Un client, convoqué pour une simple audition libre suite à une dénonciation qu'il estime erronée, s'est vu prélever ses empreintes génétiques et photographier par les services de police.

Cette pratique, devenue courante, soulève des questions fondamentales sur la proportionnalité de ces mesures et les droits des personnes concernées.

Comment faire pour faire supprimer ces données? 

Le cadre légal du prélèvement génétique en audition libre

La possibilité de procéder à des prélèvements génétiques sur des personnes simplement entendues par les forces de l'ordre trouve son fondement dans la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, complétée par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

Ces textes ont considérablement élargi le champ d'application du Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques (FNAEG), créé initialement en 1998 pour les seules infractions sexuelles.

L'article 706-54 du Code de procédure pénale permet désormais le prélèvement biologique sur toute personne "à l'encontre de laquelle il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elle ait pu commettre" une infraction relevant du champ d'application du fichier.

Cette formulation particulièrement extensive autorise le prélèvement dès la simple audition, sans nécessiter de placement en garde à vue.

La jurisprudence de la Cour de cassation a précisé que le prélèvement peut intervenir même en l'absence de poursuites ultérieures, dès lors que les conditions légales sont réunies au moment de la mesure.

Cette interprétation extensive transforme de facto toute audition en occasion potentielle de fichage génétique.

Les conditions temporelles d'effacement

Le droit à l'effacement des données génétiques obéit à un régime juridique complexe, articulé autour de plusieurs échéances distinctes.

L'article 706-56 du Code de procédure pénale prévoit que les empreintes génétiques des personnes mises en cause peuvent être effacées du fichier dans plusieurs hypothèses.

Lorsqu'aucune poursuite n'est engagée dans un délai de trois ans à compter de l'inscription, la personne concernée peut solliciter l'effacement de ses données auprès du procureur de la République.

Cette faculté constitue un droit, non une obligation automatique du parquet.

En cas de refus, un recours devant le président du tribunal judiciaire demeure possible.

Si des poursuites ont été engagées mais se soldent par un non-lieu, une relaxe ou un acquittement définitifs, l'effacement peut être demandé immédiatement après que la décision soit devenue irrévocable.

Cette possibilité s'étend également aux cas d'extinction de l'action publique pour d'autres causes que la prescription.

Pour les condamnations définitives, les délais d'effacement varient selon la nature de l'infraction et la peine prononcée, pouvant s'étendre jusqu'à quarante ans pour les crimes les plus graves.

Ces durées, particulièrement longues, témoignent de la volonté du législateur de maintenir durablement les données à des fins d'enquête et de prévention.

La procédure d'effacement en pratique

La demande d'effacement des données génétiques suit une procédure administrative spécifique, codifiée par les articles R.40-31 et suivants du Code de procédure pénale.

Cette procédure, méconnue du grand public, nécessite un accompagnement juridique adapté.

La première étape consiste en l'adressage d'une requête écrite au procureur de la République du tribunal judiciaire compétent.

Cette compétence s'apprécie généralement au regard du lieu de l'infraction ayant motivé le fichage initial.

La demande doit être motivée et accompagnée des pièces justifiant la situation juridique invoquée.

Le procureur dispose d'un délai de quatre mois pour statuer sur la demande.

Son silence pendant ce délai vaut décision implicite de rejet, ouvrant la voie à un recours juridictionnel.

En pratique, les délais de réponse excèdent souvent la durée légale, témoignant de l'engorgement des parquets face à ces demandes.

En cas de refus explicite ou implicite du procureur, la personne concernée peut saisir le président du tribunal judiciaire par voie de requête.

Cette procédure, contradictoire, permet un réexamen approfondi de la demande. Le président statue par ordonnance, susceptible d'appel devant la cour d'appel.

