QUI HERITE DE QUOI ?

Globalement, on peut répondre que les héritiers d'une personne décédée sont : son conjoint survivant, ses enfants et descendants (petits enfants ...), ses père et mère, ses frères et soeurs et leurs descendants (neveux et nièces ...), ses ascendants (grands-pères, grands-mères ...) et enfin ses autres collatéraux (oncles, tantes, cousins germains ... et autres parents jusqu'au 6e degré).

Toute la difficulté est de combiner les parts revenants à ces différents héritiers en fonction des différentes situations et c'est là où la question se complique ...

Plutôt que de faire un rappel théorique des règles de droit applicables en la matière, je vais essayer d'être concret en imaginant les différentes situations et de répondre ainsi au cas par cas.

D'abord, une précision importante : la dévolution successorale est celle qui s'applique par défaut, c'est-à-dire lorsque le défunt n'a pas établi de testament.

Deuxième précision : dans ma présentation, je réunis volontairement "enfants et descendants (petits enfants ...)" et "frères et soeurs et leurs descendants (neveux et nièces ...)" car, pour ces 2 catégories d'héritiers (et pour eux seuls), il existe un principe dit de "représentation", qui a pour conséquence de permettre qu'en cas de prédécès de l'un de ces héritiers, ses propres enfants (ou petits enfants, etc. ...) viennent à la succession à la place de l'héritier prédécédé et en se partageant entre eux la part de ce dernier. Par exemple, le défunt a eu 3 enfants, dont l'un est décédé avant lui en laissant lui-même 5 enfants. Les 5 petits enfants viendront à la succession de leur grand-père en "représentation" de leur père décédé et seront donc cohéritiers avec leurs oncle et tante. Toutefois, la succession ne sera pas divisée en 7 parts égales. Les 2 enfants du défunt auront chacun 1/3 de la succession et les 5 petits enfants se partageront le 1/3 de leur père, soit 1/3 x 1/5 = 1/15e chacun de la succession.

 

Situation 1 : conjoint survivant + enfants communs du couple

Le conjoint survivant (CS) non divorcé (attention ! pas le concubin, ni le partenaire de PACS ... sauf s'il existe un testament) peut choisir entre : usufruit de la totalité OU pleine propriété d'1/4.

Les enfants (et éventuellement les autres descendants, venant par "représentation" d'un enfant prédécédé) se partagent le reste, c'est-à-dire soit la nue-propriété de la totalité de la succession du défunt, soit la pleine propriété des 3/4 (selon le choix qu'aura fait le conjoint survivant).

Explication : on considère que la pleine propriété d'un bien (par ex. un appartement) implique 3 prérogatives, à savoir le droit d'utiliser le bien (habiter dans l'appartement), le droit d'en percevoir les fruits (louer l'appartement et percevoir les loyers) et le droit d'en disposer (vendre l'appartement, ou casser un mur pour réunir 2 pièces, ou boucher une fenêtre, ou changer l'installation de chauffage, etc .). Lorsque la pleine propriété est divisée entre un usufruitier et un nu-propriétaire, l'usufruitier peut utiliser le bien à titre personnel ou en percevoir les fruits (loyers), mais ne peut pas en disposer. Quant au nu-propriétaire, il ne peut pas utiliser le bien, ni en percevoir les fruits, uniquement en disposer ...  et encore à la condition de ne pas nuire aux droits de l'usufruitier (donc, concrètement, il ne peut pas faire grand chose du bien tant que l'usufuitier en a l'usufruit ; par ex. s'il fait des travaux qui modifient la configuration de l'appartement, il porte atteinte aux droits de l'usufruitier, de sorte qu'il ne pourrait le faire qu'avec l'accord de l'usufruitier ...). En fait, le nu-propriétaire pourra lui-même utiliser, louer, vendre ou faire ce qu'il veut du bien uniquement lorsque l'usufruit aura cessé (à la mort de l'usufruitier, en général). Enfin, il faut ajouter qu'il n'y a pas d'indivision entre l'usufruitier et le(s) nu(s)-propriétaires(s) car ils ont des droits de nature différente, de sorte qu'un partage ne peut pas être imposé par les nus-propriétaires à l'usufruitier (qui est ainsi garanti de pouvoir rester dans l'appartement ou de continuer à percevoir les loyers jusqu'à sa propre mort).

Un testament ou une "donation au dernier vivant" permet en outre d'améliorer le sort du conjoint survivant en lui permettant de ne pas choisir entre l'usufruit ou la propriété d'1/4, mais de cumuler : la pleine propriété d'1/4 (voire 1/2 si 1 seul enfant ou 1/3 si 2 enfants) + l'usufruit du reste.

