Madame le Bâtonnier Christiane Féral Schuhl dans son éditorial intitulé "Halte au feu" (Bulletin n°22 du Barreau de Paris) a expliqué pourquoi une motion en réponse à cette "résolution" a été prise:
<<La Conférence des Premiers présidents a rendu publique la délibération qu'elle a prise lors de son séminaire de la Baule, le
31 mai sur « l'accès au droit - l'office du juge - l'organisation judiciaire et processuelle ».
Cette démarche s'insère comme prise de position dans la réflexion menée par la Chancellerie sur l'office du juge et la réforme du tribunal de première instance.
Elle constitue une contribution certainement intéressante mais qui ne peut être considérée que comme une participation au débat d'idées.
En effet, la réforme de la justice, le rapport du citoyen avec le juge, la place du juge dans la cité, le rôle des différents acteurs de l'institution, qu'ils soient fonctionnaires ou membres de professions règlementées, ne peuvent être réduits à un simple brain storming.
C'est la fonction régalienne même de l'État qui est ici en cause. Cela n'est susceptible d'aucune transaction, surtout pour des raisons budgétaires.
Il n'est dans le rôle de personne de dire ce que les maires, les notaires, les avocats ou les huissiers, pour ne citer qu'eux, doivent faire pour alléger la tâche du juge.
Il n'appartient qu'à l'État de prendre ses responsabilités, et donc à la représentation nationale en appui du gouvernement, de définir les lignes principales de ce que doit être la Justice du XXIe siècle et le rôle de chacun dans ce grand service.
Les avocats, pour leur part, ne participeront pas à une oeuvre destructrice de ce qui est l'un des plus beaux acquis de notre histoire, c'est-à-dire une Justice ouverte, accessible à tous et qui a la confiance des citoyens. Ils l'ont dit dans la motion adoptée aujourd'hui par le Conseil de l'Ordre.>>
Motion adoptée par le Conseil de l'Ordre des avocats de Paris le 2 juillet 2013
"Le Conseil de l'Ordre des avocats de Paris, connaissance prise du document intitulé « délibération sur l'accès au droit - l'office du Juge - l'organisation judiciaire et processuelle adoptée le 31 mai 2013 », à La Baule par la Conférence des premiers présidents :
- Rappelle le principe constitutionnel de l'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen selon lequel « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution. » ;
- Constate que la France consacre à la justice un budget bien inférieur à la moyenne des autres pays européens, soit 0,2% de son PIB/habitant, ce qui correspond à 60,50 euros par habitant en France, contre 118 euros par habitant aux pays Bas, 100 euros par habitant en Allemagne, et 84,60 euros par habitant au royaume Uni ;
- Dans ce contexte difficile, souligne le travail remarquable accompli quotidiennement par les magistrats français ;
- Appelle de ses voeux une réforme réelle de l'accès au droit permettant aux citoyens l'accès au Juge dans de bonnes conditions, et non pas une justice au rabais, étant rappelé que le budget de l'aide juridictionnelle est de 5,60 euros par habitant en France, contre 45,70 euros par habitant en Angleterre, et 21,60 euros par habitant au Pays-Bas selon les termes du précédent rapport ;
- S'interroge sur le projet de justice issu de la délibération de la conférence des premiers présidents du 31 mai 2013,
- Confirme la nécessité de développer l'accès au droit, mais s'oppose avec la plus grande fermeté à la préconisation d'une délibération qui conduirait, si elle devait être suivie d'effet, à « un transfert de charges » systématique du Juge vers « d'autres
professionnels ou structures » dits « compétents», qui ne sont en fait que des acteurs de la société civile (services administratifs, élus municipaux, officiers d'état civils,
assureurs, notaires etc.) et dont certains ne peuvent pas toujours se prévaloir ni de la compétence, ni de la formation, ni des garanties d'indépendance et d'impartialité requises pour se substituer au Juge ;
- Souligne que les avocats, auxiliaires de justice, sont attachés au développement de la médiation et des autres modes alternatifs de résolution amiable des litiges qu'ils sont les premiers à mettre en oeuvre dans leur exercice professionnel. Toutefois, ces moyens ne sont efficaces que s'ils correspondent au libre choix des parties. Ils ne peuvent en aucun cas être imposés, car tout caractère obligatoire serait contraire à l'article 47 de la Charte Européenne des Droits Fondamentaux signée par la France.
Le Conseil de l'Ordre rappelle avec force que:
- Pour être efficace, la médiation doit être un processus volontaire engagé par les justiciables, avec le concours de leur avocat et encouragé par les magistrats. Elle ne doit en aucun cas être rendue obligatoire ; des propositions d'incitations en ce sens ont été présentées à la Chancellerie: incitations fiscales, politique de sensibilisation auprès du public et en faveur des magistrats, information obligatoire sur la médiation (et non médiation obligatoire) etc .
- La gratuité, dans certains cas de recours à la médiation, est la fausse bonne mesure revenant à écarter de la fonction de médiateur, sans motif légitime, le professionnel formé et qualifié, soumis à des règles de déontologie contraignantes ; le rapport Magendie avait déjà évoqué le risque d'une justice parallèle qui serait financée on ne sait pas comment, la place du conciliateur de justice et du médiateur « bénévole », cependant formé et disponible, étant par nature limitée. Bien au contraire, la place de l'avocat comme conseil mais aussi comme médiateur doit être maintenue et même développée compte tenu des compétences spécifiques de l'avocat, de par sa formation, son éthique professionnelle et sa déontologie, garante de la confidentialité, de la sécurisation et ce faisant de l'efficacité du processus de médiation"
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