Le 17 novembre 2020, la Cour d'appel de POITIERS a précisé les conditions nécessaires pour être exonéré de rembourser un crédit, en cas d'arnaque à l'isolation et au photovoltaïque.




I.                    RAPPEL DES FAITS

A la suite d'un démarchage à domicile, le 12 octobre 2015, une personne confie à la société ISOLEO FRANCE (aujourd’hui en faillite) à la réalisation de travaux d'isolation thermique et d'installation d'une centrale photovoltaïque en revente totale à EDF, comprenant 86 panneaux, pour la somme de 45.000€.

 

ISOLEO FRANCE s’était engagée à prendre en charge le raccordement des panneaux et leur mise en service.

 

Cet achat était financé au moyen d’un crédit consenti par la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE (alias CETELEM) au taux de 5,87%.

 

Une déclaration préalable de travaux a été déposée à la mairie le 5 novembre 2015, mais le maire a pris un arrêté de défaut d'opposition à cette déclaration le 30 novembre 2015.

 

Dans un certificat du 8 novembre 2015, l’acquéreur a attesté sans réserve que la livraison des biens, de sorte que le prêteur a débloqué les fonds entre les mains du vendeur le 12 novembre 2015.

 

L’acquéreur s’est aperçu être victime de la société ISOLEO FRANCE, car celle-ci l’a empêché de revendre l’électricité à EDF faute d’avoir signé le contrat de fourniture d'électricité.

 

De même, ISOLEO FRANCE n’a pas procédé à l’isolation de la maison !

 

De fait, l’acquéreur emprunteur a assigné le vendeur et le prêteur en vue d’obtenir l’annulation de la vente et du crédit.





II.                JUGEMENT DU TRIBUNAL D’INSTANCE DE CHÂTELLERAULT DU 20/12/2018

 

Le tribunal a débouté l’acquéreur de toutes ses demandes et l’a condamné à continuer à rembourser le crédit, ainsi qu’à régler la somme de 1000€ à la banque au titre de ses frais d’avocat.

 

Le consommateur a alors interjeté appel devant la Cour d’appel de POITIERS.




III.             MOTIVATION DES JUGES D’APPEL DE POITIERS

A. RÉSOLUTION DU CONTRAT DE VENTE

Selon l'ancien article 1184 du Code civil, dans sa version applicable au litige antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagementDans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.

La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.

 

En l’espèce, la société ISOLEO FRANCE a manqué à 3 de ses obligations.

 

En premier lieu, elle n’a pas procédé à la livraison de l'isolation prévue dans le bon de commande (sans mention de sa localisation).

 

En deuxième lieu, le vendeur a livré et posé 36 panneaux, alors que la demande de travaux déposée en Mairie n’en prévoyait que 27 et que la Mairie s’est opposée aux travaux ! Il en résulte que cette demande d'autorisation, qui entrait aux termes du contrat dans les prestations confiées à l'installateur, n'a pas été effectuée et que l'installation n'a pas été conforme aux autorisations administratives.

 

En dernier lieu, le vendeur n’a jamais signé l’attestation sur l'honneur imposée par EDF, empêchant l’acquéreur de percevoir les revenus de l'installation photovoltaïque. En effet, le défaut de délivrance et signature de cette attestation a conduit au défaut de signature du contrat de rachat d’électricité par EDF.

 

Ces manquements présentent un caractère de gravité suffisant pour entraîner la résolution du contrat, car ils portent sur des prestations essentielles du contrat, empêchant tout fonctionnement normal de la partie d'installation livrée, et exposant l’acquéreur à des sanctions administratives voire pénales, faute d’accord de la Mairie.

 

Dès lors, la Cour d’appel a annulé le jugement et ordonné la résolution du contrat de vente aux torts de la société ISOLEO FRANCE.

 

B. RÉSOLUTION DU CONTRAT DE CRÉDIT

 

Le crédit étant lié à la vente, il est également frappé par les effets de la résolution de la vente.

  

 

 C. SUR LES CONSÉQUENCES DE LA RÉSOLUTION : privation de la banque de son droit à restitution du capital prêté

 

En droit, les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation. En cas de contrat de vente ou de prestation de services à exécution successive, les obligations prennent effet à compter du début de la livraison ou de la fourniture et cessent en cas d'interruption de celle-ci.