En résumé :

option 1     CS = 100 % en usufruit
                  ENF = 100 % en nue-propriété                                         au choix du CS

option 2     CS = 1/4 en pleine propriété
                  ENF = 3/4 en pleine propriété
                                          au choix du CS

hyp. 3        CS = 1/4 (ou 1/2 ou 1/3) en pleine propriété
                            + 3/4 (ou 1/2 ou 2/3) en usufruit                           
si donation au dernier vivant                   ENF = 3/4 (ou 1/2 ou 2/3) en nue-propriété                    

 

 

Situation 2 : conjoint survivant + enfants dont l'un au moins n'est pas un enfant commun

Dans ce cas, le conjoint survivant (CS) non divorcé (mais pas le concubin ou le partenaire de PACS) reçoit uniquement 1/4 en pleine propriété. Il ne peut pas choisir de recevoir l'usufruit.

Les enfants (et éventuellement les autres descendants, venant par "représentation" d'un enfant prédécédé) reçoivent dont les 3/4 en pleine propriété.

Dans cette situation, le conjoint est moins bien protégé puisque ses droits sont obligatoirement en pleine propriété, de sorte qu'il est en indivision avec les enfants. Il peut donc être contraint de subir un partage et, s'il n'a pas les moyens de payer la part des enfants, de voir vendre les biens. Par exemple, si le couple est propriétaire d'une maison appartenant à la communauté (acheté pendant le mariage) et si Monsieur décède, Madame est propriétaire de sa moitié de communauté et hérite d'1/4 de la moitié appartenant à son défunt mari, les enfants se partagent le reste (soit les 3/4 de la 1/2 de la maison). Madame est alors "majoritaire" en termes de parts sur la maison, mais elle ne pourra pas s'opposer à une demande de partage provenant de l'un ou l'autre des enfants (même si ses droits sont très minoritaires) et si elle n'a pas les moyens de racheter la part des enfants, il faudra vendre ... S'il s'agit de sa maison (ou de son appartement) d'habitation, elle est tout de même protégée grâce à un droit temporaire et un droit viager au logement (articles 763 et 765 du Code civil), qui lui permettront de rester dans les lieux jusqu'à la fin de sa vie. Mais s'agissant des autres biens, tels qu'une maison ou un appartement locatif, ou bien la voiture, ou encore un fonds de commerce (entreprise), ou des placements financiers, etc., elle ne pourra pas s'opposer au partage.

Il reste toutefois possible aux époux, dans cette hypothèse, de se protéger par une "donation au dernier vivant" par laquelle le conjoint survivant pourra choisir entre : soit la quotité disponible (1/2, 1/3 ou 1/4 selon le nombre d'enfants) en pleine propriété, soit 1/4 en pleine propriété et 3/4 en usufruit, soit tout en usufruit.

En résumé :

hyp. 1        CS = 1/4 en pleine propriété
                  ENF = 3/4 en pleine propriété                                                      aucun choix

option 2     CS = quotité dispo. (1/2 ou 1/3 ou 1/4) en pleine propriété       si donation
                  ENF = réserve (1/2, 2/3 ou 3/4) en pleine propriété                  au dernier vivant                                                                                                                           + choix du CS

option 3     CS = 1/4 en pleine propriété et 3/4 en usufruit                           si donation
                  ENF = 3/4 en nue-propriété
                                                        au dernier vivant                                                                                                                          + choix du CS

option 4     CS = 100 % en usufruit                                                                 si donation
                  ENF = 100 % en nue-propriété
                                                   au dernier vivant                                                                                                                          + choix du CS

 

 

Situation 3 : conjoint survivant (pas d'enfant) + père et/ou mère du défunt

Si le défunt n'a pas (ou plus) d'enfant, ni de descendant, mais il a un conjoint survivant et ses 2 parents, le conjoint hérite de la 1/2 en pleine propriété, le père d'1/4 et la mère d'1/4 en pleine propriété.

Si le défunt n'a pas (ou plus) d'enfant, ni de descendant, mais il a un conjoint survivant et un seul de ses parents (père ou mère), le conjoint hérite des 3/4 en pleine propriété et le parent d'1/4 en pleine propriété.

En cas de donation au dernier vivant, le conjoint survivant dispose du même choix que dans la situation 2, c'est-à-dire soit la quotité disponible en pleine propriété, soit 1/4 en pleine propriété et 3/4 en usufruit, soit tout en usufruit. Mais la particularité de la situation 3 est que les père et mère ne sont pas des héritiers réservataires, de sorte que la quotité disponible au profit du conjoint survivant est de 100 %. Le conjoint survivant, dans ce cas, peut donc choisir entre : tout en pleine propriété, tout en usufruit ou 1/4 en pleine propriété et 3/4 en usufruit.

