Le 16 février 2021, la Cour d'appel de GRENOBLE a sanctionné BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE pour avoir financé une installation photovoltaïque, à l'appui d'un appel de fonds entaché de graves incohérences.




I. RESUME DES FAITS

Le 18 janvier 2014, un particulier est démarché à son domicile par la  SAS  Nouvelle  Régie  des  Jonctions  des  Energies  de  France (alias GROUPE SOLAIRE DE FRANCE, en faillite depuis 2014),  la fourniture, la pose et le raccordement de 14 panneaux photovoltaïques et d'un onduleur moyennant un coût de 21 900 euros.

L'achat est financé par un crédit affecté consenti le jour même à l'acquéreur et son épouse par la SA BANQUE SOLFEA (rachetée par BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE ou CETELEM).

Le 25 janvier 2014, GROUPE SOLAIRE DE FRANCE procède à l'installation des matériels.

Le 29 janvier 2014, le prêteur informe les emprunteurs avoir réglé le vendeur.

Or, le vendeur n'a jamais achevé ses devoirs, car :

- 12 panneaux solaires 14 sont installés
- l'installation photovoltaïque n'est pas raccordée au réseau ENEDIS

De fait, le 22 décembre 2017, les emprunteurs assignent la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE et le liquidateur judiciaire de la société GROUPE SOLAIRE DE FRANCE devant le tribunal d'instance de BELFORT aux fins d'obtenir l'annulation des contrats de vente et de crédit.

 




II. LE TRIBUNAL D'INSTANCE REJETTE LA DEMANDE DES EMPRUNTEURS

Le 5 novembre 2018, le tribunal d'instance de BELFORT déboute les emprunteurs de leurs demandes, au motif que les contrats de vente et de crédit sont réguliers, à l'instar de la demande de déblocage de crédit.




III. LA COUR D'APPEL ANNULE LE JUGEMENT

A. ANNULATION DU CONTRAT DE VENTE

En droit, dans le cadre d'un démarchage à domicile, le vendeur doit remettre au client un exemplaire du contrat de vente signé.

Ce contrat doit comporter, à peine de nullité certaines mentions obligatoires, portant sur l'objet et les modalités de la vente.

Le bon de commande signé dans cette affaire souffre de carences, telles que l'absence de prix unitaire de chacun des biens vendus, des délais et modalités de livraison et d'installation,  du  coût  total  du  crédit  affecté  finançant  l'opération  et  de  l'identité  du démarcheur.

Par conséquent, la Cour d'appel BESANCON a prononcé l'annulation du contrat de vente.

 

B. ANNULATION DU CONTRAT DE CREDIT

En droit, l'annulation du contrat de vente, emporte celle du contrat de crédit.

De ce fait, le contrat de crédit accordé par la SA BANQUE SOLFEA doit être annulé, ce qui implique la restitution par les emprunteurs du crédit.

Mais cette règle reçoit exception si le prêteur a commis une faute lorsqu'il a réglé le vendeur.


C. EXONERATION DES EMPRUNTEURS DE REMBOURSER LE CREDIT

En droit, le  prêteur  peut  être  privé  de  la  possibilité  de  se  prévaloir  des  effets  de
l'anéantissement  rétroactif  du  contrat  de  prêt  s'il  est  démontré  qu'il a  commis  une  faute lorsqu'il a délivré les fonds au vendeur.

Ainsi, le prêteur ne peut payer le vendeur que si, et seulement si, il s'appuie sur un document attestant l'exécution intégrale du contrat principal.

En l'espèce, l'attestation  de  fin  de  travaux  pré-imprimée  datée  manuscritement  du
25 janvier 2014 aurait dû appeler le prêteur à une particulière  attention compte  tenu  des  nombreuses incohérences  qui  l'affectent  :

  1. incohérence quant  à  son  objet : "amélioration de l'habitat", alors que le bon de commande porte sur une installation photovoltaïque avec revente d'énergie exclusivement
  2. incohérence quant , à la brièveté du délai d'exécution de la prestation (sept jours après la signature en dépit des démarches administratives préalables)
  3. incohérence quant à la discordance vis à vis du bon de commande : exclusion du raccordement et des démarches administratives, alors que le bon de commande mentionne à la charge du vendeur le raccordement de l'installation, l'obtention du contrat de rachat de l'électricité produite et la démarche auprès du Consuel d'Etat.

Ces incohérences manifestes auraient dû appeler le prêteur à une particulière attention, car en si peu de temps, l'installation photovoltaïque ne pouvait pas fonctionner. D'ailleurs, c'était le cas, car jamais l'installation n'a été raccordée au réseau public.

En libérant ainsi les fonds entre les mains de l'installateur, la banque a commis une faute, qui l'interdit de solliciter le remboursement du capital prêté aux époux emprunteurs.

Par conséquent, le jugement est annulé, les emprunteurs exonérés de devoir rembourser le crédit et la banque condamnée à leur restituer les sommes prélevées sur leur compte bancaire, au titre du crédit.




Me Grégory ROULAND - avocat au Barreau de PARIS

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