Souvent, nous entendons des clients nous indiquer qu'en ne retirant pas un courrier recommandé, celui-ci leur sera inopposable. C'est une fausse idée reçue qui peut être préjudiciable au destinataire.


Une lettre recommandée avec accusé de réception (dite « LRAR ») est un courrier adressé à une personne en vue de s'assurer de sa bonne réception, car matérialisée par la signature d'un accusé de réception par le destinataire dudit courrier.

Ce mode d’envoi est vital, car il permet de garantir l'expéditeur de sa bonne foi, au moyen d’une preuve d’envoi et d’une preuve de réception.

Nombreuses sont les personnes croyant (faussement) que de refuser une LRAR ou de ne pas retirer une LRAR leur rendrait inopposable celle-ci.

Ainsi, on pourrait échapper aux conséquence d'un courrier recommandé, en opposant ne pas l'avoir reçu ou ne pas en avoir pris connaissance.

C'est totalement illusoire.

Effectivement, le fait pour le destinataire d'une LRAR de ne pas la retirer, n’empêchera pas de considérer que cette lettre lui a été régulièrement notifiée.

La jurisprudence regorge d'exemples rappelant que la présentation d'une LRAR par les services postaux est le point de départ d'un délai de rétractation, que cette lettre ait été acceptée ou refusée.

Ainsi, un acquéreur non professionnel jouir d'un droit de rétractation de 10 jours pour tout acte ayant pour objet la construction ou l’acquisition d’un immeuble à usage d’habitation (article L.271-1 du Code de la construction et de l'habitation).

Ce délai de délai 10 jours court à compter de la première présentation de la lettre. De fait, est régulière, une LRAR en rétractation expédiée par l'acquéreur, laquelle a fait l’objet d’une présentation par les services postaux au vendeur, mais n'a pas été retirée et a été retournée à son expéditeur avec la mention "non réclamée" (Cass. Civ. 1ère, 14 février 2018, 17-10.514, dans cette affaire le délai était de 7 jours, car l'acte avait été signé sous l'empire de l'ancienne législation).

Dans un autre registre, un accord tacite nait de la notification d'une LRAR par les services postaux sans que celle-ci ne soit retirée :

  • proposition de redressement fiscal avec un délai de 30 jours pour y répondre, sous peine d'acceptation tacite dudit redressement (CE, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 24 avril 2012, 341146)  
  • notification d’une décision relative au permis de conduire à une personne sans domicile fixe est régulière lorsqu'elle est faite à une adresse correspondant à une résidence de l'intéressé ou à une adresse déclarée à l'administration et où l'intéressé est en mesure de recevoir son courrier (par exemple, adresse mentionnée sur la carte nationale d'identité , CE, 5ème - 4ème chambres réunies, 31 mars 2017, 389769)

La date de notification effective de la LRAR varie selon les circonstances :

  1. Le destinataire accepte le courrier que lui remet le facteur à son domicile ? La notification intervient au jour de cette remise.  
  2. Le destinataire de la LRAR est absent, le service postal laisse un avis de passage. Si le destinataire retire le courrier au bureau de poste, la date de notification est la date à laquelle le pli sera retiré. Si le destinataire ne retire pas le pli dans le délai de 15 jours, la date de notification est celle de la date de la première présentation de la lettre au domicile du destinataire. La LRAR est alors renvoyée à son expéditeur.  
  3. Le destinataire refuse d’accepter la lettre, ou l’accepte mais refuse de signer l’accusé de réception, la date de notification est la date du refus.

En résumé, c'est donc une très mauvaise idée que de refuser une LRAR ou de refuser d'aller la chercher au bureau de Poste dans le délai de 15 jours, car celle-ci sera opposable à son destinataire.

On signalera cependant que dans certains domaines, des dispositions spécifiques règlent de manière différente les effets d’une LRAR. Par exemple, en matière de bail, Le congé doit être notifié soit par LRAR, soit signifié par voie d'huissier, soit encore remis en main propre contre récépissé ou émargement. Ce délai court à compter du jour de la réception de la lettre recommandée, de la signification de l'acte d'huissier ou de la remise en main propre.

Si ladite LRAR n'a pas été remise  à l'intéressé et a été renvoyée à son expéditeur, la notification ne sera pas valable (article 15 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989). C'est pourquoi on préconise dans ce cas, une notification par voie d'huissier...


Me Grégory ROULAND - avocat au Barreau de PARIS

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