En résumé :

hyp. 1        CS = 1/2 en pleine propriété
                  Père = 1/4 en pleine propriété
                                           aucun choix
                  Mère = 1/4 en pleine propriété     

hyp. 2        CS = 3/4 en pleine propriété
                  Père = 1/4 en pleine propriété
                                           aucun choix
                  Mère prédécédée           

hyp. 3       CS = 3/4 en pleine propriété
                
Père prédécédé                                                                     aucun choix
                 Mère = 1/4 en pleine propriété           

option 4     CS = 100 % en pleine propriété                             si donation au dernier vivant
                  Père et mère = rien
                                                            + choix du CS

option 5     CS = tout en usufruit                                              si donation au dernier vivant
                  Père et mère = 100 % en nue-propriété
                           + choix du CS

option 6     CS = 1/4 en pleine propriété + 3/4 en usufruit     si donation au dernier vivant
                  Père et mère = 3/4 en nue-propriété
                                + choix du CS

 

 

Situation 4 : conjoint survivant (pas d'enfant, pas de père et mère) + grands parents, frères, soeurs du défunt, oncles, tantes, cousins, etc.

Depuis la loi du 3 décembre 2001, le conjoint survivant prime tous les autres héritiers (grands parents, frères, soeurs, oncles, tantes, cousins, etc.) et reçoit, dans ce cas, la totalité de la succession du défunt.

Une seule exception a été prévue par la loi : le "droit de retour", à hauteur de 1/2, au profit des frères et soeurs (ou de leurs descendants en cas de prédécès) sur les biens que le défunt avait reçu par donation ou par succession de leurs parents communs.

En résumé :

hyp. 1       CS = 100 % en pleine propriété
                 Frères et sœurs = rien                                                                aucun choix
                 Grands parents, oncles, tantes et cousins = rien                      

hyp. 2       CS = 100 % en pleine propriété, sauf 1/2 des biens
                 faisant l'objet du droit de retour des frères et sœurs
                 Frères et sœurs = droit de retour de la 1/2 des biens            
aucun choix
                 donnés ou transmis par succession par leur père et mère au défunt
                 Grands parents, oncles, tantes et cousins = rien                                               

 

 

Situation 5 : enfants et descendants (pas de conjoint) +  autres parents (père, mère, frères, soeurs, etc.)

Si le défunt ne laisse pas de conjoint survivant (peu importe qu'il laisse un concubin ou un partenaire de PACS, sauf s'il a fait un testament en leur faveur), les enfants et descendants (ENF) sont les seuls héritiers.

La règle de la représentation s'applique, de sorte que si un enfant est décédé avant le défunt en laissant lui-même des enfants (ou autres descendants), ces derniers viennent à la succession en se partageant la part de l'enfant prédécédé.

En résumé :

hyp. 1       ENF = 100 % en pleine propriété, à se partager                          aucun choix
                 Père, mère, frères, soeurs, oncles, tantes, cousins  = rien

 

 

Situation 6 : père et/ou mère (pas de conjoint, pas de descendant), frères et soeurs + autres parents (grands parents, oncles, tantes, cousins ...)

Si le défunt laisse son père, sa mère et des frères et soeurs (ou neveux et nièces, par représentation), le père reçoit 1/4 en pleine propriété, la mère 1/4 en pleine propriété et les frères et soeurs se partagent la 1/2. Si le père ou la mère est décédé(e), sa part (son 1/4) revient aux frères et soeurs (3/4).

Evidemment, si le défunt n'a plus son père et sa mère, les frères et soeurs se partagent la totalité (les frères et soeurs, neveux et nièces priment sur d'éventuels grands-pères ou grands-mères qui auraient survécu au père et mère du défunt).

En revanche, si le défunt n'a pas (ou plus) de frères et soeurs (ni neveux et nièces ...) et s'il a perdu l'un de ses parents (père ou mère), mais a encore un ou des ascendants (grands parents) dans l'autre branche, alors le père ou la mère reçoit la 1/2 et l'ascendant (ou les ascendants) le plus proche de l'autre branche reçoit l'autre moitié.

Ce n'est que si le défunt n'a ni enfant (ou descendants), ni conjoint, ni frères et sœurs (ou neveux et nièces), un seul parent (père ou mère) et aucun ascendant (grands parents ...) dans l'autre branche, que l'unique parent survivant (père ou mère) reçoit la totalité de la succession.

