Le 22 septembre 2020, la Cour d'appel de REIMS a condamné la société AGENCE RENOV DESIGN et COFIDIS pour conclusion d'un contrat nul et déblocage d'un crédit avant l'exécution complète par le vendeur de ses devoirs.




I. Résumé des faits

Le 14  septembre  2016,  dans  le  cadre  d’un démarchage à domicile, la SARL AGENCE RENOV DESIGN s’est engagée à fournir et à installer un dispositif photovoltaïque  à un couple d'acquéreurs pour un montant de 25.000 €.

Une offre de crédit accessoire à cette vente a été consentie par COFIDIS.

Les panneaux photovoltaïques ont été installés au mois d’octobre 2016.

Le 8 octobre 2016, l'un des acquéreurs a signé l’attestation de livraison/exécution de la commande de la SARL AGENCE RENOV DESIGN.

Puis, le 21 octobre 2016 il a signé l’attestation de livraison et d’installation et demandé que les fonds soient versés par la banque au vendeur.

Le raccordement de l’installation a ensuite été réalisé au mois de mars 2017.

Les services du Consuel ont effectué les visites de l’installation les 15 décembre 2016, 30 janvier 2017, 28 mars 2017 et 20 avril 2017. La conformité de l’installation a été validée le 21 avril 2017.

Estimant  ne  pas  bénéficier  des  rendements  d’énergie  prévus  contractuellement les acquéreurs ont  sollicité  une  expertise  amiable  de  leur installation, réalisée par le cabinet Greenkraft  Expertise, qui a permis de mettre en exergue de nombreuses incohérences et défaillances sur l'installation.


Ils  ont ensuite, par actes d’huissier des 13 décembre 2017 et 19 décembre 2017, attrait la SARL AGENCE RENOV DESIGN et la SA COFIDIS, devant le tribunal d'instance de REIMS, aux fins d’annulation des contrats et en paiement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts.

Par jugement en date du 28 juin 2019 le tribunal d’instance de REIMS a :

  • « prononcé l’annulation du contrat de vente et du contrat de crédit condamné la SARL AGENCE RENOV DESIGN à procéder au démontage et au retrait  des  panneaux,  et  à  remettre  en  état  la  toiture  des acquéreurs
  • condamné COFIDIS à rembourser les emprunteurs des mensualités déjà versées au titre du remboursement du crédit affecté,
  • condamné la SARL AGENCE RENOV DESIGN à payer à la SA COFIDIS la somme de 25.000 € avec intérêts au taux légal à compter du jugement. » (citation de l'arrêt)

Le vendeur a alors interjeté appel.




II. Position de la Cour d'appel

A. Nullité de la vente

Les juges d'appel ont constaté que le bon de commande était vicié, faute d'indiquer le modèle et les références des panneaux photovoltaïques, leurs accessoires, le prix détaillé par article, poste ou prestation (coût des travaux de pose).

De surcroît, la facture adressée par la suite aux acquéreurs mentionne non pas des
panneaux de marque Thomson mais de marque Soluxtec... ce qui dénote une certaine légèreté du vendeur...

Par ailleurs, il n’est pas non plus précisé sur le bon de commande la date ou le délai
auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service.

Dans ces circonstances, les juges d'appel ont confirmé l'annulation du contrat de vente.

 

B. Exonération de rembourser le crédit

COFIDIS a réglé le vendeur sur présentation du bon de commande  dont  la  seule  apparence,  par  le  peu  de  mentions manuscrites apposées spécifiques à ce contrat précis, ne pouvait que l’interpeller.

Par ailleurs, les obligations de l’emprunteur ne prennent effet qu’à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation.

La livraison de la prestation s’entend, en l’espèce, d’une installation fonctionnelle.

Or, COFIDIS se prévaut de deux attestations de livraison en date des 8 octobre 2016 et 21 octobre 2016, chacun mentionnant de manière laconique la livraison d'un bien ou de marchandises.

Or, à ces dates, si les panneaux avaient été  installés,  ils n'étaient pas pour autant raccordés,  de  sorte  que  l’installation n’était pas opérationnelle.  Le  contrat  de  vente  principal  n’avait  donc  pas  été entièrement  exécuté.  Le prêteur ne  pouvait  ignorer  que  l’installation  qu’elle financait ne se limitait pas à la seule pose des panneaux mais comportait un certain nombre de démarches administratives et d’autres relatives au raccordement, qui ne seront  effectives en réalité qu’en avril 2017, soit 7 mois plus tard !

Il en résulte que la faute du préteur dans la libération de fonds est acquise, de sorte  que
le jugement, ayant condamné le prêteur à rembourser aux emprunteurs les mensualités déjà versées au titre du  crédit affecté, est confirmé.

 

C. Sanction du prêteur

COFIDIS s'appuie sur une “convention de crédit vendeur” conclue avec la venderesse pour réclamer le remboursement des fonds qu’elle lui a versés, mais également l’allocation d’une somme équivalente à celle qu’elle aurait perçue si le contrat de crédit s’était poursuivi jusqu’à son terme soit 36.845,80 €, se fondant sur la clause 6 de cette convention, qu’elle qualifie de clause de garantie à première demande.

La Cour d'appel indique que cette convention ne concerne toutefois pas les conséquences d’une nullité entachant les contrats.

Aussi, la faute de la banque, explicitée ci-dessus, et qui la prive de sa créance envers les emprunteurs, la prive également de toute demande en garantie contre le vendeur !

Dans ces conditions, COFIDIS ne pourra recouvrer le montant du prêt.

Aussi, le vendeur conservera le montant du prêt, mais devrarécupérer son matériel et remettre la toiture des acquéreurs en parfait état.




III. Que retenir de cette affaire ?

En premier lieu, un contrat vicié est nul.

En deuxième lieu, une banque ne peut débloquer le crédit que si, et seulement si, le vendeur a exécuté en intégralité ses devoirs. A défaut, la banque commet une faute qui la prive du droit de réclamer à l'emprunteur de lui rembourser le crédit.

En troisième lieu, de surcroit la faute du prêteur, peut priver celui-ci du droit de recouvrer le montant du crédit versé entre les mains du vendeur.

La sanction peut paraître lourde au premier abord.

En réalité, elle ne l'est pas, car car une banque ne peut être excusée d'adopter un comportement léger envers ses cients et débloquer un crédit sans faire preuve d'un minimum d'attention.

La banque doit avant tout protéger les intérêts de son client et ne pas priviléger son partenariat économique avec des sociétés venderesses de panneaux photovoltaïques, au point de débloquer sans quiétude de l'argent au profit de ces dernières.




Me Grégory ROULAND - avocat au Barreau de PARIS

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