EN DROIT

Selon l'article 459-2 du code civil, la personne protégée entretient librement des relations personnelles avec tout tiers, parent ou non. Elle a le droit d'être visitée et, le cas échéant, hébergée par ceux-ci. En cas de difficulté, le juge statue.

Aux termes de l'article 415, alinéa 3, du code civil, la mesure de protection a pour finalité l'intérêt de la personne protégée.

Aux termes de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

  • Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance,
  • Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

Ce droit personnel est octroyé au seul bénéfice de la personne protégée en fonction de son bien-être, de la sérénité qui doit être assurée dans son lieu de vie et des contraintes liées à son état de santé.

La jurisprudence considère qu’en matière de relations personnelles, le juge ne doit pas définir l’intérêt du majeur protégé sans être attentif ses besoins. Il convient de privilégier le sur-mesure et, donc, de mettre en œuvre la hiérarchie instaurée par la loi (donnant la priorité familiale) en privilégiant toujours l'intérêt de la personne protégée.

L'intérêt du majeur demeure le critère essentiel de sa protection.

C'EST POURQUOI

La  Cour de cassation a rendu la décision suivante :

"L'arrêt relève que le rapport d'expertise médicale du 21 septembre 2017 a confirmé, après examen des nombreux certificats communiqués par M. R... et consultation des divers praticiens intervenant auprès de Mme R..., les troubles graves de la personnalité et du comportement dont celle-ci souffre, en rapport avec une structure psychotique de type schizophrénique, et a précisé qu'elle n'était pas à même d'exprimer sa volonté de manière cohérente et adaptée.

Il constate que la requête du tuteur tendant à la suppression de toutes les visites de M. R... à sa soeur était accompagnée d'un certificat médical du 27 avril 2018, précisant que la nouvelle hospitalisation de la majeure protégée en service de psychiatrie résultait de l'impossibilité, pour la maison de retraite dans laquelle elle résidait, de gérer les intrusions multiples de M. R..., et que les contacts de Mme R... avec son frère étaient des facteurs majeurs de déstabilisation psychique. Il ajoute qu'il était préconisé, par l'ensemble du service de psychiatrie, l'interdiction de toute visite et ce, quel que soit le lieu de vie institutionnel de Mme R....

Il énonce qu'était également joint à la requête la lettre du chef de pôle du centre hospitalier à M. R..., datée du 6 avril 2018, lui indiquant que, dans l'intérêt de sa soeur, les visites n'étaient pas autorisées.

Il constate que la posture de M. R..., qui persiste à se présenter comme le seul compétent pour déterminer l'intérêt de sa soeur, au risque de parasiter sa prise en charge, ne cesse de s'illustrer, au sein des divers lieux de vie et dans les salles d'audience, et que celui-ci n'entend pas le message des professionnels, alors même que l'ordonnance de référé du 28 septembre 2018, rendue à l'occasion de la demande de suspension de l'exécution provisoire, avait suggéré une meilleure acceptation de sa part du projet mis en place pour sa soeur avant d'envisager un rétablissement des visites.

Il relève encore que l'irrespect par M. R... du déroulement de l'audience, au point de motiver son invitation à quitter la salle, ne permet pas d'augurer positivement d'une évolution, et que la virulence de ses propos, voire la violence, le recours à certains stratagèmes, comme illustré dans les diverses plaintes déposées par le tuteur professionnel, légitiment l'interdiction des visites, seule de nature à permettre le retour d'une certaine sérénité autour de Mme R....

Il observe enfin que cette sérénité est bénéfique à la majeure protégée, qui n'a plus été hospitalisée en psychiatrie depuis la décision d'interdiction, sans que les attestations versées par M. R... ne suffisent à contredire cette réalité médicale.

Par ces motifs, qui font ressortir la nécessité d'une rupture totale du lien familial, dans l'attente d'une évolution du comportement de M. R..., et l'impossibilité d'un encadrement des visites ou de contacts téléphoniques, la cour d'appel (...) a statué dans l'intérêt de la majeure protégée, souverainement apprécié, justifiant légalement sa décision au regard des textes susvisés".
 


Claudia CANINI

Avocat à la Cour - Droit des majeurs protégés

www.canini-avocat.com