En résumé :

hyp. 1       Père = 1/4 en pleine propriété
                 Mère = 1/4 en pleine propriété                                                          
aucun choix
                 Frères et sœurs : 1/2 en pleine propriété, à se partager                         

hyp. 2       Père = 1/4 en pleine propriété
                
Mère prédécédée                                                                                 aucun choix
                 Frères et sœurs : 3/4 en pleine propriété, à se partager                         

hyp. 3       Père prédécédé
                 Mère = 1/4 en pleine propriété                                                           aucun choix
                 Frères et sœurs : 3/4 en pleine propriété, à se partager                         

hyp. 4       Père = 1/2 en pleine propriété
                 Mère = 1/2 en pleine propriété                                                          
aucun choix
                 Pas de frère et sœur, ni neveu et nièce                         

hyp. 5       Frères et sœurs = 100 % en pleine propriété, à se partager
                 (ou leurs descendants : neveux, nièces …)                                    
aucun choix
                 Père et mère prédécédés                 

hyp. 6       Père = 1/2 en pleine propriété
                 Grands parents maternels = 1/2 en pleine propriété                      
aucun choix
                 Mère prédécédée, pas de frère et sœur, ni neveu et nièce   

hyp. 7       Mère = 1/2 en pleine propriété
                 Grands parents paternels = 1/2 en pleine propriété                       
aucun choix
                 Père prédécédé, pas de frère et sœur, ni neveu et nièce

hyp. 8       Père ou Mère = 100 % en pleine propriété                                        aucun choix
                 Autre parent prédécédé, pas d'ascendant dans l'autre branche
                            pas de frère et sœur, ni neveu et nièce

 

 

Situation 7 : autres parents (grands-parents, arrières grands-parents, oncles, tantes, cousins germains, grands oncles, grands tantes, petits cousins ... jusqu'au 6e degré)

Dans cette dernière hypothèse, le défunt ne laisse, ni conjoint survivant, ni enfants et descendants, ni frères et soeurs, neveux et nièces (et leurs descendants), ni père, ni mère.

Il faut alors distinguer 2 hypothèses : soit le défunt laisse des ascendants (grands-parents, arrières grands-parents), soit il a perdu tous ses ascendants.

En présence d'ascendant(s), ceux-ci priment tous les autres parents (oncles, tantes, cousins ...).

S'il y a plusieurs ascendants, on doit diviser la succession en 2 (mécanisme de la "fente successorale"), car la 1/2 revient à l'ascendant (ou aux ascendants) le plus proche dans la branche maternelle et l'autre moitié à l'ascendant le plus proche dans la branche paternelle (peu importe la différence de degré de parenté : par exemple, 1/2 pour les grands parents paternels et 1/2 pour l'arrière grand-mère maternelle).

S'il n'y a qu'un seul ascendant, il hérite de toute la succession et prime les autres parents.

S'il n'y a plus aucun ascendant, ce sont les autres parents qui héritent, en appliquant également le mécanisme de la fente successorale, c'est-à-dire 1/2 pour le parent (ou les parents) le plus proche dans la branche paternelle et 1/2 pour le parent (ou les parents) le plus proche dans la branche maternelle.

Par exemple, la 1/2 pour les oncles et tantes du côté paternel et l'autre moitié pour une unique cousine lointaine au 6e degré du côté maternel ...

En résumé :

hyp. 1       Ascendant(s) branche paternelle = 1/2 en pleine propriété
                 Ascendant(s) branche maternelle = 1/2 en pleine propriété            
aucun choix
                 Autres parents (oncles, tantes, cousins …) = rien                         

hyp. 2       Ascendant(s) dans une seule branche = 100 % en pleine propriété
                
Pas d'ascendant dans l'autre branche                                                    aucun choix
                 Autres parents (oncles, tantes, cousins …) = rien                         

hyp. 3       Pas d'ascendant
                 Parent(s) le plus proche branche paternelle = 1/2 en PP                  aucun choix
                 Parent(s) le plus proche branche maternelle = 1/2 en PP

 

Situation 8 : aucun parent jusqu'au 6e degré inclus

Dans ce cas, c'est l'Etat qui reçoit toute la succession.

Le calcul du nombre de degrés se fait en ajoutant un degré à chaque génération en montant, puis en descendant. Par exemple, pour le fils du cousin germain, le calcul est : 1 (père) + 1 (grand-père) + 1 (oncle) + 1 (cousin germain) + 1 (fils du cousin germain) = 5e degré.

 

Ce premier article illustre parfaitement toute la complexité du droit des successions, puisque la simple détermination de "QUI HERITE DE QUOI" se révèle être une opération déjà bien difficile.

J'espère avoir contribué à la rendre un peu plus simple grâce à cette présentation pratique des différentes situations.