Sur les obligations du nu-propriétaire et de l'usufruitier

L'article 605 du Code civil définit les obligations de l'usufruitier et du nu-propriétaire :

" L'usufruitier n'est tenu qu'aux réparations d'entretien.

Les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire, à moins qu'elles n'aient été occasionnées par le défaut de réparations d'entretien, depuis l'ouverture de l'usufruit ; auquel cas l'usufruitier en est aussi tenu. "

D'une façon générale, l'usufruitier dispose d'un pouvoir d'administration et de gestion normale du bien.

Les réparations d'entretien incombent à l'usufruitier tandis que les " grosses réparations ", touchant à la structure et à la solidité de l'immeuble, incombent au nu-propriétaire.

Les " grosses réparations " sont définit à l'article 606 du Code civil :

" Les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières.

Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier.

Toutes les autres réparations sont d'entretien "

Une clause de solidarité du paiement des dépenses entre usufruitier et nu-propriétaire peut exister dans le règlement de copropriété, il convient donc de vous y reporter.

En ce qui concerne les obligations du nu-propriétaire et de l'usufruitier après délivrance de leg, il convient de se reporter à l'acte authentique de délivrance de legs, qui définit souvent les droits et obligations de chacun :

Exemple:

" l'usufruitier est tenu d'entretenir la chose soumise à son usufruit à l'exclusion des grosses réparations, et doit payer sa quote-part des charges relatives à la gestion de la copropriété, dépenses d'entretien et réparations courantes de l'immeuble, telles que le ravalement.

Il doit aussi payer sa quote-part des frais afférents aux services collectifs et aux éléments d'équipement commun. "

L'acte précise souvent en outre qu'en l'absence de dispositions du règlement de copropriété, le Syndic doit, au moment de l'appel des charges, tenir compte de la situation de démembrement et réaliser une répartition des charges selon les obligations de l'usufruitier et du nu propriétaire.

Il convient de préciser que la Cour de Cassation considère qu'un défaut d'entretien de la part de l'usufruitier peut entrainer la déchéance de son usufruit (Cass. 3ème civile - 12 mars 1970).

C'est-à-dire que si l'usufruitier n'entretient pas le bien, le nu-propriétaire peut saisir le juge pour demander à ce qu'il soit destitué de son usufruit.

Il a également été jugé que l'usufruitier n'a aucune action pour contraindre le nu-propriétaire à effectuer les grosses réparations (Cass. civile 3ème 30 janvier 1970), toutefois, une action peut être effectuée à son encontre à fin d'usufruit.

Cela étant, il est de l'intérêt du nu-propriétaire que la structure et la solidité du bien soient maintenues.

Sur le droit de vote, l'assurance et les taxes

Sur le fait de savoir qui du nu-propriétaire ou de l'usufruitier dispose du droit de vote à l'assemblée générale des copropriétaires, il convient de se reporter au règlement de copropriété qui peut comporter des stipulations en ce sens.

Dans le cas où le règlement de copropriété ne prévoit rien, l'article 23 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que l'usufruitier et le nu-propriétaire doivent se mettre d'accord pour désigner un mandataire commun qui peut être l'un d'eux, ou une autre personne.

Les taxes foncières et d'habitation sont en principe à la charge de l'usufruitier, de même que celle d'enlèvement des ordures ménagères.

L'acte authentique de délivrance de legs prévoit régulièrement que le nu-propriétaire:

  • paiera les primes d'assurance habitation, risques incendie, explosion, bris de glace, responsabilité civile,
  • continuera les abonnements d'eau, gaz, électricité, téléphone,
  • s'acquittera des impôts, contributions, taxes d'habitation et foncière et autres charges assujettissant le bien, même si ces charges ou impôt sont établis au nom du nu-propriétaire,
  •  

En présence d'un bail, elles sont à faire peser sur le locataire.

Sur la conclusion d'un bail par l'usufruitier

Il faut se référer à l'article 595 du Code civil.

En vertu de son pouvoir de gestion du bien, l'usufruitier a le pouvoir de concéder un bail d'habitation portant sur le bien et d'en percevoir les loyers.

Seule la conclusion d'un bail d'une durée supérieure à 9 ans nécessite l'accord du nu-propriétaire.

Toutefois cette hypothèse semble exclue dans votre cas dans la mesure où il s'agit d'un appartement d'habitation.

Dès lors l'usufruitier peut donner à bail l'appartement sans votre accord.

Il en percevra les loyers.

La Cour de cassation considère que l'usufruitier qui consent un bail est tenu de toutes les obligations du bailleur à l'égard de son locataire (Cass. 2ème civile 7 décembre 1961).

Cela signifie que le nu-propriétaire est tiers à la relation juridique entre le locataire et l'usufruitier, et que le locataire disposera de moyens d'action juridique à l'encontre de l'usufruitier car il sera son bailleur.

Aussi, du point de vu de la responsabilité civile, le nu-propriétaire qui n'a aucun droit de commandement, de contrôle et de direction, ne peut donc pas être considéré comme ayant la garde du bien, ce qui restreint sa responsabilité civile.

Sur l'opposabilité du bail au nu-propriétaire

En ce qui concerne l'opposabilité du bail au nu-propriétaire, les baux de neuf ans ou moins, en cours au moment de la cessation de l'usufruit, sont opposables au nu-propriétaire.

Le nu-propriétaire doit les respecter pour le temps qui reste à courir.

Il s'agit la plupart du temps d'un bail d'habitation de 3 ans, reconductible.

Cela signifie qu'au décès de l'usufruitier, le bail qu'il aura consentit à son locataire devra être respecté par le nu-propriétaire devenu propriétaire à part entière, jusqu'à son terme.

Le nu-propriétaire, devenu propriétaire à part entière, endossera la qualité de bailleur avec les droits et obligations qu'elle emporte (perception des loyers / entretien).

A ce titre, il ne pourra donner congés au locataire en place à l'issue de son bail que pour vendre l'appartement ou pour l'habiter.

Sur l'hypothèse de la vente du bien

L'usufruitier dispose du bien, mais il ne peut pas le vendre ou en altérer la substance.

Par ailleurs, en vertu de l'article 760 du Code civil, la demande de conversion d'un usufruit en rente viagère ou en capital peut être réalisée jusqu'au partage définitif.

Dans la situation d'un usufruit postérieur à une succession, le partage définitif a déjà été réalisé.

Une telle demande ne peut donc plus être présentée.

La vente du bien du vivant de l'usufruitier présente l'avantage d'un apport d'argent immédiat, tandis que si la situation de démembrement perdure il faut attendre la fin naturelle de l'usufruit avec le décès de l'usufruitier.

Au décès de l'usufruitier, le nu-propriétaire devient plein propriétaire et peut dès lors disposer du bien et notamment le vendre à son plein profit.

Au rang des inconvénients pour l'usufruitier, s'il s'accorde sur une vente avec le nu-proprietaire de son vivant, une part reviendra à l'usufruitier en fonction de son âge.