« Restez chez-vous », c’est la doctrine à l'heure du coronavirus et elle est bien légitime.
Cette doctrine a trouvé une traduction légale, dans les décrets de confinement.
Ces décrets ont prévu une infraction pour la violation de leurs prescriptions, une amende de la 2ème classe.
Cette sanction a été récemment aggravée, par la loi ayant adopté l’état d’urgence sanitaire, puisqu’une amende de la 5ème classe et un délit ont été créés pour la réitération d’infractions au confinement.
Ceci exposé, avant cette loi, certains individus, pour des raisons diverses, ont fait le choix de ne pas respecter les décrets de confinement, parfois à de multiples reprises.
Beaucoup ont été condamnés par amendes pour des escapades injustifiées.
Néanmoins, ces amendes, même multipliées, n’avaient pas sur tous l’effet modérateur attendu, certains s'entêtant à sortir sans motif valable.
Des médias ont alors fait état de placements en garde à vue ou de procédures de comparution immédiate, peut-être même une condamnation, pour mise en danger de la vie d’autrui à l’encontre de ces récidivistes.
Pourtant, aussi condamnable la violation du confinement soit elle, il n’appartenait pas à la Justice pénale de palier les éventuelles carences dans les sanctions attachées aux mesures de confinement, en ayant de surcroît recours à un délit qui ne peut être caractérisé que dans un nombre particulièrement restreint de cas.
Pour bien comprendre le problème, il faut revenir au code pénal, qui, en son article 223-1, définit le délit de mise en danger de la vie d’autrui :
« Le fait d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. »
Plusieurs conditions apparaissent à la lecture de ce texte, il faut, pour que le délit soit constitué, que :
- Une obligation de prudence ou de sécurité soit imposée par la loi ou le règlement ;
- Cette obligation soit délibérément violée ;
- Cette violation délibérée expose une personne tierce à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente.
Si la violation délibérée ne semble guère pouvoir être utilement contestée, notamment cas de réitération, bien que chaque situation soit spécifique, il n’en va pas de même des deux autres conditions.
(I) S’agissant de l’obligation de prudence ou de sécurité, s’il est indiscutable que les mesures de confinement sont fixées par un règlement au sens de ce texte, la question se pose néanmoins de savoir si elles constituent réellement une obligation de prudence ou de sécurité.
En effet, même à ce jour, il n'a pas été imposé un confinement total avec interdiction absolue de sortir de son domicile, il est d’ailleurs autorisé de circuler pour des motifs aussi banals que se rendre au travail ou faire des achats de première nécessité.
Or, si l'on peut circuler librement pour des motifs aussi communs et courants, on peut en déduire, d'abord, qu'il n'est pas, en soi, grave de sortir et, ensuite, que si la situation ne présente pas de réel danger, l'obligation qui la conditionne n'a pas pour objet d'empêcher une imprudence ou une insécurité.
D'ailleurs, en réalité, ce qui importe par prudence ou sécurité, au vu des textes et de la position du gouvernement, et la problématique du travail sur les chantiers est très éclairante à cet égard, c’est bien davantage de respecter les gestes barrières que de rester confiné chez soi.
Mais il ne semble pas que la violation de la distanciation sociale fonde les mesures pénales contestées.
(II) S’agissant ensuite de l’exposition d’autrui à un risque majeur, la critique est encore plus évidente.
Et pour cause, la violation de l’obligation de confinement n’expose, sauf exception, personne à un risque immédiat, surtout s’il n’est pas prouvé que les gestes barrières n’ont pas été respectés ou même que le prévenu a effectivement croisé quelqu'un.
Surtout, en réalité, il n’existe un risque immédiat pour autrui que si le prévenu était effectivement contaminé.
Ainsi, sauf à justifier de raisons objectives de soupçonner que le contrevenant au confinement était porteur du virus, aucune garde à vue sur le fondement de l’infraction de mise en danger d’autrui ne pouvait être légalement prise. Et si, malgré des soupçons légitimes, il n’a pas été prouvé qu’il l’était, aucune condamnation n’aurait dû intervenir sur cette base.
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La Justice pénale, faut-il le rappeler, n’est pas en droit d’imposer des sanctions au confinement qui n'ont pas été prévues par les textes, encore moins en tentant de les poursuivre et de les sanctionner sous une qualification pénale inopportune.
La loi n’est pas la morale, pas davantage qu’elle n'est l’appréciation de tel ou tel magistrat sur la gravité de la situation actuelle, sur les moyens d’y faire face ou sur l’importance du confinement de la population et les sanctions devant l'y contraindre.
C’est le jeu de la séparation des pouvoirs, c’est la Démocratie, et ce n’est pas le moment pour la Justice de sortir de son rôle et de l’affaiblir.
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