La résolution prise à l'issue de la conférence des Premiers présidents de Cours d'appel, le 31 mai 2013 développe une polémique qui nous semble vaine sur le sujet en pratique même si cette déclaration heurte au plan des principes en ce qu'elle touche à la fonction régalienne de l'Etat qui est de rendre la justice et une justice de qualité accessible à tous. 

Si ces hauts magistrats ont certainement raison de vouloir « recentrer le juge sur son coeur de métier » et « développer les modes alternatifs de traitement des conflits, spécialement la médiation..." Ils sortent de leur rôle en décrétant en revanche que celle-ci " deviendrait obligatoire mais gratuite en matière sociale et familiale... et aussi pour des conflits de voisinage ou de petite consommation et en toutes matières en deçà d'un seuil à définir. » 

La justice alternative a un coût tout simplement parce qu'elle n'est pas exercée par des fonctionnaires (dont le coût salarial et de fonctionnement n'est d'ailleurs pas gratuit mais payé par le contribuable !). L'Etat n'est pas capable déjà de rémunérer les avocats qui interviennent dans un contexte d'aide juridictionnelle puisque l'indemnité de misère reçue ne peut pas couvrir la charge des frais avant de parler honoraires. Comment peut on penser dans un contexte de crise où il a même été question de faire une économie à grande échelle sur le dos d'une profession que désormais les médiateurs ne seraient pas rémunérés ? 
Je parle ici de rémunération car il faut sortir d'une vision de fonctionnaire pour appréhender la réalité. Pour exercer une profession libérale, il faut non seulement investir pour pouvoir présenter des services mais être collecteur de la TVA dont on nous promet une hausse en 2014 laquelle représente 20% du prix avant de pouvoir répercuter le coût de revient et espérer faire un bénéfice car il ne s'agit pas d'un sacerdoce mais de vivre de son travail tout simplement. Ces médiateurs ont investi en temps et en argent dans une formation de base et continue qui n'est pas gratuite. 
Au lieu de continuer à financer des associations dont les moyens mis en oeuvre ou les heures passées en médiation ne sont guère transparents, il serait plus normal de rémunérer à la prestation et d'ouvrir à la libre concurrence qui ne serait pas déloyale comme à ce jour avec des associations subventionnées et les autres qui ne le sont pas, ce qui fausse le coût réel de la prestation de manière déloyale. L'Etat s'y retrouverait sûrement en faisant une belle économie. Au Québec, depuis le début la rémunération de la médiation est basée sur une prestation horaire limitée en durée et non sur le financement d'associations que se font en sus rémunérer à la prestation à des tarifs empêchant le fonctionnement de la libre-concurrence. 

Quant à rendre la médiation obligatoire, c'est ne rien comprendre à un processus qui doit être volontaire. S'il y a un droit à la médiation, faut il que l'adversaire en soit d'accord, sinon cela ne marchera pas. On ne force pas à la médiation sinon ce n'est plus de la médiation. Rendre la tentative de médiation et/ou la conciliation obligatoire pourquoi pas, sous réserve d'en être dispensé quand on a déjà fait une tentative qui a avorté. Il ne faut pas non plus que la tentative de médiation soit un moyen pour retarder le droit de chaque citoyen d'obtenir que justice lui soit rendue, ce qu'il ne fait jamais de son plein gré mais quand il ne peut pas faire autrement. Certes, l'accès quasi gratuit à la justice par certains conduit à des abus mais comme en tous domaines. En ce sens, je n'ai jamais pensé que la taxe de 35 euros était un frein à la justice mais évitait les abus de ceux qui ne prennent pas le temps d'écrire une mise en demeure pour permettre la discussion avant d'agir en justice par exemple. Et d'ailleurs, nos magistrats de s'étonner d'avoir toujours autant de demandes malgré cette taxe qui vient donc d'être supprimée pour 2014. 

Pour plus de réactions, je ne peux que conseiller l'éditorial de la présidente de l'Association nationale des Médiateurs, instance représentative des médiateurs ici.