En matière de concurrence déloyale, les entreprises victimes peinent régulièrement, une fois la faute de leur concurrent démontrée, à chiffrer leur préjudice.
En 2020, les juges sont venus faciliter ce travail aux victimes d’un certain type de concurrence déloyale : les pratiques commerciales trompeuses.
La concurrence déloyale regroupe en effet une multitude de comportements : débauchage, désorganisation d’un concurrent, parasitisme, dénigrement… mais également pratiques commerciales trompeuses.
Ce type de pratique consiste à diffuser des informations fausses ou de nature à induire en erreur de façon à attirer, de façon illégitime, la clientèle.
Pour être qualifiées de trompeuses, ces informations doivent porter sur les caractéristiques essentielles des biens ou services proposés et doivent altérer substantiellement le comportement économique de la clientèle visée, c’est-à-dire la pousser à acheter un produit ou à souscrire à un service plutôt qu’à un autre.
Dans une décision du 12 février 2020, la Cour de cassation relève que, contrairement à d’autres actes de concurrence déloyale qui visent spécifiquement un concurrent (débauchage, détournement de clientèle, dénigrement…), les pratiques commerciales trompeuses visent la clientèle en général, et permettent à leur auteur de s’épargner une dépense.
Elle en conclut que le préjudice pour le concurrent victime de telles pratiques peut être égal au montant de l’économie réalisée.
Il s’agit là d’un changement important, puisque la victime n’a plus à identifier un préjudice dans ses propres comptes, par exemple en démontrant une baisse de chiffre d’affaires depuis le début de la pratique commerciale trompeuse.
L’affaire en cause permet d’illustrer très concrètement le mode de calcul du préjudice qui en découle.
Le litige concernait l’utilisation de la mention « Made in France » par une société qui importait en réalité ses produits. Cette société affirmait en outre vendre du cristal, alors que ses produits étaient, en grande partie, en verre, cristallin ou luxion.
L’ensemble des juges saisis du dossier ont considéré qu’il s’agissait bien d’une pratique commerciale trompeuse.
Restait à chiffrer le préjudice en découlant pour le concurrent ayant agi en concurrence déloyale.
Pour cela, les juges ont d’abord identifié l’avantage indu, à savoir un nombre de tailleurs inférieur, source d’économie pour l’auteur de pratique commerciale trompeuse. Ce coût représentait en effet seulement 10% de son chiffre d’affaires, contre 25% pour l’auteur du recours.
La différence de coût, ramenée au chiffre d’affaires, était donc de 15%.
Les juges ont appliqué cette différence au chiffre d’affaires de l’auteur du recours (2 millions d’euros) pour en déduire un préjudice de 300.000€.
Ce calcul a le mérite de la simplicité. Il évite surtout aux victimes de ce type de concurrence déloyale le lourd (et parois impossible) travail d’identification, parmi de nombreuses autres variables, de l’impact spécifique de cette déloyauté sur leurs propres chiffres.
Assurées que leur préjudice sera reconnu en justice, les entreprises peuvent désormais plus efficacement se tourner vers leurs concurrents pour demander la cessation de pratiques commerciales trompeuses.
A défaut, il est certain que les juges sont désormais mieux armés pour les sanctionner, et que le risque contentieux lié à de telles pratiques doit être réévalué.
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