Le report des délais en matière commerciale durant l’état d’urgence sanitaire :
Quelques précisions :
Pour bien comprendre l’étendue de l’application de l’ordonnance du 25 mars 2020 telle qu’expliquée par la circulaire du 26 mars, il faut d’abord noter une double condition pour bénéficier des reports de délai :
- Etre un acte ou une mesure concerné (II)
- Avoir un délai dont le terme ou l’échéance survient durant la période juridiquement protégée (I) Une fois ces conditions remplies, la report des délais sera possible (III).
I. La période juridiquement protégée (article 1 de l’ordonnance).
La période juridiquement protégée est comprise entre le 12 mars 2020 et un mois après la date de fin de l’état d’urgence sanitaire (loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19).
Date de début : 12 mars 2020
Date de fin : un mois après la date de fin de l’état d’urgence sanitaire
II. Les actes et mesures concernés en matière commerciale.
.Parmi les actes et mesures concernés en matière commerciale, on retrouvera notamment :
- Les actes et formalités prescrits par la loi ou le règlement soumis à un délai déterminé et dont l’inexécution est sanctionné par un texte.
Par exemple, sont concernés :
- Les actions en justice, recours et actes de procédure dont les délais sont légalement déterminés à peine de sanction (par exemple forclusion pour non-respect d’un délai pour agir) ;
- Les clauses contractuelles visant à sanctionner l’inexécution du débiteur dans un certain délai (clauses résolutoires, clauses pénales, clauses de déchéance) ;
- Les conventions ne pouvant être résiliées ou dénoncées que dans un certain délai ;
- Les astreintes quelle que soit leur origine ;
- Les paiements prescrits par des dispositions législatives ou réglementaires en vue de l’acquisition ou la conservation d’un droit (par exemple paiement de la redevance auprès de l’INPI pour le dépôt d’un droit de propriété intellectuelle).
Parmi les actes et mesures exclus, on retrouvera notamment :
- Les obligations financières et garanties y afférentes mentionnées aux articles L. 211-36 et suivants du code monétaire et financier ;
- Les délais contractuels ;
- Le paiement des obligations contractuelles et les échéances contractuelles ; ainsi le paiement des obligations contractuelles n’est pas suspendu et les échéances contractuelles doivent être respectées. Seul le jeu de certaines clauses est paralysé par l’article 4 de l’ordonnance (voir dans le III).
A noter que la dernière exception mentionnée est à nuancer puisque l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 apporte des précisions quant au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19.
Ainsi les personnes physiques ou morales de droit privé exerçant une activité économique et remplissant les critères d’exigibilités fixés par décret (seuil d’effectifs, seuil de chiffre d’affaires, seuil de perte de chiffre d’affaires) pourront bénéficier de dispositions avantageuses, notamment l’impossibilité pour certains fournisseurs de suspendre, interrompre ou réduire la puissance distribuée y compris par résiliation de contrat.
En outre, une ordonnance relative aux procédures du livre VI (relatif aux difficultés des entreprises) du code de commerce comportera des dispositions spécifiques en cette matière.
Enfin, il faut noter que les dispositions de droit commun restent applicables le cas échéant si leurs conditions sont réunies et sous réserve de l’appréciation du juge, par exemple la suspension de la prescription pour impossibilité d’agir en application de l’article 2234 du code civil, ou encore le jeu de la force majeure en matière contractuelle prévue par l’article 1218 du code civil.
III. La prorogation des délais (articles 2 et 4 de l’ordonnance).
La circulaire rappelle bien que l’ordonnance ne prévoit ni une suspension générale ni une interruption générale des délais arrivés à terme pendant la période juridiquement protégée, ni une suppression de l’obligation de réaliser tous les actes ou formalités dont le terme échoit dans la période visée. L’effet de l’article 2 de l’ordonnance est d’interdire que l’acte intervenu dans le nouveau délai imparti puisse être regardé comme tardif.
L’article 2 de l’ordonnance prévoit un mécanisme de report des délais dont le terme ou l’échéance est survenu durant la période juridiquement protégée.
Ce report est de maximum deux mois à compter de la fin de la période juridiquement protégée. Le délai de deux mois choisi est un maximum est non un minimum, ainsi deux situations sont à distinguer :
- Les délais initiaux d’une durée inférieure à deux mois : le report sera égal à la durée initialement prévue par la loi ou le règlement ;
Exemple : Un nantissement de fonds de commerce a été constitué le 25 février 2020. Il doit selon l’article L. 142-4 du code de commerce être inscrit à peine de nullité dans les trente jours suivant la date de l’acte constitutif. ⇒ Ce délai expire durant la période juridiquement protégée. Le nantissement pourra donc être régulièrement publié dans les trente jours qui suivent la fin de la période juridiquement protégée.
- Les délais initiaux d’une durée supérieure à deux mois : le report sera égal au deux mois fixé par l’article 2 de l’ordonnance.
Exemple : une dette est exigible depuis le 20 mars 2015 ; le délai de prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil devait arriver à expiration le 20 mars 2020. ⇒ Ce délai courra encore pendant les deux mois qui suivent la fin de la période juridiquement protégée.
L’article 4 de l’ordonnance a prévu que les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses de déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période juridiquement protégée. Elles ne prendront effet qu’un mois après la fin de la période juridique protégée, si le débiteur ne s’est pas exécuté d’ici là.
La circulaire donne l’exemple suivant : un contrat de prêt prévoit des remboursements chaque 20 du mois ; le contrat contient une clause permettant au prêteur de prononcer la déchéance du terme en cas de défaut de remboursement d’une mensualité. ⇒ Si le débiteur ne rembourse pas l’échéance du 20 mars, le prêteur ne pourra pas prononcer la déchéance du terme. Il le pourra de nouveau si l’échéance n’a toujours pas été remboursée un mois après la fin de la période juridiquement protégée.
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