue alors les époux risquent de peiner (et c’est peu dire) pour en trouver un nouveau tant on sait que lors des séparations les accords sont fragiles.
Comment faire pour limiter ces frais.
Les solutions tiennent des termes même de la loi :
- Tout d’abord se souvenir que rien n’oblige à faire un acte notarié si vous n’avez pas de bien immobilier à partager. L’avocat est alors parfaitement compétent pour le faire pour vous dans le cadre de votre divorce ou même après et les honoraires de l’avocat sont souvent bien moins élevés que ceux du notaire, ne serait-ce parce qu’ils sont conventionnels et non au prorata de la masse à partager. Dans ce cas, le seul pourcentage restant est le droit d’enregistrement de 2,5% qui sera recouvré auprès de l’avocat par les services fiscaux.
- Ensuite, il s’agit d’un droit d’enregistrement et pas d’un impôt sur le patrimoine. Il n’est donc dû qu’à la condition d’un acte écrit de partage soit établi. Pas d’écrit, pas de droit (CGI, art. 635, 1, 7°. – V. BOI-ENR-PTG-10-10, 30 mai 2014, § 90).
Mais attention, chaque médaille a son revers. Si vous ne faites pas d’écrit, il faut être certain de la bonne foi de votre conjoint (ce qui dans un divorce n’est pas évident) et qu’il ne vienne pas après que tout soit terminé dire que le parage a été incomplet et demander une modification...
- Enfin dernière solution, divorcer sans partager. Cette solution exclut tout divorce par consentement mutuel (dans lequel le partage est obligatoire). Cela reste techniquement possible même si en pratique c’est à déconseiller. D’une part parce que cela implique que rien n’est réellement réglé entre les époux et les conséquences au quotidien sont complexes à gérer notamment le jour ou l’un voudra vendre et pas l’autre... En outre, le temps rend parfois certaines situations quasi-insolubles du fait de la disparition (volontaire ou non) des éléments justificatifs des droits et réclamation de chacun), outre les nécessaires dépenses à faire quand on a des biens communs, dépenses qui doivent être gérées, prouvées, justifiées, acceptées...
Il faut donc se renseigner pleinement dès le départ et demander à son avocat ce qu’il en est avant de s’engager dans un processus de réflexion concernant le partage.
C’est pourquoi, il m’apparaît ici utile de rappeler que le divorce et le partage des biens sont un processus de plus en plus précis et complexe notamment au regard des modifications législatives de ces dernières années. Seul un avocat peut vous permettre de trouver la solution qui vous est la plus adaptée en fonction de votre patrimoine et de vos besoins et intérêts.
Prenez soin de choisir un avocat qui a l’habitude de pratiquer la matière car c’est une spécialité : le droit de la famille
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