La Cour de cassation dans un arrêt rendu le 5 juillet 2017 (Cass com 5 juillet 2017, n°16-14201), est venue apporter des précisions intéressantes sur l’appréciation de la rupture brutale, les éléments à prendre en considération pour la caractériser et l’indemnisation de la victime.
Deux sociétés étaient en relations d’affaires depuis 1995, dans le cadre de prestations de commissionnaire de transport. Un 1e contrat avait été signé en 2008 et le commettant avait notifié le 1e juin 2012 à son partenaire depuis 17 ans, la fin de leurs relations commerciales, en faisant référence au préavis contractuel d’un mois.
Le commissionnaire de transport s’estimant victime d’une rupture brutale de relations commerciales avait assigné le commettant, sur le fondement de l’article L 442-6 I 5e du Code de commerce.
La Cour d’appel de PARIS avait considéré dans un arrêt du 28 janvier 2016, qu’il n’y avait pas eu rupture brutale des relations commerciales en l’espèce, bien que reconnaissant que la durée de préavis s’appréciait au moment de la rupture, la Cour avait estimé que la victime avait retrouvé dès la rupture un nouveau partenaire et qu’il n’était pas justifié que les pertes et licenciements intervenus étaient liés à la rupture.
Le commissionnaire victime avait formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cette décision. La Cour de cassation dans un arrêt du 5 juillet 2017, casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt de la Cour d’appel, en posant comme principe que la brutalité de la rupture d’une relation commerciale établie s’apprécie au moment de la rupture, de sorte que la Cour d’appel ne pouvait se fonder sur des éléments postérieurs à celle-ci.
La Cour de cassation considère que l’action engagée sur le fondement de l’article L 442-6 I 5e du Code de commerce : « a pour seul objet de réparer le préjudice résultant de la brutalité de la rupture et non de réparer les conséquences de la rupture elle-même ; que la victime de la rupture brutale a droit au versement d’une indemnité correspondant à la marge brute qu’elle aurait dégagée pendant le préavis qui aurait dû lui être délivré, les juge du fond n’ayant notamment pas à tenir compte du chiffre d’affaires réalisé par la victime de la rupture pendant la période de préavis ».
La Cour de cassation rappelle également aux termes de cet arrêt qu’en présence d’une relation commerciale établie, doit être pris en compte la durée globale des relations et non uniquement la durée du dernier contrat.
Ainsi, au vu de la position de la Cour de cassation, seul les éléments antérieurs à la rupture doivent être pris en considération et lorsque la brutalité de la rupture est caractérisée, l’indemnisation de la victime ne doit reposer que sur des critères antérieurs à la notification et principalement la durée (durée globale) et l’intensité des relations.
Ces critères d’indemnisation ne sont pas nouveaux, pour autant par cet arrêt la Cour de cassation adopte une position tranchée sur l’exclusion des éléments postérieurs à la rupture.
Cette position s’inscrit dans une tendance jurisprudentielle de protection accrue de la victime d’une rupture brutale de relations commerciales.
Toutefois, le préavis accordé en matière de rupture brutale des relations commerciales a vocation à permettre à la victime de la rupture de se réorganiser et de retrouver de nouveaux débouchés. Or, si la victime parvient rapidement à se réorganiser et à trouver un nouveau partenaire son préjudice est nécessairement moindre.
En excluant la prise en compte des éléments économiques postérieurs de la victime, ne va-t-on pas vers une dérive, en déconnectant le régime d’indemnisation de la réalité du préjudice subi.
En conclusions, si vous envisagez de cesser une relation commerciale avec un partenaire, soyez extrêmement vigilant, même si vous considérez que celui-ci pourra rapidement retrouver de nouveaux débouchés et se réorganiser, si au contraire vous êtes victime d’une rupture brutale de relations commerciales, votre anticipation et votre capacité à limiter les conséquences économique de cette rupture, ne pourront vous être reprochées et diminuer votre droit à indemnisation.
Hadrien DEBACKER
Avocat Associé
SELAS SIX DEBACKER & ASSOCIES
Cabinet ELOQUENCE
Pas de contribution, soyez le premier