L’ERAGE « École Régionale des Avocats du Grand EST » organise prochainement à Strasbourg une Formation intitulée : « #PopCab nouvelles pratiques by ERAGE » censée être destinée à accompagner les cabinets dans une phase de transition vers la déshumanisation de la profession d’avocat et un glissement vers des modes de fonctionnement style « startup ».
Tout contact avec le justiciable, qui devra constituer seul son dossier en amont, passe uniquement par internet, sans aucune relation avec un avocat dont l’expérience, les compétences et la disponibilité auront pu être vérifiées…
La présence du cofondateur de VERY CHIC, de LEGALTECH et en particulier du Cabinet OMER qui prétend « divorcer par consentement mutuel pour 240 € TTC/ époux » avait déclenché une vive polémique contre ce mode d’Ubérisation de notre profession, à tel point que l’on vient d’apprendre que ce dernier avait finit par renoncer à sa venue !
Je tiens à rappeler que si la loi pour le divorce par consentement mutuel a changé et ne permet plus le passage devant un juge, elle a rendu indispensable la présence de deux avocats qui n’ont aucun lien entre eux et ce pour chacun des époux afin de contribuer à l’élaboration d’une convention qui est devenue bien plus longue et complexe qu’auparavant.
Ce sont désormais bien deux avocats qui doivent s’assurer de l’absence de pression de l’un des époux envers l’autre et du consentement éclairé et indépendant de chacun.
Une séparation n’est jamais anodine, il est impossible d’en prévoir l’évolution et même lorsque la situation paraît simple de prime abord (ex : pas d’enfants, pas de biens communs…), cela reste malgré tout un échec dans une tranche de vie, qui ne peut pas être pris à la légère.
Une première consultation me parait indispensable, elle pourra se dérouler de préférence en cabinet (ce qui peut prendre une heure, voir plus) ou par téléphone ou échanges de mails, avec un avocat qui pourra être l’interlocuteur de l’un des époux du début à la fin de la procédure et qui reprendra points par points chacun des éléments de la convention et se préoccupera de réunir l’ensemble des pièces.
Avec un processus entièrement dématérialisé, le rôle du 2° avocat, se limitera la plupart du temps à vérifier au cours d’un rendez-vous de quelques minutes, l’identité de l’autre époux, qu’il n’aura jamais rencontré avant la signature de la convention et dont il est fort à parier qu’elle ne lui aura même pas été communiquée au préalable.
De telles pratiques constituent un détournement de la loi d’autant plus aisé, qu’il n’est plus nécessaire d’appartenir au barreau du domicile de ses clients pour pouvoir les divorcer…
Quelles sont dans de telles conditions les garanties, qu’il n’y ait pas eu de pressions par l’un des conjoint pour obtenir de l’autre la signature d’une convention qui sera entérinée par un notaire peu regardant, lui aussi situé hors du lieu de résidence des époux qui ne l’auront jamais rencontré ?
Une fois divorcé, si les dispositions de la convention peuvent être revues en ce qui concerne les enfants, à moins d’une cause de nullité, il est peu probable de parvenir à remettre en cause le partage et encore moins une prestation compensatoire.
Je reste ainsi persuadée, qu’une telle procédure ne peut se faire à distance avec n’importe quel interlocuteur dont non seulement le client n’aura pu vérifier s’il est réellement avocat, mais qui ne sera jamais le même derrière un écran.
Même si le prix paraît attractif pour le client qui ne réfléchit pas aux prestations qu’il comporte, ce choix à partir de ce seul critère risque d’emporter des conséquences particulièrement lourdes pour l’avenir.
Le plus simple, pas plus cher et qui peut s’avérer encore plus rapide, consiste à déposer une requête en divorce classique et de signer un procès verbal d’acceptation du principe de la rupture du mariage (art 233 du code civil) lors de la conciliation, si les deux époux sont assistés d’un avocat, ou après au moment du dépôt de la demande qui pourra soumettre à l'homologation du juge des conventions réglant tout ou partie des conséquences du divorce.
Il est ainsi particulièrement dangereux d’assimiler la profession d’avocat à du commerce en ligne qui permet de retourner un article qui ne conviendrait pas ou de ne pas renouveler une mauvaise expérience auprès de la même société.
Une fois le divorce prononcé ou un jugement rendu, il est trop tard pour revenir en arrière (il ne suffit pas de se racheter une paire de chaussures ou de voyager avec une autre compagnie !).
Certes il reste l’appel et la cassation, mais lorsque la défense a été mal menée en première instance, le rattrapage est bien plus compliqué.
De plus si l’on considère qu’il suffit de remplir un formulaire pour entamer une procédure en ligne, comme par exemple devant un tribunal d’instance ou au conseil des prud’hommes, autant se passer d’un avocat, c’est gratuit sur de nombreux sites …
Il ne reste plus qu’à espérer que nous nous rappellerons à temps les raisons pour lesquelles nous avons choisit notre métier en prêtant serment « comme avocat, d’exercer mes fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité »
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