L'analyse au regard du RGPD et de la proportionnalité

L'entrée en application du Règlement général sur la protection des données (RGPD) en mai 2018 a introduit de nouveaux standards de protection, particulièrement exigeants pour les données biométriques qualifiées de "sensibles".

L'article 9 du RGPD prohibe en principe le traitement de telles données, sauf exceptions strictement encadrées.

Le fichage génétique français trouve sa justification légale dans l'exception prévue pour les traitements "nécessaires à la constatation, à l'exercice ou à la défense d'un droit en justice" et ceux requis "pour des motifs d'intérêt public important".

Toutefois, le principe de proportionnalité impose que ces traitements soient strictement nécessaires et adaptés aux finalités poursuivies.

La position de la CNIL

La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a régulièrement exprimé ses préoccupations concernant l'extension du fichage génétique.

Dans ses rapports d'activité successifs, elle souligne les risques d'une approche trop extensive du prélèvement et du fichage.

La CNIL insiste particulièrement sur la nécessité de respecter le principe de finalité, rappelant que les données génétiques ne peuvent être utilisées qu'aux fins pour lesquelles elles ont été collectées.

Elle préconise également une application stricte des conditions de prélèvement, en particulier l'exigence d'indices graves ou concordants.

Concernant l'effacement, la CNIL recommande une approche plus automatisée et moins dépendante de l'initiative des personnes concernées.

Elle plaide pour des mécanismes de purge automatique du fichier, particulièrement en cas de classement sans suite ou d'issue favorable aux personnes mises en cause.

La Commission souligne enfin l'importance de l'information des personnes concernées sur leurs droits, déplorant le déficit de communication sur les procédures d'effacement disponibles.

Cette lacune informationnelle constitue un obstacle majeur à l'exercice effectif des droits reconnus par la loi.

Stratégie procédurale et recommandations

Pour le cabinet Zakine, la défense des intérêts de son client nécessite une approche méthodique et anticipée.

La première démarche consiste en la constitution d'un dossier documentaire complet, incluant les pièces relatives à la procédure initiale et à son dénouement.

L'absence de fondement factuel de la dénonciation initiale constitue un élément central, remettant en cause la réalité des "indices graves ou concordants" ayant justifié le prélèvement.

La dimension temporelle revêt également une importance cruciale.

Si le délai de trois ans est écoulé sans poursuite, la demande d'effacement s'impose avec une force juridique renforcée.

L'invocation des standards européens de protection des données personnelles offre un levier juridique supplémentaire.

La référence à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et aux exigences du RGPD permet d'inscrire la demande dans une perspective plus large de protection des libertés individuelles.

L'analyse de proportionnalité doit également tenir compte de l'ampleur du fichage. Avec plus de quatre millions de profils génétiques enregistrés, le FNAEG français figure parmi les plus volumineux d'Europe.

Cette massification du fichage questionne la réalité du caractère exceptionnel initialement revendiqué pour justifier ces atteintes aux libertés individuelles.

L'évolution du cadre européen de protection des données personnelles ouvre néanmoins des perspectives nouvelles pour une approche plus équilibrée du fichage génétique.

L'enjeu réside désormais dans l'appropriation de ces nouveaux standards par les juridictions françaises et dans leur traduction concrète en termes de protection des libertés individuelles.

La procédure d'effacement, bien qu'existante, demeure largement méconnue et d'application restrictive.

Cette situation appelle une vigilance particulière des praticiens du droit, seuls à même d'assurer l'effectivité des droits reconnus par le législateur.

Pour le client de Me Zakine, la stratégie procédurale devra s'adapter aux spécificités de son dossier, en privilégiant les arguments les plus susceptibles d'emporter la conviction des autorités compétentes.

Cette approche individualisée, nourrie d'une connaissance approfondie du droit applicable, constitue la clé d'une défense efficace des intérêts en présence.

Je vous invite à consulter mon site qui traite uniquement de la suppression des données personnelles dans une société où la protection de la vue privée semble être une préoccupation majeure