Après les déclarations des candidats à l’élection présidentielle concernant les risques de révocation de l’adoption simple, il m’est apparu nécessaire de remettre les choses au clair et, loin de toute polémique électoraliste, de rappeler la réalité juridique.
La loi française prévoit deux types d’adoption. L’adoption simple (articles 360 et suivants du Code civil) et l’adoption plénière (articles 343 et suivants du Code civil). Ces deux types d’adoption ont une origine historique et un objet différent.
La différence fondamentale entre les deux formes d’adoption concerne le lien avec la famille d’origine. En effet l’adoption simple maintient ce lien alors que l’adoption plénière la détruit irrévocablement.
L’objet de l’adoption simple est de permettre à une personne tierce, qui n’a juridiquement aucun lien filial avec l’enfant mais qui en réalité a des liens affectifs et filiaux très forts, de créer une filiation juridique.
Il est ainsi possible de donner au sentiment filial qui fait dire « je le considère comme mon fils/ma fille », « c’est ma seconde mère/mon second père » ; une réalité juridique si l’on remplit les conditions. Par ce biais, une personne peut donc avoir trois parents.
Voici un tableau récapitulatif des différences juridiques existant entre les deux formes d’adoption.
Les deux formes d’adoption :
ADOPTION PLENIERE | ADOPTION SIMPLE |
Irrevocable | Revocable pour cause grave |
Efface tout lien avec la famille d’origine | Conserve le lien avec la famille d’origine |
L’enfant porte le nom de l’adoptant | L’enfant porte le doublon nom de sa famille d’origine et de l’adoptant, sauf décision particulière |
En principe limitée aux enfants de moins de 15 ans, dans certains cas cela s’étend jusqu’aux deux ans suivants la majorité | Possible à tout âge |
Sont adoptables en adoption plénière seulement les enfants qui n’ont plus de lien avec leur famille d’origine et pour lequel les parents consentent à l’adoption ou n’ont plus de droit sur l’enfant (article 347 du Code civil) | Possible pour toute personne |
Plus aucune obligation envers la famille d’origine | Maintien des obligations alimentaires avec les parents d’origine mais subsidiaires |
Plus aucun droit successoral envers la famille d’origine | Partage successoral entre les deux familles l’adoptante et d’origine |
L’adopté a les mêmes droits que les enfants biologiques | L’adopté n’a pas de droit réservataire envers les ascendants de l’adoptant sauf exception notables lorsque l’adopté est mineur au moment du décès de l’adoptant ou lorsque l’adopté majeur au moment du décès de l’adoptant a, soit dans sa minorité et pendant cinq ans au moins, soit dans sa minorité et sa majorité et pendant dix ans au moins, reçu de l’adoptant des secours et des soins non interrompus au titre d’une prise en charge continue et principale (article 786 du Code général des impôts) |
Si ce tableau résume synthétiquement les différences principales existant entre adoption plénière et adoption simple, il doit cependant être regardé différemment lorsqu’il s’agit de l’adoption de l’enfant du conjoint dans le cadre d’une PMA.
En effet, la demande des adoptantes dans ce cadre est principalement de permettre de créer une parentalité réelle entre la mère d’intention et l’enfant et ce dès la petite enfance. Il s’agit en effet souvent de deux femmes ayant ensemble un projet parental et ayant décidé de le mettre en œuvre via une PMA et sont mariées.
Il s’agit donc de l’adoption de l’enfant du conjoint, qui est soumise à des règles plus souples.
Dans ce cadre, leur désir est généralement de s’approcher le plus possible de la parentalité biologique et donc d’obtenir une adoption plénière. Toutefois l’adoption plénière nécessite que l’enfant n’ait pas de second parent. Autrement dit, elle n’est pas ouverte lorsque l’enfant a un père qui l’a reconnu.
En outre, un problème peut se poser lorsque l’enfant est issu d’une PMA « artisanale » ou non anonyme ou bien d’une relation avec un géniteur, même s’il n’a pas reconnu l’enfant ou n’en a pas connaissance. En effet, les tribunaux voulant s’assurer que l’adoption plénière ne se fait pas en fraude de l’intérêt de l’enfant et des droits du père géniteur, expriment de plus en plus souvent le désir d’avoir la preuve d’une PMA anonyme, ce qui peut les amener à refuser une adoption plénière. Dans ce cas, si les voies de recours n’ont pas permis d’obtenir gain de cause, seule la voie de l’adoption simple est ouverte.
Il n’est cependant pas nécessaire de dramatiser cet état de fait car dans la réalité, dans la vie quotidienne, il n’y a pas grande différence entre les deux états.
Le délicat problème de la révocabilité a fait les beaux jours des débats de la primaire de droite des élections présidentielles en 2016, ce qui est d’autant plus curieux qu’une loi du 14 mars 2016 est venue durcir les conditions de révocabilité. Ainsi présenté, l’auditeur ou le téléspectateur avait l’impression, fausse, qu’il suffisait que l’un des parents le désire pour que l’adoption soit révoquée. Il n’en est rien. Non seulement il s’agit d’une procédure devant le tribunal de grande instance, assez longue et avec assistance obligatoire d’un avocat, mais en outre cette procédure n’est pas ouverte à tous, loin de là, et il faut avoir un dossier solide pour justifier des raisons légitimes de la demande de révocation, qui peut être refusée.
Pour obtenir une telle révocation il faut une cause grave et ce sont les tribunaux qui décident si la faute dont il est allégué est ou non suffisamment grave. Tant que l’adopté est mineur, ni lui, ni l’adoptant ni aucune autre personne ne peut demander cette révocation sauf le procureur de la République (représentant de l’État). Une fois que l’adopté est majeur, seul lui ou l’adoptant peuvent le demander. La révocation n’est pas rétroactive et ne prend effet qu’à la date de la demande.
Gageons de surcroît que les tribunaux seront plus regardants envers une adoptante qui avait un projet parental et était donc, de cœur, le parent de l’enfant dès l’origine qu’envers un parent adoptif plus « tardif ».
Pas de contribution, soyez le premier