La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail. Mais, l'existence et la gravité du manquement reproché à l'employeur s'apprécient-ils à la date à laquelle le salarié a pris acte de la rupture du contrat de travail ou à la date des manquements ? C’est à cette question que la Cour de Cassation a apporté une réponse qui doit faire réfléchir tous ceux qui sont susceptibles un jour de prendre acte de la rupture de leur contrat.

En effet, une salariée a été engagée en 2011 sans contrat de travail et sans déclaration d'embauche. En plus, elle aurait effectué des heures supplémentaires non rémunérées par son employeur. Plus d’un an après, estimant qu’il y avait un manquement grave de son employeur, elle a pris acte de la rupture de son contrat. Le Conseil des prud’hommes l’ayant déboutée, elle a interjeté appel. La Cour d’appel a estimé que les motifs qu’elle a indiqués pour justifier la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail ne caractérisaient pas une faute grave de l'employeur et que cette prise d'acte devait produire les effets d'une démission. En conséquence la Cour d’appel l’a déboutée de ses demandes afférentes à la rupture et l’a condamnée à payer à l'employeur une somme à titre de dommages et intérêts correspondant au préavis.

La salariée a intenté un pourvoi en cassation en faisant valoir qu’à la date de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail son employeur ne lui avait pas payé des heures supplémentaires accomplies en 2011.

Pour elle, l'existence et la gravité du manquement reproché à l'employeur s'apprécient à la date à laquelle elle a pris acte de la rupture du contrat de travail.

La Cour de Cassation lui a donné tort. La Cour a estimé que l'engagement de la salariée sans contrat de travail et sans déclaration d'embauche n'avait pas empêché la poursuite de la relation de travail. La Cour n’a pas nié l’existence du manquement de l’employeur mais, elle a considéré qu’il s’agissait d’un manquement ancien que la salariée avait accepté. Elle a considéré que la Cour d’appel a pu retenir à bon droit que les manquements invoqués par la salariée à l'encontre de son employeur ne présentaient pas un caractère de gravité suffisant pour justifier la prise d'acte de la salariée et qu'ils n'étaient pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail. En conséquence, elle a rejeté le pourvoi. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 31 mars 2016, pourvoi n° 14-20.357)

Il en découle que les salariés doivent être prudents et doivent faire preuve de célérité dans la prise d’acte de la rupture de leur contrat de travail. Par conséquent, le salarié qui tolère un manquement grave pendant trop longtemps ne peut pas ensuite le contester.

Cela ne remet pas en cause le droit des salariés de prendre acte de la rupture de leur contrat de travail en cas de manquement suffisamment de l’employeur. Mais, un salarié qui considère que son employeur manque à ses obligations doit réagir tout de suite quelques que soient les conséquences. S’il ne le fait pas c’est qu’il considère que le manquement n’est pas suffisamment grave. Cette exigence de célérité s’inscrit dans le cadre de la sécurité juridique des relations contractuelles et du respect du principe bien connu selon lequel « qui ne dit mot consent ». La morale est évidente : rien ne sert de prendre acte de la rupture de son contrat de travail, il faut le faire au bon moment !