Régimes matrimoniaux et création d’entreprise : quelles précautions juridiques prendre ?
- orientation générale -
Lorsqu’un indépendant non-salarié (professions libérales, autoentrepreneur, artisan…) exerce sa liberté d’entreprendre en créant une entreprise, il engage non seulement son savoir-faire, mais surtout il peut engager sa responsabilité, ses biens, en impliquant également sa famille.
Ainsi, la création d’une entreprise engendre de nombreuses conséquences juridiques dépassant le cadre professionnel. Le choix du régime matrimonial permet alors d’anticiper les situations complexes afin de protéger son entreprise et sa situation personnelle.
Le statut particulier du chef d’entreprise
La loi du 14 février 2022 a créé un nouveau statut protecteur pour l’entrepreneur individuel. Depuis le 15 mai 2022, celui-ci bénéficie d’une distinction de plein droit entre patrimoine professionnel et personnel, ce qui limite l’exposition du foyer aux risques économiques.
Mais attention, ce statut ne règle pas tout. Dès lors qu’un chef d’entreprise est marié, le régime matrimonial reste déterminant. Car les titres d’une société, les revenus générés, ou encore l’immeuble d’exploitation peuvent, selon les cas, tomber dans la communauté.
Le choix primordial du régime matrimonial
Le régime matrimonial encadre la propriété et la gestion des biens entre époux. À défaut de contrat de mariage, le couple est soumis au régime légal de la communauté réduite aux acquêts. Avec ce dernier, les biens créés ou acquis pendant le mariage, y compris une entreprise, sont, en principe, communs.
Ainsi, les créanciers pourront se retourner et saisir, sous certaines conditions, contre les biens communs. En cas de divorce, la valeur de l’entreprise pourra faire l’objet d’un partage. Si l’activité a été créée pendant le mariage, l’autre époux pourra alors prétendre à la moitié de sa valeur, même sans avoir participé à sa gestion.
Également, avec ce régime, certains actes en lien avec l’activité (vente du fonds de commerce, souscription d’un emprunt) vont nécessiter l’accord du conjoint, pouvant être un frein ou source de conflit.
Ce régime instaure une instabilité trop importante. Dès lors, le régime de la séparation de biens est plus adapté. Ce dernier permet une véritable étanchéité entre les patrimoines personnels des époux, sans prévoir de masse commune. Chaque époux conserve l’administration, la jouissance et la disposition de ses biens personnels. Ce régime est plus en adéquation avec la réalité de l’entrepreneuriat : il permet au chef d’entreprise de développer librement son activité.
Même s’il n’est pas commun et pas très adapté au statut de l’entrepreneur, le régime de participation aux acquêts mérite d’être connu, dans le cas où seul un des époux s’enrichirait plus que l’autre. Un audit initial et final est nécessaire pour déterminer le montant de l’enrichissement et la valeur du partage par moitié. Ce régime hybride est communautaire durant le mariage et séparatiste au moment du divorce.
Quant au régime de la communauté universelle, il être automatiquement banni.
Un régime matrimonial c’est bien, mais aménager sa situation c’est mieux !
Conclure un contrat de mariage permet de poser un cadre juridique précis, mais tout l’intérêt réside dans le fait de pouvoir l’adapter durant l’union. Il est alors possible pour les époux de changer leur régime matrimonial, sous conditions.
En dehors du choix du régime matrimonial, le chef d’entreprise peut aménager sa situation de différentes manières :
- Le mandat de protection future : anticipe l’incapacité du dirigeant et garantit une gestion continue de son activité ;
- La déclaration d’insaisissabilité : protège certains biens fonciers personnels (notamment la résidence principale) contre les créanciers professionnels ;
- Les statuts de la société : des clauses spécifiques permettent de préserver le contrôle de l’entreprise en cas de divorce ou de décès :
- Clause d’agrément : contrôle de l’entrée d’un tiers, y compris le conjoint ou l’ex-conjoint, dans le capital ;
- Clause de préemption : priorité d’achat donnée aux associés restants ;
- Clause d’inaliénabilité : empêche la cession des titres sur une période donnée.
En conclusion
La question du régime matrimonial n’est qu’une des précautions à prendre parmi d’autres lorsque l’entrepreneur est en couple. Un audit familial et patrimonial permet d’orienter les pistes de réflexions vers des choix qui n’étaient pas une évidence au départ. Cette réflexion globale est indispensable pour favoriser la sécuriser la famille, l’entreprise et bien évidement l’épanouissement du couple.
Ce choix n’est jamais définitif : le cadre juridique peut évoluer et s’adapter à aux besoins. Il est donc vivement recommandé au chef d’entreprise de se faire accompagner par un conseil en droit de la famille et du patrimoine pour identifier la solution la plus adaptée à sa situation personnelle et professionnelle.
Pas de contribution, soyez le premier