Afin de limiter la propagation du coronavirus (ou Covid 19), le gouvernement a instauré un confinement total de l’ensemble de la population. Cette période exceptionnelle a contraint des milliers d’entreprises à fermer. De fait, les salariés subissent cette baisse d’activité. Cette situation a donc un impact sur la trésorerie des entreprises mais également sur les ménages français.

Il est donc aisé d’essayer de limiter ses charges courantes afin d’éviter d’éventuels incidents de paiement.

Ainsi, nous avons été interrogés sur la possibilité de reporter les loyers des contrats de LOA (Location avec Option d’Achat) ou LDD (Location Longue Durée).

Ces contrats lient un crédit-bailleur, qui est le propriétaire du véhicule, et un client qu’il soit professionnel ou particulier, qui loue le véhicule et verse mensuellement une échéance.

Le contrat est la loi des parties et doit être exécuté. A défaut, vous pourriez être considéré comme responsable d’une inexécution contractuelle pouvant avoir des conséquences sur la poursuite de ce contrat (article 1217 du Code civil).

Néanmoins, l’article 1218 du Code civil, en vigueur depuis le 1er octobre 2016, admet l’empêchement temporaire ou définitif du débiteur dans l’exécution du contrat en cas de force majeure limitant la responsabilité de ce dernier. Il évitera ainsi de régler les éventuelles pénalités de retard ou d’indemniser son cocontractant du préjudice subi du fait de son inexécution. 

Cette force majeure est caractérisée « lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur. »

 

Les critères de cette force majeure sont-ils réunis en période de pandémie ?

 

Oui, si la situation relève : 

  • De première part, d’un événement échappant au contrôle du débiteur :

Cette condition est remplie dans la mesure où la propagation de ce virus était irrésistible et hors de contrôle des cocontractants contrairement à la grippe H1N1 par exemple.

 

  • De deuxième part, d’un événement imprévisible au moment de la formation du contrat :

Cette condition est remplie si le contrat a été conclu avant l’apparition de l’épidémie et de l’information des cocontractants.

Si le contrat a été conclu après l’apparition de ce virus ou pire après l’annonce de l’état sanitaire d’urgence, cette condition d’imprévisibilité ne sera sans doute pas remplie.

 

  • De troisième part, les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées :

Si le débiteur est malade du coronavirus l’empêchant d’exécuter son contrat, une telle condition sera remplie.

Il en sera de même si l’empêchement est dû une décision d’une autorité administrative (mesures de confinement obligatoire des personnes et des marchandises, arrêté annulant un événement etc.).

En réalité, il faut être empêché d’exercer son activité (absence de télétravail possible par exemple).

Les entreprises des « secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique et sociale », comme annoncé dans la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, pourraient ne pas remplir cette condition dans la mesure où elles peuvent continuer à exercer leur activité.

Si elles rencontrent par exemple une baisse d’activité majeure ou des problèmes d’approvisionnement ne leur permettant pas d’exécuter leur contrat, cette condition sera appréciée souverainement par les juridictions.

 

  • De quatrième part, d’une impossibilité d’exécution :

En matière de crédit-bail, cette condition sera difficilement remplie.

En effet, la jurisprudence estime que « le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent inexécutée ne peut s’exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure » (Com, 16 septembre 2014, n° 13-20306).

Ainsi, cette inexécution ne doit pas être liée uniquement à des problèmes financiers.

L’hospitalisation du débiteur ou un problème informatique persistant pourraient éventuellement permettre de remplir cette condition.

 

Si vous répondez à l’ensemble de ces conditions, vous pourrez faire valoir la force majeure auprès du crédit bailleur.

L’état d’urgence sanitaire n’étant que temporaire, le contrat sera uniquement suspendu et reprendra son cours normal dès son achèvement.

En l’espèce, le client devra régler les échéances impayées après la levée des mesures gouvernementales.

Au contraire, si les conditions de la force majeure ne sont pas réunies, il peut être envisagé de solliciter une renégociation du contrat sur le fondement de l’imprévision (article 1195 du Code civil) sous réserve que son application ne soit pas exclue par le contrat.

En ce sens, il est nécessaire de vérifier les clauses contractuelles qui peuvent définir les cas de force majeure applicables ou exclure tout cas de force majeure. Dans cette hypothèse, le crédit-bail étant un contrat d’adhésion, il pourrait être envisagé de contester l’application de cette clause sur le fondement des dispositions de lutte contre les clauses abusives protégeant les consommateurs.

Quoi qu’il en soit, il convient de se rapprocher de son crédit-bailleur pour envisager un report des échéances après la levée de l’état d’urgence sanitaire.

En réalité, l’essentiel est d’éviter tout incident de paiement, qui générerait des pénalités de retard ou frais d’inexécution, et toute résolution du contrat. 

De ce fait, sans accord avec le bailleur, je vous déconseille de cesser le règlement des loyers ou de faire opposition au prélèvement automatique.

En l’absence d’accord avec votre crédit-bailleur et selon vos difficultés, il peut être envisagé de saisir le tribunal d’une demande de délais de paiement.

Enfin, le confinement pose également la question de la restitution ou la livraison d’un véhicule dans le cadre des contrats de LOA ou LLD.

Par exemple, la société DIAC, la société financière de RENAULT, prolonge la durée des contrats de location de 90 jours (renouvelable une fois si besoin) et ce, pour les contrats arrivant à échéance entre le 15 mars et le 30 juin 2020. Les loyers seront inchangés. Le prix de rachat sera réévalué à la fin du contrat. Les autres constructeurs devraient se prononcer prochainement sur cette question.

A nouveau, il convient de se rapprocher de votre crédit-bailleur pour discuter de cette situation, idéalement par email ce qui permet de garder une preuve écrite de vos échanges.

Je reste à votre disposition pour répondre à toute question complémentaire ou pour analyser votre contrat et vous souhaite bon courage pour faire face à cette crise sanitaire et économique exceptionnelle.

 

Charlotte MAZY - Avocat