Un sous-traitant a travaillé sur un chantier, mais l’entreprise principale n’est plus solvable. Le sous-traitant se retourne contre le maître d'ouvrage pour être réglé et obtient gain de cause en appel, sauf que la Cour de cassation censure (Cass. civ. 3, 13 juillet 2023, n° 21-23.747). Pourquoi ?

Cet arrêt est l'occasion de rappeler que l'action directe du sous-traitant envers un maître d'ouvrage, suite à la défaillance de l'entreprise principale, répond à des conditions cumulatives qui, faute d'être réunies, entraîneront d'office le rejet de la demande en paiement.




I. EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Un maître d’ouvrage confie réalisation de travaux à un entrepreneur principal qui en sous-traite la réalisation d’une partie, relative aux travaux de terrassement, à un sous-traitant.

Le 12 juin 2014, l’entrepreneur principal est mis en liquidation judiciaire immédiate sans avoir réglé le solde du sous-traitant.

Le 6 octobre 2014, le sous-traitant met en demeure l’entrepreneur principal de lui régler le solde du marché.

Ce courrier restant sans réponse, le sous-traitant se retourne contre le maître d’ouvrage.

Le 9 août 2021, la cour d’appel de Versailles donne raison au sous-traitant en condamnant le maître d’ouvrage à le régler. Les juges d'appel ont considéré que la réclamation du sous-traitant étiat régulière, peu importe que la mise en demeure adressée à l'artisan principal ait été postérieure à sa mise en liquidation judiciaire.

La censure était inévitable ! en effet, la Cour de cassation rappelle au visa de l'article 12, alinéas 1 et 3, de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 que "le sous-traitant a une action directe contre le maître de l'ouvrage si l'entrepreneur principal ne paie pas, un mois après en avoir été mis en demeure, les sommes qui sont dues en vertu du contrat de sous-traitance ; copie de cette mise en demeure est adressée au maître de l'ouvrage. Cette action directe subsiste même si l'entrepreneur principal est en état de liquidation des biens, de règlement judiciaire ou de suspension provisoire des poursuites."

La Cour de cassation rappelle que lorsque l'entrepreneur principal fait l'objet d'une liquidation judiciaire, le sous-traitant doit, pour valablement se retourner contre le maître d'ouvrage, adresser à celui-ci une copie de sa production au passif de l'entrepreneur principal (= une déclaration de créance), cette production tenant lieu de mise en demeure (Com., 12 mai 1992, n° 89-17.908 ; Com, 9 mai 1995, pourvoi n° 93-10.568).

Ainsi, faute de mise en demeure antérieurement à la liquidation judiciaire, le sous-traitant aurait dû déclarer sa créance auprès du liquidatuer judiciaire, ce qui aurait valu mise en demeure de l'entrepreneur principal.

Faute de ce faire, les juges d'appel n'auraient pas dû donner gain de cause au sous-traitant. D'où la cassation.




II. EN RÉSUMÉ : points à retenir

Bien entendu si le maître d'ouvrage a réglé intégralement l'entrepreneur principal, le sous-traitant n'a aucun recours possible contre ce premier.

Dans le cas contraire, pour que le sous-traitant puisse exiger d'être payé par le maître d'ouvrage, il faut satisfaire aux conditions cumulatives suivantes :

  • le maître d’ouvrage doit avoir accepté le sous-traitant ;
  • le maître d'ouvrage doit avoir accepté les conditions de paiement du sous-traitant ;
  • lorsque l'entreprise principale est en faillite, le sous-traitant doit avoir envoyé une mise en demeure à ce dernier avant la faillite ou bien avoir déclaré sa créance dans les 2 mois de la publication du jugement de liquidation judiciaire ;
  • le sous-traitant doit adressé la copie de ses diligences au maître d'ouvrage (copie mise en demeure avec AR + déclaration de créance)
  • le sous-traitant doit démontrer que l’entrepreneur principal ne s'est pas exécuté dans le délai d’un mois à compter de la réception de la mise en demeure.

Si l'une de ces conditions fait défaut, le sous-traitant ne pourra pas exercer une action directe contre le maître d'ouvrage.




Me Grégory ROULAND - avocat au Barreau de PARIS

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