 

En l’espèce, la banque a commis une faute en débloquant les fonds, car elle ne s’est pas assurée que le vendeur avait exécuté ses obligations.

 

Si la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a débloqué le crédit au vu d'une attestation certifiant que la livraison ou la prestation a été effectuée, et qu'elle est fondée à se fier aux indictions du document en cause, attestant de l'exécution de la prestation sans réserve, il n’en demeure pas moins que ce document était lacunaire pour ne pas mentionner l’intégralité des prestations convenues dans le bon de commande.

 

Dès lors, en libérant les fonds à partir d'une attestation ne démontrant pas l'exécution complète, par l'installateur, de ses prestations, la banque a commis une faute.

 

Cette faute relevant des règles de la responsabilité civile, cela suppose de justifier d'un préjudice, certain, direct et personnel résultant de cette faute.

 

En l’espèce, le préjudice est flagrant : l'absence de réalisation de la prestation d'isolation ou encore de l'absence de mise en production possible de l'installation faute de remise des documents obligatoires à la charge de l'installateur, alors que la société, placée en liquidation judiciaire, ne sera pas en mesure de restituer le prix de la prestation.

 

La faute de la banque a ainsi entraîné le financement intégral du contrat de prêt, alors que les obligations de l'emprunteur n'avaient pas pris effet à l'égard de la banque, sans possibilité d'obtenir la restitution des sommes versées.

Dès lors, la Cour d’appel de POITIERS a infirmé le jugement et exonéré l’emprunteur de devoir rembourser le crédit.

 




IV.              QUE RETENIR DE CETTE AFFAIRE ?

Toute inexécution par le vendeur de ses devoirs conformément au bon de commande, entraîne la résolution de ce dernier.

 

Comme en l’espèce, est considérée comme une inexécution contractuelle par le vendeur de ses prestations l’absence d’installation d'isolation thermique, une installation illégale des panneaux et une impossibilité de revendre l’énergie à EDF.

 

Cette résolution a un impact sur le contrat de crédit, lequel est également résolu.

 

En principe, il revient au vendeur de rembourser l’acheteur du montant du crédit, à charge pour lui de restituer ce dernier à la banque.

 

Ce principe reçoit exception lorsque la banque a réglé le vendeur sans s’assurer que ce dernier a intégralement terminé ses devoirs.

 

En effet, suivant une jurisprudence constante, lorsqu’un des biens financés n'a pas été livré par la faute du vendeur, le prêteur ne peut pas réclamer à l'emprunteur de rembourser le crédit, car les obligations de l’emprunteur envers la banque n'ont pas commencé à courir.

 

Cependant cette exception ne peut trouver à s’appliquer qu’en cas de réunion de deux conditions : la banque ne pouvait pas se convaincre que le vendeur avait exécuté ses devoirs et d’autre part la faute de la banque doit causer un préjudice à l’emprunteur.

 

En effet, il est bien évident que la banque ne peut pas se déplacer sur chaque chantier, afin de vérifier si le vendeur a accompli ses devoirs. C’est pourquoi la banque fait généralement signer un document censé refléter l’exécution par le vendeur de ses tâches. Si ce document est ambigu ou manque de clarté, l’acheteur est exonéré de rembourser le crédit.

 

Cela signifie a contrario que le prêteur qui libère les fonds au vu d'une attestation signée par l'emprunteur certifiant la livraison totale du bien ainsi que l'exécution de la prestation convenue, et détaillant toutes les prestations du vendeur, l’acheteur ne pourra pas échapper au remboursement du crédit.

 

Quant au préjudice subi par l’acheteur, il est simple lorsque le vendeur n’a pas exécuté ses devoirs : l’absence d’exécution d’une prestation et/ou l’absence d'installation de l'intégralité des équipements implique que l’acheteur ne peut jouir de ce sur quoi il s’est mis d’accord avec le vendeur.

 

Si toutes ces conditions sont réunies, la banque est privée de son droit à restitution des sommes empruntées.

 

Les exigences jurisprudentielles peuvent sembler lourdes, mais elles s’expliquent par le fait que les juridictions ne veulent pas être saisies inutilement et permettre à des personnes de jouir gratuitement d’installations photovoltaïques opérationnelles ou d’isolations effectives, alors que le vendeur est en faillite.




Me Grégory ROULAND - avocat au Barreau de PARIS

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