Fiche S : Qu'est-ce que c'est ? Comment ça marche ? 

Depuis quelques années, la fiche S a fait l’objet de nombreux fantasmes, sciemment entretenus par les médias relatant des faits divers ou des attentats. Or, contrairement à une idée répandue, un individu fiché S n’est pas nécessairement un individu dangereux. En effet, de nombreux médias assimilent à tort, fiche S et radicalisation ou encore attentat.

Peu de personnes savent que la fiche S est en réalité un outil à disposition des services de police, de gendarmerie et des douanes pour le recueil de renseignements sur une personne fichée « S ». Il n’existe pas non plus de « fichier » S.

 

A) La fiche « S » qu’est-ce que c’est ?

 

La fiche S est une fiche au sein d’une catégorie du fichier de police dénommé « Fichier des personnes recherchées » ou « FPR ». Le FPR recense les individus faisant l’objet d’une mesure de recherche ou de vérification de situation. Chaque individu faisant l’objet d’une fiche au FPR l’est, en raison d’une catégorie. Il existe 21 catégories de mesures de recherche, mais en pratique, certaines ne sont plus utilisées. Les plus courantes sont les fiches « J » pour « mesures judiciaires », « E » pour « Police générale des étrangers », « CJ » pour « contrôles judiciaires », mais il en existe bien d’autres, dont la fameuse fiche « S » pour « Sûreté de l’État ».

Ainsi, la fiche « S » correspond à une catégorie de mesures de recherches au sein du FPR.

Il existe 11 catégories de fiche « S », qui vont de S2 à S16, qui renvoient à des profils et qui correspondent à la conduite à tenir pour les services de police, de gendarmerie ou des douanes qui contrôlent l’individu. Ainsi, lorsqu’un individu fiché S est contrôlé par la police au volant de son véhicule, la fiche peut indiquer aux policiers, dans la rubrique « conduite à tenir » : indiquer le sens de direction du véhicule, indiquer s’il est accompagné d’autres individus dans le véhicule, etc…

En pratique, la fiche S permet de recueillir des informations sur un individu ciblé et de faire remonter ces informations au service de surveillance, qui est la plupart du temps, la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure).

 

B) Un individu peut-il savoir s’il est fiché S et pour quelles raisons ?

 

La fiche S a vocation à recueillir des informations de manière discrète sur un individu. Elle n’a pas vocation à être portée à la connaissance de la personne, sous peine de réduire à néant l’utilité de son fichage.

Cependant, certains détails peuvent amener une personne à s’interroger raisonnablement sur son fichage. Ainsi, des contrôles policiers réitérés en un espace de temps très court peuvent éveiller des soupçons. Pour autant, ce n’est pas une preuve suffisante.

Pour seule certitude, il convient de saisir la CNIL (Commission nationale Informatique et libertés) et lui demander l’accès aux données vous concernant.

Ces fichiers sont traités par le ministère de l’intérieur ou le ministère de la défense.

Dès lors, il est possible que le responsable du traitement du fichier informe la CNIL qu’il s’oppose à la divulgation de ces données pour des motifs tenant à la sûreté de l’État.

Indirectement, le demandeur a sa réponse : il est fiché.

 

C) Pour quels motifs peut-on être fiché ?

 

Il ne le saura jamais, et c’est là le problème, car le fichage est administratif et peut comporter des erreurs. Exemple : une personne fichée S pour avoir été présente à un meeting, alors qu’elle était incarcérée.

En cas de fichage S, quelle voie de recours ?

En cas de refus d’accès à ses données, le demandeur peut former un recours devant le Conseil d’État. Cette voie de recours a en effet été instaurée par la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement d’une nouvelle procédure contentieuse concernant la mise en œuvre du droit d’accès indirect institué par la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés pour les fichiers intéressant la sûreté de l’État, la défense ou la sécurité publique (« fichiers de souveraineté »).

Depuis le 3 octobre 2015, celui-ci est compétent, dans une formation ad hoc – la formation spécialisée-, pour connaître en premier et dernier ressort de telles requêtes. Habilités ès qualité au secret défense, les membres de la formation spécialisée ont, dans le cadre de leur office, accès au contenu des fichiers de souveraineté.

Problème : les requérants n’ont pas accès aux données du ministère avant l’audience et ne sont pas convoqués à l’audience !

Les magistrats se fondent donc sur les requête et mémoires du requérant et la réponse du Ministère.

Cette particularité procédurale n’est pas sans heurter les principes les plus essentiels des droits de la défense.

C’est la raison pour laquelle 17 requérants ont saisi la Cour européenne des droits de l’Homme dès 2021 (requête n° 40377/17) pour demander la condamnation de la France pour violation des articles 6, 8 et 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

L’affaire est en attente de délibéré dans les prochaines semaines.

Pour aller plus loin, consulter Rapport d’information n°2019 Sénat, par M. François PILLET.