Prévenir et gérer les conflits entre associés !

« Le Client : Bonjour Maître je me suis associé avec un ami il y a deux ans mais aujourd’hui cela ne va plus du tout.

L’Avocat : Avez-vous proposé à votre associé de lui racheter ses titres ?

Le Client : Oui, mais il ne veut rien entendre et il met le bazar dans la société. »

Quel avocat en droit des sociétés n’a pas été sollicité par un client pour régler une telle situation ?

L’association n’est pas un long fleuve tranquille et le droit positif est insuffisant pour régler efficacement les conflits entre associés. Or, un conflit entre associés peut entraîner le blocage complet du fonctionnement de la société.

Alors, le risque est d’aboutir au bout de plusieurs années de contentieux à la dissolution judiciaire de la société.

Il vaut mieux prévenir que guérir ! Certains outils juridiques permettent ainsi d’organiser le rachat forcé des droits sociaux d’un associé en cas de réalisation d’évènements déterminés à l’avance.

I – La clause d’exclusion statutaire

En cas de conflit entre associés menaçant la poursuite d’activité de la société, l’exclusion de l’associé perturbateur peut être un moyen efficace de le sortir lorsque les conditions sont réunies.

Selon une jurisprudence constante de la Cour de Cassation, il n’est pas possible d’exclure un associé de la société contre son gré car cela porterait atteinte au droit de propriété (Cass. Com., 12 mars 1996, n°93-17813).

Cependant, ce droit n’est pas absolu.

Ainsi, il est possible d’insérer dans les statuts une clause d’exclusion si certains évènements déterminés à l’avance viennent à se réaliser. Cela résulte notamment de l’article L 227-16 du Code de Commerce pour les SAS.

La Cour de Cassation a admis également la validité des clauses d’exclusion prévue par les statuts en dehors de toute disposition légale. Il est donc possible d’inclure une clause d’exclusion dans les statuts d’une SNC (Cass.Com 8 mars 2005, n°02-17692) ou d’une SARL.

Le contenu et la mise en œuvre de la clause d’exclusion doivent respecter certaines règles à peine de nullité de la clause ou de la décision d’exclusion.

La clause d’exclusion doit :

- désigner l’organe compétent pour prononcer l’exclusion ; la plupart du temps cet organe sera l’assemblée générale des associés mais cela peut être également un organe de direction ;

- préciser le motif autorisant l’exclusion (changement de contrôle de l’associé personne morale, ouverture d’une procédure collective etc…) ; le motif doit être conforme à l’intérêt de la société et à l’ordre public ;

- préciser la procédure à suivre pour prononcer l’exclusion ; celle-ci doit respecter le principe du contradictoire et des droits de la défense, ainsi l’associé menacé d’exclusion doit avoir été averti et mis en mesure de présenter ses observations ;

Lorsque l’organe compétent est l’assemblée générale, le droit de vote de l’associé menacé ne peut pas être écarté (Cass.com 23 octobre 2007, n°06-16537).

L’associé exclu doit être indemnisé de la valeur de ses droits ; l’indemnisation ne peut pas être dérisoire.

II – Les clauses du pacte d’associé

Le Pacte d’associé qui vient compléter les statuts permet également d’organiser efficacement le rachat des droits sociaux d’un associé en cas de réalisation d’évènements déterminés à l’avance.

  1. La clause de « good/bad leaver »

La clause de « good/bad leaver » organise le rachat des parts sociales d’un associé signataire du pacte avec un mécanisme de récompense ou de sanction.

Elle a généralement pour support une promesse unilatérale de cession de droits sociaux, consentie par un associé au bénéfice d’un ou plusieurs autres associés à un prix défavorable ou favorable selon qu’il est considéré « bad leaver » ou « good leaver » en fonction de la réalisation d’un évènement déterminé à l’avance.

La clause de « bad leaver » est souvent appliquée en cas de démission ou de licenciement pour faute grave ou lourde d’un associé « homme clé ». La clause de « good leaver » est utilisée en cas de réalisation des objectifs fixés à l’associé « homme clé ».

Le nouvel article 1124 du Code Civil issu de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats a restauré l’efficacité de la promesse unilatérale et donc de la clause de « good/bad leaver ».

Il dispose ainsi en son alinéa 2 : « La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis ».

Il convient cependant de rédiger la clause de « good/bad leaver » avec précaution et de prévoir :

- les évènements qui permettent la mise en œuvre de la clause ;

- la procédure d’application de la clause ;

- la détermination du prix de rachat des droits sociaux de l’associé sortant par référence à une formule précise ou à la dernière augmentation du capital social ou par le recours à l’expertise ; il est préférable de citer l’article 1592 du Code civil encadrant le recours à un tiers expert en cas de désaccord sur la détermination du prix.

2.  La Clause de « shotgun »

La clause de « shotgun » est très utile en cas d’association à 50/50. En effet, elle permet de dénouer une situation de blocage et de paralysie des organes sociaux en cas de mésentente.

Elle permet à l’un des associés de proposer ses droits sociaux à l’autre associé à un prix déterminé. Si celui-ci n’accepte pas l’offre au prix proposé et dans le délai imparti, il a l’obligation de céder ses propres droits sociaux à l’offrant au même prix.

C’est une clause efficace car elle ne laisse pas le temps à la situation de s’enliser. De plus elle oblige le premier associé qui fait une proposition à ne pas proposer un prix trop bas sinon l’autre pourra également lui proposer d’acheter ses droits sociaux à ce vil prix.

Cette clause doit être rédigée avec soins et être utilisée avec précaution au cas par cas.

En effet, il faut être vigilant au rapport de force qui existe entre les parties signataires. Celui qui a peu de moyens financiers par rapport à son associé pourrait être fragilisé avec une clause de « shotgun ».

Edith COUTANSAIS, Cabinet EDHALCO