Dans le cadre de la pandémie de Covid-19, de nombreux mariages ont malencontreusement été chamboulés.
S’en suit inévitablement un contentieux fourni, entre les futurs mariés contraints de reporter, modifier voire annuler leurs mariages, et les prestataires de services sollicités.
En effet, nombreux sont les professionnels, souvent en difficulté financière, à se montrer rétifs à réviser leurs conditions contractuelles ou à rembourser leurs clients.
Mais qu’en est-il juridiquement ? Peuvent-ils effectivement refuser unilatéralement toute modification contractuelle ou, a contrario, doivent-ils rembourser et, dans l’affirmative, sur quels fondements ? Voici des esquisses de réponses légales et jurisprudentielles d’un contentieux qui n’en est à qu’à ses prémices.
La Covid-19 est-elle un cas de force majeure justifiant la résolution d’un contrat passé avec un prestataire de service (traiteurs, DJ etc.) ?
L’article 1218 du Code civil prévoit qu’
« il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur ».
La qualification juridique de la force majeure requiert la cumulation de trois éléments : imprévisibilité, irrésistibilité et extériorité.
C’est la jurisprudence de la Cour de cassation qui a dessiné les contours de ces notions.
L’événement est imprévisible dès lors qu’il ne peut être anticipé.
L’événement est irrésistible s’il apparaît inévitable et insurmontable tant dans sa survenance que dans ses effets envers les parties.
L’événement doit être extérieur aux parties, c’est-à-dire qu’elles n’en sont pas responsables et ne peuvent l’influer.
Ainsi, dès lors que ces trois caractéristiques sont réunies, le contrat de prestation de service peut être résolu, tel que l’énonce l’article 1219 du Code civil :
« Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations ».
La résolution du contrat emporte le remboursement de toutes les sommes qui auraient pu être avancées et libère le débiteur de son obligation.
Ceci étant précisé, peut-on dont considérer la Covid-19 comme un événement imprévisible, irrésistible et extérieur ?
Monsieur Bruno le Maire, Ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance a eu tôt fait de le considérer comme un cas de force majeure et de souhaiter que le monde économique le retienne également comme tel (cf. Déclarations de Monsieur Bruno le Maire en dates des 28 février 2020 et 9 mars 2020).
Pour autant, la réalité juridique est quelque peu nuancée.
Et pour cause, les juges ne retiennent pas systématiquement la force majeure dans le cadre d’épidémies.
Elle a ainsi été écartée pour les épidémies de H1N1 en 2009 [1] ou de chikungunya [2], les magistrats ayant jugé qu’elles n’empêchaient pas nécessairement la tenue d’événements.
Il y a néanmoins fort à parier que l’appréciation de la caractérisation de la pandémie actuelle différera nécessairement de par ses répercussions et son ampleur.
D’ailleurs, les quelques décisions déjà rendues courant 2020 statuent sans équivoque en retenant systématiquement la force majeure et la résolution du contrat [3].
A l’avenir, les litiges risquent de se multiplier et l’appréciation des magistrats se fera certainement au cas par cas, et en fonction de l’évolution sanitaire : conditions contractuelles, types de prestations, contrat avec prestation unique ou à exécution successives etc.
De même, la date à laquelle le contrat est conclu aura certainement une incidence majeure.
En effet, si avant février/mars 2020, le critère d’imprévisibilité ne fait pas de doute, il est nettement plus discutable à mesure que les mois passent.
Si, pour le moment, il n’est donc pas possible de donner une réponse formelle et d’affirmer ou infirmer que la Covid-19 constitue un cas de force majeure, la jurisprudence des années à venir nous apportera certainement un nouvel éclairage.
Il est même probable que la notion même de force majeure en vienne à évoluer.
Nous verrons alors si les contrats de prestation peuvent effectivement être résolus et sous quelles conditions cette résolution peut donner lieu, ou non, à remboursement.
Y a-t-il d’autres moyens juridiques d’obtenir l’annulation et le remboursement des prestations ?
Là encore, dans la mesure où peu de décisions ont été rendues, il est difficile de prédire avec certitude ce que les juges retiendront pour choisir de prononcer ou non l’annulation d’un contrat et la condamnation des prestataires à remboursement.
Néanmoins plusieurs biais semblent pouvoir être approfondis.
L’imprévision.
L’article 1195 du Code civil prévoit que
« si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation ».
A l’instar de la force majeure, l’événement imprévisible est celui que l’on ne peut raisonnablement évaluer au moment de la conclusion du contrat.
Quant à l’exécution excessivement onéreuse, elle est caractérisée dès lors qu’il existe un déséquilibre manifeste entre les obligations assumées par chacune des parties.
Dès lors, si du fait de la pandémie, le nombre d’invités est largement revu à la baisse, le prix payé par les mariés devra être lui aussi minoré.
Sans quoi, il pourra exister un déséquilibre flagrant entre le prix (correspondant initialement à un grand nombre d’invités) et la prestation finale (pour bien moins d’invités qu’initialement envisagé).
Partant, à supposer que l’événement soit imprévisible (le débat demeurant s’agissant de la Covid-19, notamment dépendant de la date de conclusion du contrat), le client lésé pour se prévaloir de la théorie de l’imprévision pour solliciter une renégociation des conditions contractuelles.
Les clauses abusives.
Si vous avez l’impression qu’une clause de votre contrat crée un déséquilibre significatif entre vos droits et obligations et ceux du prestataire, il peut s’agir d’une clause dite abusive.
Les articles R212-1 et R212-2 du Code de la consommation renvoient à une « liste noire » et une « liste grise » des clauses abusives que le législateur a mis à disposition du justiciable.
La liste noire énumère les clauses présumées irréfragablement abusives, c’est-à-dire celles qui seront systématiquement considérées comme telles
Pas de contribution, soyez le premier