Par un arrêt du 6 février 2024, la Cour d’Appel de LYON est venue rappeler qu’en matière d’assistance éducative, le ministère public se doit d’émettre un avis écrit sur la mesure d’assistance éducative proposée ou a minima d’être présent à l’audience pour formuler oralement cet avis.
Force est de constater qu’en matière d’assistance éducative, nombreuses sont les juridictions devant lesquelles le Parquet n’a pas communiqué son avis par écrit sur la mesure d’assistance éducative proposée et n’était pas non plus présent au cours de l’audience pour faire part de sa position sur la mesure.
En effet, l’article 1187 du Code de procédure civile prévoit, en son dernier alinéa que :
« L'instruction terminée, le dossier est transmis au procureur de la République qui le renvoie dans les quinze jours au juge, accompagné de son avis écrit sur la suite à donner ou de l'indication qu'il entend formuler cet avis à l'audience »
Dans deux affaires connexes qui concernaient trois enfants, les deux enfants d’un couple et le fils issu de l’union du père avec une précédente compagne, des mesures d’action éducative en milieu ouvert (AEMO) prévues à l’article 375-2 du Code civil avaient été prononcées par le juge des enfants.
Le père s’était vu confier par le juge aux affaires familiales la garde de son fils issu de sa précédente union et héberge donc sous son toit les trois enfants.
Le juge des enfants avait considéré que le contexte familial, s’il ne nécessitait pas un placement et qu’il était préférable de maintenir les enfants dans leur milieu familial, justifiait néanmoins que des travailleurs sociaux apportent aide et conseil à la famille.
Rappelons que cette mesure d’AEMO ne peut excéder deux années mais peut être renouvelée par décision motivée.
Un premier jugement du juge des enfants de mars 2022, saisi sur requête du Procureur de la République, avait prononcé une mesure d’AEMO pour les deux fils aînés jusqu’au 31 mars 2023.
Par un nouveau jugement du 23 mars 2023, la mesure était prolongée jusqu’au 30 mars 2024.
Le père et sa nouvelle compagne, peu enclin à collaborer à la mesure, faisaient appel de ce jugement devant la Cour d’Appel de LYON.
Au-delà de la question de la pertinence de faire appel du jugement instituant une mesure d’AEMO au regard des délais d’audiencement actuellement très longs et susceptibles de faire intervenir l’arrêt de la Cour après ou, avec de la chance peu de temps avant la fin de la mesure, se pose la question de l’intérêt à soulever la nullité du jugement de première instance pour défaut d’avis du parquet.
C’est sur le fondement de l’article 1187 dernier alinéa que la Cour d’Appel se voit contrainte de faire le constat que dans le cas d’espèce, aucun avis écrit du Ministère public n’avait été transmis en première instance. Il ne ressortait pas non plus des notes d’audience que le Ministère public aurait été présent à l’audience devant le juge des enfants.
Il sera relevé que le Parquet Général, présent cette fois à l’audience d’appel, n’avait eu d’autre choix que de reconnaître le non-respect des dispositions de l’article 1187 CPC dernier alinéa.
En conséquence, « Les parties n’ayant pas été en mesure de connaître l’avis circonstancié du procureur de la république », la Cour a prononcé l’annulation du jugement du juge des enfants contesté.
Cependant, l’article 562 du Code de procédure civile prévoit que l’appel défère à la Cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution s’opère alors pour le tout lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement.
Le Ministère Public avait clairement soulevé au cours de l’audience qu’en tout état de cause, l’article 562 du Code de procédure civile ainsi qu’une jurisprudence du 10 juillet 2001, impliquait que lorsque la nullité concerne non pas la saisine du premier juge mais une défectuosité de la procédure suivie devant celui-ci, ce qui était soulevé en l’espèce par le père des enfants, le juge d’appel saisi de l’entier litige, est tenu de se prononcer sur le fond du droit, sans même devoir statuer préalablement sur le moyen tiré de l’irrégularité du jugement (Cass.com, 10 juillet 2001, n°98-19-491 : RTD Civ.2001. 957, obs. Perrot).
C’est donc ce qu’a fait la Cour en ordonnant le renouvellement de la mesure d’AEMO jusqu’au 30 juin 2024, prolongeant ainsi de trois mois la durée de la mesure initiale.
Rappelons que le contentieux de l'assistance éducative est une procédure orale et que la seule présence du Ministère Public à l'audience assurait donc le respect du contradictoire.
Il est donc indispensable de bien peser les pours et les contres avant de soulever la nullité d’un jugement de première instance en matière d’assistance éducative au risque de se retrouver dans la position de l’arroseur -arrosé.
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