Bail commercial et suspension jeu de la clause résolutoire.
Civ 3ème 6 févr. 2025 n°23-18.360
Mots clés : Bail commercial – Clause résolutoire – suspension – manquement aux obligations du preneur – obligation de faire.
La suspension de la clause résolutoire insérée dans un bail commercial peut être demandée par le preneur à bail, peu important le manquement reproché à ses obligations, quand bien même il s’agirait d’une obligation de faire.
Les faits :
Un bail d’un local commercial à usage de restaurant est conclu le 2 aout 2004. Il contient la stipulation suivante : sauf les exceptions prévues par la législation en vigueur, les lieux loués doivent toujours rester ouverts, exploités et achalandés.
Le bailleur fait constater la fermeture du restaurant le 10 janvier 2019 et fait délivrer au preneur, le 24 du même mois, un commandement visant la clause résolutoire insérée au bail, d’avoir à reprendre l'exploitation du fonds, au visa de l’article L145-41 alinéa 1er du code de commerce.
Par suite, le bailleur assigne son locataire en constatation de la résiliation du bail.
Le locataire formule alors une demande de délai avec suspension des effets de la clause résolutoire prévue au second alinéa de l’article précité (NDLA : et ce, tant que la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée).
Le reproche fait à la Cour d’appel d’Aix en Provence :
Le locataire fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de délai avec suspension des effets de la clause résolutoire, alors « que l'article L. 145-41, alinéa 2, du code de commerce autorise le juge à accorder des délais au preneur à un bail commercial, et par conséquent à suspendre la réalisation et les effets de la clause résolutoire, quel que soit le manquement reproché, y compris à une obligation de faire.
La cour refuse de suspendre les effets de la clause résolutoire, motif pris que le délai prévu à l’article L145-41 alinéa 2 du code de commerce ne vaut qu'en cas de résiliation du bail pour non-paiement des loyers et charges, et non pour manquement à une obligation de faire.
Réponse de la Troisième chambre civile :
C’est à tort que la cour d’appel d’Aix en Provence a considéré que les dispositions de l’article L145-41 alinéa 2 du code de commerce n’avaient vocation à s’appliquer qu’en cas de résiliation de bail pour défaut de paiement des loyers ou charges.
Au visa de l'article L. 145-41, alinéa 2, du code de commerce, la troisième chambre de rappeler qu’il résulte de ce texte que la suspension des effets d'une clause résolutoire peut être décidée par le juge, quel que soit le manquement à ses obligations reproché au locataire.
Que retenir de cet arrêt ?
La demande de délai de l’article L145-41 alinéa 2 du code de commerce doit être présentée selon les formes et conditions de l'article 1343-5 du Code civil, lequel ne concerne que les délais de paiement.
La Cour d'appel d'Aix, par application de ce qui précède, en avait déduit que la demande de suspension du jeu de la clause résolutoire prévue par le Code de commerce était donc restreinte au champ d'application de l'article 1343-5 du Code civil, qui concerne "les obligations de sommes d'argent".
La troisième chambre civile ne fait pas sienne cette lecture, considérant que la clause résolutoire peut être invoquée pour tout manquement au bail de la part du preneur, peu important que ce manquement résulte alors d’une obligation de faire.
Soutenir le contraire priverait le locataire de la protection offerte par les dispositions de l’article L145-41 du code de commerce en cas de mise en œuvre de la clause résolutoire, dans tous les cas où le manquement ne concernerait pas le paiement d’une dette d’argent.
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