Pour faire suite à l'article que j'ai publié ICI la semaine passée, voici quelques extraits de l'article remarquable de Monsieur Daniel Borillo, Maitre de conférence en Droit à l'Université de Paris X, que vous pouvez retrouver en intégralité sur le site médiapart.


« Les juges de la Cour de cassation ainsi que le parti du gouvernement viennent d'octroyer à l'injure homophobe le statut de simple opinion » analyse Daniel Borrillo,...

Interrogé sur les propos tenus à l'Assemblée Nationale lors du débat sur un projet de loi incluant dans la catégorie d'injure certaines manifestations homophobes, le député Christian Vanneste (UMP) avait expliqué au journaliste de La Voix du Nord, le 26 janvier 2005, que « l'homosexualité est inférieure à l'hétérosexualité » et que « si l'on la poussait à l'universel, ce serait dangereux pour l'humanité ». Malgré l'émotion suscitée par ces déclarations, un mois plus tard M. Vanneste confirme ses propos et ajoute que « les homosexuels ne représentent rien, aucun intérêt social » et que « leur comportement est un comportement sectaire ». Il persiste et signe : « l'homosexualité est une menace pour la survie de l'humanité », il refuse de surcroît de présenter des excuses en affirmant, « ce n'est rien d'autre que du terrorisme intellectuel ».

...le 12 novembre dernier, la chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt d'appel, en stipulant que le contenu des propos tenus par M. Vanneste « ne dépasse pas les limites de la liberté d'expression » et par conséquent ne constitue pas une injure....

Contre ce climat anti-homosexuel qui commençait à s'installer en France, une première réponse fut l'adoption de la loi du 18 mars 2003 sur la « sécurité intérieure ». Dans le prolongement de celle du 3 février 2003 "visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste, antisémite et xénophobe", cette nouvelle loi a introduit dans le Code pénal une circonstance aggravante en raison de "l'orientation sexuelle" de la victime...

Trois jours après le mariage de Bègles, le 8 juin 2004, le gouvernement rendait public le projet de loi réprimant les propos homophobes et sexistes. Il s'agissait de montrer à l'opinion publique que les autorités ne restaient pas insensibles face à cette forme de violence. Une fois adoptée, la loi du 30 décembre 2004 a permis de pénaliser également l'injure commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap. Le Législateur a ainsi voulu mettre sur le même niveau de gravité l'injure à l'encontre des femmes, des homosexuels et des handicapés que celle proférée contre les noirs, les juifs, les musulmans...

La Cour de cassation aurait pu suivre ce même raisonnement dans l'affaire Vanneste puisque, comme Dieudonné, le député avait considéré que l'attitude des homosexuels « est un comportement sectaire » et que «ils ne représentent rien, aucun intérêt social ». Ainsi, en tenant ce type de propos, le député du Nord est allé au-delà de la simple opinion concernant une condition (l'homosexualité) et s'est attaqué directement à un groupe en raison de son orientation sexuelle. Bien que ces affirmations soient relevées par la Cour de cassation, elle n'en tire, en revanche, aucune conséquence juridique. Avec cet arrêt, la cour instaure donc une hiérarchie d'injures selon laquelle l'antisémitisme est susceptible de condamnation alors que l'homophobie reste impunie.

Même si la Cour de cassation considère que l'homophobie de Christian Vanneste doit être protégée par le droit à la liberté d'expression, l'UMP aurait pu condamner moralement les propos du député. En s'abstenant de le faire, le parti du gouvernement a cautionné la violence homophobe.

Contrairement à la volonté du Législateur qui, à travers la loi de 2004, a prohibé tous les discours de haine (raciste, antisémite, sexiste, homophobe...), les juges de la Cour de cassation ainsi que le parti du gouvernement viennent d'octroyer à l'injure homophobe le statut de simple opinion."

Daniel Borrillo

(maître de conférence en droit, université Paris X)