QUEL POINT DE DEPART POUR LE DELAI DE RECLAMATION EN MATIERE DE DEMANDE DE PLAFONNEMENT DE LA CET EN FONCTION DE LA VALEUR AJOUTEE OU DE DEMANDE DE DEGREVEMENT TRANSITOIRE POUR ECRETEMENT DES PERTES ?
Cette question suscite un vif désaccord entre l'administration fiscale et les redevables, résultant notamment du particularisme de la contribution économique territoriale (CET) puisque, bien que légalement qualifiée d'impôt, cette contribution n'a en réalité d'existence qu'au travers de ses deux composantes, à savoir, la cotisation foncière des entreprises (CFE) et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
Or, l'enjeu de cette question est de taille dès lors que la demande de plafonnement de la CET et la demande de dégrèvement transitoire ne présentent aucune difficulté sur le fond. Le respect de la procédure conduit quasi-systématiquement au dégrèvement. Le seul véritable obstacle résulte donc de la potentielle irrecevabilité de la demande au regard du délai de réclamation.
Rappelons en premier lieu que, selon les dispositions des articles 1647 B sexies (pour la demande de plafonnement) et 1647 C quinquies B (pour la demande de dégrèvement transitoire) du Code général des impôts (CGI), la demande doit être effectuée "dans le délai légal de réclamation prévu pour la cotisation foncière des entreprises".
Ce délai est prévu à l'article R*196-2 du Livre des Procédures Fiscales (LPF) qui dispose que:" Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts directs locaux et aux taxes annexes doivent être présentées à l'administration des impôts au plus tard le 31 décembre de l'année suivant celle […]".
La deuxième partie de l'article fixe quant à elle 5 points de départ différents pour ce délai:
a) l'année de la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ;
b) l'année de la réalisation de l'événement qui motive la réclamation ;
c) l'année de la réception par le contribuable d'un nouvel avis d'imposition réparant les erreurs d'expédition que contenait celui adressé précédemment ;
d) l'année au cours de laquelle le contribuable a eu connaissance certaine de cotisations d'impôts directs établies à tort ou faisant double emploi ;
e) ou l'année du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement.
L'administration fiscale conclut de la combinaison de ces articles que la demande de plafonnement de la CET ou de dégrèvement transitoire de l'année N doit être déposée au plus tard le 31 décembre de l'année N+1, date à laquelle expire le délai de réclamation de la CFE de l'année N en vertu du a) de l'article R*196-2 LPF.
En d'autres termes, selon l'administration fiscale, en faisant référence au délai légal de réclamation prévu pour la cotisation foncière des entreprises, le législateur aurait entendu fixer le point de départ du délai de réclamation pour la demande de plafonnement de la CET et pour la demande de dégrèvement transitoire au jour de la mise en recouvrement de la CFE de l'année N.
Pour autant, outre que cela ne ressort pas clairement des dispositions susvisées, il faut souligner que la demande de plafonnement comme la demande de dégrèvement transitoire ont trait à la CET qui n'est pas recouvrée par voie de rôle. En effet, la CET n'est que la somme de ses deux composantes dont les modalités de recouvrement sont distinctes:
- la CFE N recouvrée par voie de rôle dans le courant de l'année N;
- la CVAE N, acquittée par voie d'acomptes en N, le solde étant versé spontanément en mai N+1.
Or, à la lecture de l'article R*196-2 du LPF, seul le point b) trouve à s'appliquer à la CET, l'évènement qui motive la réclamation se caractérisant par la liquidation définitive de la CVAE N en mai N+1.
Ainsi, une demande concernant la CET de l'année N devrait à notre sens pouvoir être déposée jusqu'au 31 décembre de l'année N+2 (31 décembre de l'année suivant celle de l'évènement qui motive la réclamation, à savoir la liquidation définitive de la CVAE en mai N+1).
Cette position est doublement confortée par:
- le contexte législatif : selon nous, la référence des articles 1647 B sexies et 1647 C quinquies B du CGI au délai légal de réclamation prévu pour la CFE n'avait pour seule finalité que de préciser lequel du délai de l'article R*196-1 ou de celui de l'article R*196-2 du LPF devait s'appliquer dès lors que la législation en vigueur au moment de la rédaction desdits articles prévoyait un délai de réclamation pour la CFE (R*196-2) plus court que pour la CVAE (R*196-1), ce dernier étant alors identique au délai applicable pour une réclamation afférente à la taxe sur la valeur ajoutée. Ce n'est que par la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 que les modalités de réclamation de la CVAE ont été alignées sur celle de la CFE. Depuis cette modification législative, le délai de réclamation à retenir pour la CVAE est, comme pour la CFE, celui de l'article R*196-2 du LPF;
- la jurisprudence du Conseil d'Etat: dans un arrêt du 19 septembre 2014, le Conseil d'Etat a jugé, au regard de la taxe sur les salaires, que "la liquidation de la cotisation annuelle de taxe opérée sur la déclaration annuelle prévue par le 3 de l’article 369 de l’annexe III au code général des impôts, qu’elle entraîne ou non une régularisation de paiement, voire une demande de restitution du trop versé, doit, dès lors, être regardée comme le point de départ du délai de réclamation mentionné au b) de l’article R. 196-1 du livre des procédures fiscales cité au point 2" (CE, 8e et 3e ss-sect., 19 septembre 2014, n° 370173, Société Banque Courtois).
Cette jurisprudence est transposable à la CVAE de sorte que la liquidation définitive de la CVAE doit constituer le point de départ du délai de réclamation pour la CVAE. Or, on ne saurait admettre que le délai de réclamation pour une demande visant à obtenir une réduction de la CET puisse avoir un point de départ antérieur à celui applicable à l'une de ses composantes, à savoir la CVAE.
Recevabilité ou irrecevabilité de la demande déposée en N+2 ? Telle est la question à laquelle les juridictions administratives devront prochainement répondre.
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