La modification de l’activité du bail commercial appelée déspécialisation, consiste soit à ajouter une activité au bail commercial (déspécialisation partielle), soit à changer complétement l’activité du bail (déspécialisation plénière).

Les dispositions de la déspécialisation sont d’ordre public (art.145-15 code de commerce), c’est-à-dire qu’il n’est pas possible d’y déroger par convention particulière.

Dès lors, toutes clauses interdisant ou restreignant le droit du locataire à la déspécialisation peuvent être déclarées nulles par le tribunal (Cass. 3ème civ, 12 juillet 2000, n°98-21.671).

1. La modification par ajout d’une activité : La déspécialisation partielle

La déspécialisation partielle consiste à ajouter une ou des activités complémentaires ou connexes à l’activité principale (article L. 145-47 du code de commerce).

La notion d’activité connexe ou complémentaire relève de l’appréciation souveraine des juges du fond qui statuent en fonction des usages commerciaux. Les juges prennent également en compte « l’identité de la clientèle » pour apprécier le caractère connexe ou complémentaire de l’activité.

En effet, les juges vérifient si la clientèle est identique pour admettre la déspécialisation partielle. A titre d’exemple, le commerce de prêt à porter a été jugé complémentaire à l’activité de vente de lingerie (cass. 3ème civ. 24 oct 1984).

Les juges peuvent également prendre en compte d’autres critères que l’identité de la clientèle et notamment l’identité des produits vendus, mais aussi la similitude des méthodes de travail ou de l’identité des matières premières.

Les modalité de l’ajout de l’activité : La notification au bailleur

Par principe, les articles L. 145-47 et L. 145-55 du code de commerce, prévoient que le locataire doit informer son bailleur de son intention d’ajouter une activité connexe ou complémentaire ou bail commercial.

Cette notification doit intervenir par un acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, en indiquant les activités que le locataire souhaite ajouter.

Ce n’est donc pas une autorisation que le locataire doit adresser au bailleur mais une simple notification.

Le bailleur dispose d’un délai de deux mois à compter de la date de la notification pour indiquer au locataire s’il conteste le caractère connexe ou complémentaire de ces activités. A défaut, le silence du bailleur vaut acceptation.

Si le bailleur souhaite contester le caractère connexe ou complémentaire de l’ajout d’activité, il doit en informer son locataire. 

En cas de conflits sur l’ajout de l’activité, les juges se prononcent sur le caractère connexe ou complémentaire de l’activité ajoutée compte tenu des usages commerciaux et d’autres facteurs (identité de clientèle, de produits, de méthode de travail…).

L’ajout de l’activité peut avoir une conséquence sur le montant du loyer. En effet, conformément à l’article L. 145-47 du code de commerce :

« Lors de la première révision triennale suivant la notification visée à l’alinéa précédent, il peut, par dérogation aux dispositions de l’article L. 145-38, être tenu compte, pour la fixation du loyer, des activités commerciales adjointes, si celles-ci ont entraîné par elles-mêmes une modification de la valeur locative des lieux loués ».

Dès lors, le bailleur pourra prendre en compte la modification de l’activité pour réviser le loyer à la hausse.

Il est donc important de respecter les dispositions de l’article L.145-47 du code de commerce qui impose de prévenir son bailleur. En effet, à défaut le bailleur serait privé de son droit de contester l’ajout de l’activité mais aussi de réviser le loyer.

De plus, le non respect de la destination des lieux peut entraîner la résiliation du bail  commercial soit par le jeu de la clause résolutoire ou par la résiliation judiciaire.

2. La modification totale de l’activité : la déspécialisation plénière

La déspécialisation plénière permet au locataire d’exercer dans les lieux loués une ou plusieurs activités différentes de celles prévues au bail commercial (art. L.145-48 code de commerce). Toutefois, cette procédure est peu utilisée compte tenu de sa longueur à mettre en oeuvre et des conditions restreintes d’applications. 

En effet, la modification ne peut être autorisée que pour les besoins de la conjoncture économique et les nécessités de l’organisation rationnelle de la distribution.

Ces activités doivent également être compatibles avec la destination, les caractères et la situation de l’immeuble.

La demande doit être faite au bailleur par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception et comporter, à peine de nullité, l’indication des activités dont l’exercice est envisagé.

De plus, il faudra également informer les créanciers inscrits sur le fonds de commerce. Le bailleur doit également informer par acte d’huissier les autres locataires envers lesquels il se serait obligé à ne pas louer le local pour l’exercice des activités similaires. C’est notamment le cas lorsque le bailleur loue un local en s’interdisant de louer un autre local pour une activité concurrente.

Si dans les trois mois de la demande, le bailleur n’a pas notifié son refus, son acceptation ou encore les conditions auxquelles il subordonne son accord, il est réputé avoir acquiescé à la demande.

Le bailleur ne peut refuser la demande sauf pour un motif grave et légitime (art.L.145-52 code de commerce) ou s’il souhaite reprendre les locaux à la fin de la période triennale pour réaliser des travaux (art. 145-53 code de commerce).

En vertu de l’article L. 145-50 du code de commerce, le bailleur à qui est imposée la transformation de l’activité prévue au bail commercial, est en droit de prétendre à la modification du loyer, à compter de la date à laquelle le preneur est en droit d’exercer la nouvelle activité.

C’est-à-dire que le bailleur peut demander la modification du loyer du bail sans attendre la prochaine échéance triennale. Etant précisé que l’appréciation du nouveau loyer doit tenir compte de l’avantage procuré au locataire et que son montant sera limité à celui de la valeur locative du bien.

De plus, le premier alinéa de l’article L. 145-50 du code de commerce prévoit que le bailleur peut bénéficier d’une indemnité dès lors qu’il établit qu’il que la nouvelle activité lui occasionne un préjudice.

Si le refus du bailleur n’est pas justifier par un motif grave et légitime, le tribunal judiciaire peut autoriser la transformation totale ou partielle.

Enfin, l’article L. 145-51 du code de commerce prévoit la cession-déspécialisation qui est une procédure simplifiée de déspécialisation plénière applicable au commerçant qui part à la retraite. Elle permet au locataire souhaitant partir à la retraite de céder son bail avec changement d’activité à certains preneurs.

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