Alors que l'on parle sans cesse de la "loi famille" et des modifications à apporter à l'autorité parentale, il m'a paru nécessaire de rappeler quelques vérités pratiques de la "vraie vie des parents séparés" et des nécessités de réforme qui, malheureusement ne semblent pas à l'ordre du jour.
Définition et contenu
L'article 372 du code civil prévoit que l'autorité parentale conjointe est la règle.
Le principe semble simple, les décisions importantes de la vie de l'enfant doivent être prises conjointement par les deux parents.
Par contre les décisions usuelles peuvent être prises par un parent seul.
La question est de savoir ce que sont les décisions importantes et les décisions usuelles.
Il n'existe pas de liste, c'est au cas par cas que la jurisprudence le décide et, malheureusement, les tribunaux administratifs et les tribunaux judiciaires ne sont pas toujours d'accord...
Mais de toute façon, la frustration de se voir imposer une décision peut être considérable et il est difficile de déterminer ce qui est usuel ou pas tant cela peut différer d'une famille à l'autre.
Au demeurant, il est toujours frustrant d'être exclut de fait des décisions concernant son enfant, fussent-elles usuelles.
principales difficultés
Il arrive fréquemment que les parents soient discordants concernant l'éducation de leurs enfants et plus encore une fois qu'ils se sont séparés.
Il est notamment courant que des parents soient en désaccord sur un élément qui leur semble fondamental concernant leur enfant (par exemple l'éducation religieuse, la communion, la circoncision, le choix de l'école publique ou privée, changement d'école, traitement médical, suivi psychologique, choix du médecin...).
Dans ce cas, l'un des parents doit saisir le juge aux affaires familiales du lieu de résidence de l'enfant pour lui demander de trancher.
Mais il arrive aussi, trop souvent, que l'un des parents prenne la décision unilatéralement, sans tenir aucun compte de l'avis de l'autre parent, qui se trouve ainsi mis devant le fait accompli.
Encore plus courant, le parent avec lequel l'enfant réside agit comme s'il était seul à être titulaire de l'autorité parentale et prend toutes les décisions concernant l'enfant sans concerter l'autre parent et parfois même sans l'en informer de sorte que c'est par hasard, souvent au détour d'une conversation ou à la réception d'un document administratif que le malheureux parent apprend que telle ou telle décision a été prise concernant son enfant .
. Si la décision concernée dépasse clairement l'acte usuel d'autorité parentale, le parent aura la possibilité d'agir judiciairement contre le tiers si celui-ci ne se conforme pas aux règles légales à savoir l'accord express des deux parents pour tous les éléments qui ne sont pas de l'ordre des actes usuels.
En pratique, un simple courrier recommandé avec accusé de réception suffit la plupart du temps à obtenir gain de cause.
A noter, le Ministère de l'Education Nationale a publié un petit livret sur l'exercice de l'autorité parentale à l'école, téléchargeable sur le site du Ministère, qui peut s'avérer très utile pour rappeler aux écoles leurs obligations.
Encore faut-il évidemment que le parent bafoué soit prévenu à temps et que l'acte ne soit pas déjà fait (par exemple, opération chirurgicale, saut en parachute...). Sinon il pourra toujours attaquer le tiers en responsabilité mais la décision sera devenue par sa nature même irrévocable.
Bien souvent quand le parent l'apprend il est trop tard et il ne peut plus exiger de revenir en arrière car se serait contraire à l'intérêt de l'enfant.
Malheureusement, il n'existe aucune sanction contre le parent qui prend ainsi l'ascendant et se comporte comme s'il était seul à avoir le droit de décider.
Tout au plus au cas ou une procédure interviendrait ultérieurement concernant la résidence de l'enfant, le parent malheureux pourra en faire un argument puisque le juge est censé, dans sa décision prendre en compte la capacité de chaque parent à respecter les droits de l'autre. Mais il ne faut pas se leurrer, c'est un argument qui sera loin d'être fondamental sauf cas particulièrement grave et exceptionnel.
Les conséquences de cette absence de sanction
Comme toujours lorsqu'une loi n'est pas appliquée et que la puissance publique ne fait rien pour son application, les conséquences psychologiques sont considérables et dans ce cadre particulier ce sont toujours les enfants qui en souffrent.
En effet, mis en situation de contrôle total pour l'un ou d'impuissance frustrante pour l'autre, les parents vont se livrer une guerre sans merci dont l'enfant sera le centre et donc la victime.
Selon leur situation et leur caractère, certains parents vont purement et simplement démissionner de leurs devoir d'éducation, lassés de se battre pour rien et de se voir systématiquement bafoué, l'enfant peut alors se sentir abandonné.
D'autres au contraire vont entrer dans une véritable guerre de tranchées, mettant souvent l'enfant en conflit de loyauté, ce qui peut amener des troubles psychologiques graves.
Pas de solution facile donc pour le malheureux parent que l'on n'écoute pas et qui pourtant voudrait simplement jouer réellement son rôle parental.
Rester présent sans être harcelant, être attentif sans être suspicieux, garder l'esprit ouvert, toutes choses bien difficile quand la colère (légitime mais mauvaise conseillère) est présente et que l'autre parent caracole dans ses choix unilatéraux.
Pourquoi ne pas demander de dommages intérêts à l'encontre du parent qui agit de la sorte, c'est une solution à envisager, mais encore faut-il prouver le dommage moral et l'évaluer...
Je ne peux que regretter que le législateur n'ait pas pris la mesure de la difficulté en agissant
- avec vigueur contre les tiers (notamment les établissements scolaires et médicaux) qui agissent sans l'autorisation des deux parents et ne savent visiblement pas ce que veut dire autorité parentale conjointe
- avec intelligence pour contraindre les parents à se respecter dans les décisions concernant leurs enfants communs
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