Il s'agit du premier Jugement au monde: jugement extrémement intéressant et démontre la qualité du raisonnement juridique de l'époque.

La décision rendue par le Tribunal de Nippur est d’une grande importance juridique non seulement car s’agissant du premier jugement au monde mais également par le raisonnement qui a conduit les magistrats au prononcé de l’acquittement de l’épouse Nin dada.

Le Tribunal a estimé que le silence gardé par Nin dada ne peut être constitutif d’un crime, acceptant par la même de considérer qu’il ne pèse sur elle aucune obligation d’information en la matière et ceci à l’égard des autorités judiciaires.

Afin de mesurer la qualité du raisonnement, il importe de situer ce jugement dans le temps et d’élargir le raisonnement au delà de la notion de complicité développée par le regretté Owen J. Roberts.

Si on doit comparer le verdict sumérien avec le jugement qu’ aurait pu prononcer un tribunal moderne dans un cas similaire, trois axes peuvent être explorer :

1-la non assistance à une personne en danger, notion qui existe en droit moderne et qui ne peut trouver application au cas de l’espèce, en raison de l’information tardive de l’épouse par les meurtriers, soit après la commission du crime,

2-la complicité abordée par le Président Owen, se définit article 121-7 du Code pénal comme la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation, ou qui par don, promesse, menace, ordre, abus d’autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre, ce qui nécessite une participation active ou passive à la préparation et à la réalisation du crime, ce qui n’apparaissait être le cas de Nin-dada dans cette affaire .

3- la non dénonciation d’un crime, cette notion paraît être la plus proche de la nature de l’affaire puisque l’épouse n’a pas portée l’information reçue par les trois criminels à la connaissance des autorités judiciaires, c’est cette notion qui sera développé amplement , pourra nous éclairer sur la qualité du raisonnement du Tribunal Sumérien par rapport à l’évolution historique et moderne du droit criminel.

En droit Romain, l’approbation équivaut au mandat « malefcio rati habitio mandato oequiparatur « (1)

On approuve un crime de deux manières, tacitement lorsqu’on empêche pas la commission, ou expressément lorsqu’on applaudit hautement celui qui vient de le commettre,

Nin-dada n’a pas approuvé et est restée simplement silencieuse,

Lorsqu’il s’agit d’un cime de lèse majesté l’approbation tacite a lieu par la simple connaissance du crime et quant on l’a pas révélé, cette approbation conduit au dernier supplice.

L’affaire de la femme silencieuse est un crime de droit commun et ne peut être assimilé à un crime de lèse majesté.

Le Code Annamite des lé datant de 1117 (2) a été promulgué en décret relatif au vol et à l’abattage des bêtes à cornes ainsi libellé « quiconque volera ou abattra une bête à corne sera condamné à 90 coups de bâton et à la servitude, son épouse sera également condamnée à la même peine, les voisins qu’auront pas dénoncés le fait seront punis de 80 coups ».

Il s’agit là d’un décret de circonstance qui sanctionne la non dénonciation d’un crime par les voisins, en raison de l’importance de cette variété de bête pour l’agriculture.

Une Ordonnance sévère datant de décembre 1477 a été adopté sous Louis XI, elle Ordonne que toute personnes qui sauront ou auront connaissance de traités, conspiration contre le Roi et ses descendants et successeurs ou contre l’état sera réputé passible de la même peine que l’auteur principal pour crime de lèse majesté . (1).

Notre droit moderne a sanctionné la non dénonciation d’un crime dans de conditions bien précises,

C’est ainsi que le code pénal français dans son article 434-1 précise « le fait pour quiconque ayant connaissance d’un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets, ou dont les auteurs susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 €d’amende ».

L’article 434-3 du même code précise « le fait pour quiconque ayant connaissance de privation, mauvais traitement ou d’atteinte sexuelles infligés à un mineur de moins de quinze ans ………est passible de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 € d’amende ».

Il n’existe en droit moderne aucune obligation pour le citoyen ordinaire de dénoncer un crime aux autorités, sauf si cette information est de nature à sauver la victime ou à éviter la commission de nouveaux crimes par les mêmes auteurs, ou encore lorsqu’elle concerne un mineur de moins de quinze ans.

Dans un arrêt de la Cour de Cassation française du 21 Mai 2008 Chambre Sociale, il a été reproché à un salarié de ne pas porter à la connaissance des autorités l’existence d’infraction à caractère pédophile, images et films découvert sur l’ordinateur d’un client de l’entreprise, justifiant par la même son licenciement pour faute grave.

Pour être complet, il existe une obligation de porter à la connaissance des autorités, l’existence de crimes et délits sans conditions, mais cette obligation prévue par l’article 40 du code de procédure pénale pèse sur les officiers publics, fonctionnaires et élus.

Madame Nin-dada en sa qualité d’épouse de la victime informée tardivement de la commission du crime par les auteurs ne pèse sur elles aucune obligation de porter cette information à la connaissance des autorités et pouvait ainsi garder le silence.

Elle n’est passible d’aucune sanction.

Le raisonnement juridique du Tribunal de Nippur qui a relaxé l’épouse permet à la lumière du droit postérieur et moderne d’obtenir la même décision à l’égard de l’épouse Nin-dada.

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(1)collections de décisions nouvelles et de notion relatives à la jurisprudence donnée par Monsieur DENISART, Procureur au Châtelet 8ème édition – Lamy année 1805.

(2) il s’agit du code Chinois de la dynastie mandchou.