Primaires : ces 2 ordonnances du juge des référés du TJ de Bobigny invitent les organisations politiques à ne pas s’affranchir du droit et à respecter les règles qu’elles ont-elles-mêmes mises en place pour le fonctionnement de la consultation.
Le juge judiciaire et les primaires
(TJ Bobigny, ord. référé 29 juillet 2021, n° 21/01147 et 21/01148)[1]
La procédure des primaires pour la désignation du candidat d’un parti ou d’un mouvement politique à l’élection présidentielle s’est développée, avec des fortunes diverses, ces dernières années dans la vie publique française.
Processus politique avant tout, il n’en est pas pour autant étranger au droit et le juge judiciaire peut avoir à en connaître[2].
Une telle intervention se justifie notamment en cas de contestation sur le respect des règles d’organisation de la consultation.
C’est ce qu’a eu dernièrement à examiner le juge des référés du Tribunal judiciaire de Bobigny dans le cadre de la primaire des écologistes en vue de la désignation de leur candidat à l’élection présidentielle de 2022.
Cette primaire était organisée par une association regroupant différents partis se réclamant de la mouvance écologiste.
Les règles internes posaient que pouvait y être candidat toute personne justifiant de 28 parrainages au moins, donnés par des personnes préalablement désignées par les partis membres fondateurs de l’association organisatrice.
L’un des postulants à la candidature, soutenu par deux partis membres, pensait accéder sans difficulté à celle-ci, fort du soutien espéré des 19 parrains représentant chacun desdits partis.
Toutefois, quelques jours avant la clôture des parrainages, au motif qu’une personnalité d’un de ces partis n’aurait pas publiquement et fermement annoncé qu’il soutiendrait le candidat issu de la primaire, les instances de l’association organisatrice de la consultation l’ont déclaré « démissionnaire de fait » et supprimé ses représentants de la liste des parrains.
Le postulant a cependant déposé des parrainages, au nombre de 30, comprenant ceux de représentants du parti « démissionné » mais ces derniers n’ont pas été comptabilisés.
Il a alors saisi le juge des référés[3] aux fins de voir :
- suspendre l’exclusion du parti évincé, qu’il considérait irrégulière,
- ordonner que les parrainages des représentants de ce parti soient pris en considération pour le décompte du nombre nécessaire pour être candidat à la primaire,
- constater qu’il avait obtenu le nombre nécessaire pour être candidat et qu’il était dès lors valablement candidat à ladite primaire,
- enfin, ordonner à l’association organisatrice de lui accorder toutes les facilités et moyens dont bénéficiaient les autres candidats.
Il a obtenu entière satisfaction.
Le requérant a fait valoir devant le juge que l’exclusion manifestement irrégulière de l’association organisatrice de la primaire d’un parti qui le soutenait l’a privé de parrainages qui lui auraient permis de concourir à cette dernière et, le premier tour de la consultation intervenant dans un délai proche et alors qu’il a pris déjà du retard dans la campagne par rapport aux candidats admis, il y avait urgence particulière à faire cesser cette irrégularité.
On le voit, la question de l’urgence ne soulevait pas en l’espèce de difficulté particulière.
Il en était de même pour les irrégularités manifestes invoquées à l’encontre de la décision d’exclusion.
En effet, en premier lieu, celle-ci a été prise en violation des règles statutaires, qui exigeaient une absence d’opposition, celles exprimées par les membres s’opposant à l’exclusion ayant été tout simplement ignorées.
En second lieu, il a été établi que le motif invoqué était fallacieux, le parti exclu ayant communiqué un engagement écrit de soutenir le candidat issu de la primaire au cours de la séance examinant sa situation, avant que son exclusion soit prononcée.
La décision rendue n’est donc pas surprenante.
Elle invite les organisations politiques à ne pas s’affranchir du droit et à respecter les règles qu’elles ont-elles-mêmes mises en place pour le fonctionnement de la consultation.
Ce respect des règles fixées s’impose d’autant plus que les membres de ces organisations sont de plus en plus sensibilisés à leur respect et qu’elles n’hésitent pas à en faire sanctionner la méconnaissance par le juge.
De plus, ayant adopté la forme associative comme cadre de l’organisation de la consultation, les organisateurs de primaires ne peuvent prétendre s’affranchir sans risque du pacte statutaire. Car les statuts constituent la loi contractuelle commune des membres dont aucun motif « politique », qui serait au-dessus du droit, ne justifie la violation.
Si le juge judiciaire n’apprécie certes pas d’être instrumentalisé, il n’hésite pas à jouer pleinement son rôle de défenseur des libertés et de contrôle du respect du pacte statutaire au sein des associations.
[1] Le cabinet a défendu les intérêts de M. Governatori, AEI et Cap 21 dans cette affaire.
[2] A la différence du juge de l’élection qui refuse de s’immiscer dans les procédures internes d’investiture et n’intervient qu’en cas de manœuvres dans la cadre de son contrôle a posteriori de l’élection.
[3] Selon la procédure dite « d’heure à heure » prévue par les articles 834 et 835 du code de procédure civile.
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