Dès le début des mesures, un vent de solidarité a soufflé sur les peuples confinés, les menant à leurs fenêtres pour applaudir chaque soir le personnel soignant.

L’homme étant ce qu’il est, certaines exceptions dans cet élan de générosité sont vite apparues et certains, poussés par la peur, la bêtise, ou un habile mélange des deux, ont fait montre d’une certaine médiocrité en enjoignant leurs voisins médecins ou infirmiers à déménager.

Que le ton soit doucereux, maquillé, menaçant ou franchement violent, ces malheureuses initiatives ont créé un vif émoi chez la majorité d’entre nous.

Rapidement, la gendarmerie nationale appelait à dénoncer ces agissements et ces messages généralement affichés dans des hall d’immeubles ou accrochés aux pare-brises des voitures.  

Mais que peut exactement le droit pénal contre la bêtise – ou la faiblesse – humaine ?

Plusieurs infractions sont à envisager pour les victimes de ces voisins malveillants, tant pour voir punir ces comportements que pour obtenir réparation de leur préjudice moral :

 

1. Le harcèlement moral

L’article 222-33-2-2 du code pénal punit « le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale ».

Il faudra donc prouver un comportement ou des propos, qui pourront être caractérisés par les messages adressés par des voisins.

La répétition de ce genre de messages – ce à quoi l’on pourrait ajouter un éventuel comportement hostile des voisins avec le destinataire des messages ou sa famille – pourra donc constituer un harcèlement moral.

Ainsi, plusieurs messages du type « Merci de déménager » ou culpabilisateurs comme « Vous nous mettez en danger », accompagnés de regards appuyés hostiles pourront s’interprêter comme du harcèlement.

L’on précisera que la simple dégradation de la santé physique ou mentale de la victime suffira à qualifier l’infraction sans qu’il soit besoin qu’une incapacité totale de travail ait été prononcée.

Le ou les auteurs s’exposeront le cas échéant à une peine d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende, cette peine étant doublée dans le cas d’une incapacité totale de travail de plus de huit jours. 

 

2. Les violences psychologiques

L’article 222-14-3 du code pénal prévoit que les violences psychologiques seront punies de la même manière que les autres violences volontaires – c’est-à-dire celles résultant d’un acte positif de violence.

Autrement dit, même un propos, un geste ou un écrit pourra être qualifié de violences et sera puni en fonction du préjudice subi par la victime.

Un tel comportement pourrait être constitué par un message d’un voisin demandant à quelqu’un de quitter son domicile par peur d’une contamination, s’il en émane une violence particulière.

Ce serait le cas par exemple avec des messages tels que « Dégagez, vous allez tous nous contaminer », mettant ainsi la victime à une place injustifiée de bourreau.

Dès lors, si ce comportement entraîne un préjudice pour la personne à qui il s’adresse, son auteur s’expose à des peines allant d’une amende de 750 euros et 75 000 euros et 5 ans d’emprisonnement.

 

3. Les injures

L’on pourrait également, selon le contenu du message ou des propos, songer à l’infraction d’injure privée.

L’injure est définie à l’article 29, alinéa 2nd de la loi du 29 juillet 1881 comme « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait ».

Sur le caractère injurieux du message il suffira donc de démontrer en quoi il est outrageant, c’est-à-dire qu’il porte atteinte à l’honneur à la dignité de la personne.   

Des messages fleuris comme « sale égoïste, tu nous mets tous en danger » ou « dégage de là, sale c***», probable illustration de l’inquiétude des auteurs, seront constitutifs d’une injure privée.

L’auteur de cette infraction s’expose à une amende prévue pour les contraventions de 1ère classe, soit 38 euros.

 

4. Les menaces

L'on songera ici plus précisément à la menace avec ordre prévue par l’article 222-18 du code pénal.

En vertu de ce texte, l’infraction est constituée dès lors qu’existe une menace, par quelque moyen que ce soit, de commettre un crime ou un délit contre les personnes avec ordre de remplir une condition.

Une telle menace n’a pas besoin d’être réitérée ou matérialisée pour être constituée.

L’ordre de remplir une condition peut être caractérisé par le fait de demander à ses voisins de déménager, de ne plus se déplacer, ne plus aller travailler, etc.

Mais encore faut-il qu’il existe une menace explicite de commettre un délit contre les personnes, comme par exemple des violences physiques ou psychiques.

Ce serait le cas si le message menaçait de s’en prendre à son destinataire ou sa famille, et l'on serait alors dans une situation particulièrement violente.

L’auteur de la menace s’expose alors à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, cette peine étant portée à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende s’il s’agit d’une menace de mort.

 

Face à de tels comportements, des poursuites ont déjà été engagées et il convient de rappeler aux victimes qu’elles sont en droit de demander réparation de leur préjudice.

Reste à espérer que les tribunaux privilégieront les travaux d’intérêt général, mêlant ainsi l’utilité à l’efficacité de la peine.