Au moment de la séparation du couple marié, un enjeu peut devenir crucial, en particulier dans les grandes villes où il devient de plus en plus difficile de se loger : le sort du domicile conjugal.

 

Nous examinerons dans cet article l'hypothèse hautement contentieuse où aucun accord n'a pu être trouvé entre les époux, et où, malgré une décision du juge, l'époux ou l'épouse qui n'a pas obtenu la jouissance du domicile décide de se maintenir dans les lieux.

 

Rappel :

 

Lors d'un divorce, il est possible de solliciter dès la première audience dite d'orientation que soit décidé du sort du domicile conjugal.

 

Dans le cas qui nous intéresse, le juge peut décider au titre des mesures provisoires d'attribuer la jouissance du domicile conjugal à l'un ou l'autre des époux et (usuellement moyennant un délai) prévoir le départ de l'autre époux à défaut de quoi il pourra être expulsé du domicile conjugal. (Article 255-4° du Code civil).

 

Comme souvent, si le principe et le texte sont clairs et simples, la mise en œuvre s'avère plus complexe.

Concrètement que faire lorsque malgré la décision du juge, votre conjoint(e) vous impose une cohabitation forcée ?

 

Dès réception de l'ordonnance sur mesure provisoire, il faut saisir directement ou par le biais de son avocat un commissaire de justice (nouvelle appellation des "huissiers de justice").

 

Il devra en premier lieu signifier la décision, c'est-à-dire la notifier au conjoint récalcitrant selon les termes du code de procédure civile puis, attendre que les délais soient écoulés (délai accordé par le juge dans l'ordonnance pour quitter les lieux et/ou délais légaux).

 

Parmi les délais légaux on retrouve, le délai de deux mois à compter de la délivrance du commandement de quitter les lieux et la trêve hivernale.

 

La trêve hivernale s'applique-t-elle à l'expulsion du domicile conjugal du conjoint(e) décidé par le Juge aux Affaires Familiales ?

 

OUI !

 

Pourquoi est-ce que je trouve des informations qui m'indiquent que le bénéfice de la trêve hivernale ne s'applique pas à l'expulsion du conjoint(e) ?

 

Une confusion existe actuellement du fait d'une réponse ministérielle datée du 23 juin 2020 et qui affirme que "par dérogation aux dispositions de droit commun de la procédure d'expulsion, elle peut avoir lieu pendant la trêve hivernale et sans qu'il soit nécessaire d'attendre l'écoulement d'un délai de deux mois à compter de la délivrance du commandement de quitter les lieux (article L. 412-8 du code des procédures civiles d'exécution)"

 

Cette affirmation est fausse !

 

En effet l'article L. 412-8 du code de procédure civile d'exécution[1]  cité par cette réponse ne vise que le conjoint (ou d'ailleurs le concubin ou le partenaire de PACS) violent, dont l'expulsion a été prévue par le juge dans le cadre précis de l'article 515-9 du code civil.

 

La réponse ministérielle a fait une application erronée du texte qu'elle ne peut elle-même pas remettre en cause, puisque, pour rappel, les réponses ministérielles n'ont pas en soi de valeur dans notre ordre juridique.

 

En effet, si elle peut orienter la mise en œuvre de certains textes ou pratiques en apportant un éclairage à sa compréhension, elle ne pourra, en aucun cas, être un fondement suffisant pour aller à l'encontre d'une loi et plus particulièrement d'un texte aussi précis que l'article L 412-8 du code de procédure civile d'exécution.

 

 

En clair, sauf dans le cas très spécifique visé par cet article, (c'est-à-dire le conjoint violent dont l'expulsion a été ordonné par le juge sur le fondement de l'article 515-9 du code civil), la trêve hivernale a vocation à s'appliquer aux décisions d'expulsion prises par le Juge aux Affaires Familiales dans le cadre d'un divorce.

 


[1] Article L412-8 du CPCE : " Les articles L. 412-1 à L. 412-7 ne sont pas applicables à l'expulsion du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin violent ordonnée par le juge aux affaires familiales sur le fondement de l'article 515-9 du code civil. "